jeudi 30 décembre 2010

Le massacre de Gaza et la lutte pour la justice

jeudi 30 décembre 2010 - 07h:34
Ali Abunimah - The Electronic Intifada
Il y a deux ans, Israël a été l’auteur de ce que nous appelons « Le massacre de Gaza ». Cette offensive, bien qu’officiellement terminée le 18 janvier 2009, se poursuit en réalité jusqu’au jour d’aujourd’hui.
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27 décembre 2009 : Israël lance son assaut meurtrier et long de 3 semaines contre la bande de Gaza - Photo : Hatem Omar/MaanImages
En analysant profondément les faits, on remarquera qu’il ne s’agissait pas seulement d’un massacre perpétré contre des corps humains, mais aussi contre la vérité et la justice. Ainsi, seules nos actions sont capables de mettre un terme à ce qui se passe et à changer le cours de l’histoire.
Le rapport de la commission Goldstone a présenté des preuves accusant Israël de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis lors d’une attaque visant toutes les « bases de la vie civile à Gaza » entre écoles, infrastructures industrielles, eau, installations sanitaires, minoteries, mosquées, universités, postes de police, ministères, agriculture et des milliers de maisons. Or, comme il est de coutume lorsqu’il s’agit d’enquêtes touchant aux crimes d’Israël, le rapport Goldstone est tombé dans l’oubli puisque les Etats-Unis, l’Union Européenne, l’Autorité Palestinienne et certains gouvernements arabes se sont entendus pour que le rapport ne se concrétise jamais.
Pour rappel, l’attaque d’Israël a été lancée après la rupture du cessez-le-feu, négocié quelque mois auparavant, c’est-à-dire en juin, avec le Hamas, sous le prétexte bidon de vouloir mettre un terme aux tirs de rockets à partir de Gaza.
En effet, le Centre Palestinien des Droits de l’Homme, sis à Gaza, relève qu’en l’espace de quelques semaines horrifiantes (soit du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009), les bombardements impitoyables et cruels menés par Israël ont coûté la vie à 1417 personnes.
Un chiffre alarmant sachant que ces vies humaines disparues sont de tous les âges. Il y avait des bébés, à l’instar de Farah Ammar al-Helu âgée d’à peine une année, tuée à Al-Zaytoun. Il y avait des écoliers et des écolières comme l’enfant de Shajaiyeh Islam Khalil, âgé de 12 ans ou encore Mahmoud Khaled al-Meshharawi, 13 ans habitant al-Daraj.
Il y avait aussi les moins jeunes à l’instar de Kamla Ali al-Attar, 82 ans de Beit Lahiya et de Madallah Ahmed Abu Rukba, 81 ans de Jabaliya. On peut également citer des pères et époux comme Dr Ehab Jasir al-Shaer. Les victimes étaient aussi du corps de la police, dont l’officier Younis Mohamed al-Ghandour, âgé de 24 ans. Il y avait des ambulanciers et des agents de la sécurité civile. Il y avait également des femmes au foyer, des enseignants, des fermiers, des éboueurs et des maçons.
Et oui, certains d’entre eux étaient des combattants qui luttent comme tout autre peuple aurait lutté pour défendre la société à l’aide d’armes légères et primitives contre les attaques d’Israël qui, s’appuyant sur les Etats-Unis et l’Union Européenne, se dote d’un matériel de guerre très avancé.
Hélas, les noms des victimes rempliront une centaine de pages, mais rien au monde ne pourra remplir le vide laissé derrière eux, au sein de leurs familles et de la société (« The Dead in the course of the Israeli recent military offensive on the Gaza strip between 27 December 2008 and 18 January 2009 » - PDF - Palestinian Centre for Human Rights, 18 March 2009) (« Liste des morts pendant la dernière offensive armée israélienne contre la Bande de Gaza entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009 », [PDF] Centre Palestinien des Droits de l’Homme, le 18 mars 2009).
Ces personnes n’étaient pas les premières à périr dans les massacres israéliens et elles ne seront, malheureusement pas les dernières. Des douzaines de personnes ont été tuées depuis la fin de l’opération israélienne « Plomb Durci » ; la toute dernière victime est un berger de 20 ans. Salameh Abu Hashish a été tué la semaine dernière par les forces de l’occupation israélienne alors qu’il gardait ses animaux au nord de Gaza.
Mais ces pertes humaines ne mettent pas fin à la tragédie. Aux milliers de blessés permanents s’ajoute le coût psychologique incommensurable qui s’abat sur les enfants contraints de grandir sans parents, sur des parents qui enterrent leurs enfants, ainsi que le traumatisme psychologique qui frappe la plupart des habitants à la suite de l’offensive israélienne et du blocus actuel sur Gaza. En outre, il y a les conséquences non encore élucidées du fait de soumettre, et depuis très longtemps, 700 000 enfants gazaouis à des réserves d’eau toxique.
Il faut reconnaitre que du fait du blocus, 1,5 million de personnes vivent dans la privation et dans le besoin. Outre les produits de base, les matériaux de construction (aucune reconstruction n’a pratiquement pu émerger à Gaza) et le droit d’accéder aux soins médicaux, la population est privée de ses droits fondamentaux et des libertés de voyager, d’étudier, de tout simplement faire partie de ce monde. Le blocus arrache aux jeunes gens dont l’avenir est prometteur tout ce qui a trait à leurs ambitions et à leur avenir. Mettre Gaza sous siège signifie aussi priver la planète des talents de tant de personnes capables de créer et d’offrir. Enfin, en isolant Gaza, Israël souhaite tout simplement nous faire oublier que ceux qui se trouvent à l’intérieur sont, avant tout, des êtres humains.
Ainsi, deux ans après le crime, Gaza demeure une grande prison renfermant une population dont l’unique péché impardonnable aux yeux d’Israël et de ses alliés est le fait qu’elle soit une population réfugiée venant de terres prises par Israël dans le cadre d’un nettoyage ethnique.
La violence d’Israël contre Gaza, comme sa violence contre les Palestiniens où qu’ils soient, est le résultat logique du racisme qui forme le noyau inséparable de l’idéologie sioniste et de sa mise en pratique : les Palestiniens ne sont qu’une nuisance, comme des broussailles ou des roches devant être éliminés face à la conquête acharnée des terres par le sionisme. C’est ce contre quoi luttent tous les Palestiniens, comme nous le rappelle une lettre ouverte publiée aujourd’hui par des dizaines d’organisations de la société civile à Gaza :
« Nous, Palestiniens de Gaza, voulons vivre avec la liberté de rencontrer des amis palestiniens ou de la famille de Tulkarem, Jérusalem ou Nazareth ; nous voulons avoir le droit de circuler et voyager librement. Nous voulons vivre sans la crainte d’une autre campagne de bombardements qui laissera des centaines de nos enfants morts et beaucoup d’autres blessés ou atteints de cancers dus à la contamination des bombes israéliennes au phosphore et autres chimies. Nous voulons vivre sans les humiliations aux barrages israéliens ou l’indignité de ne pas subvenir aux besoins de nos familles à cause du chômage provoqué par le contrôle économique et le siège illégal. Nous appelons à la fin du racisme qui est à la base de toute cette oppression. »
Ceux d’entre nous qui vivent en dehors de Gaza peuvent se tourner vers ceux qui sont à l’intérieur, pour en tirer inspiration et force, car même après toute cette cruauté délibérée, ils n’ont pas cédé. Mais nous ne pouvons pas attendre d’eux qu’ils supportent ce fardeau seuls ou ne tiennent pas compte du coût effroyable des implacables persécutions d’Israël sur les esprits et les corps des gens de Gaza ou sur la société elle-même. Nous devons également tenir compte de leurs appels à l’action.
Il y a de cela un an, j’ai rejoint plus d’un millier de personnes venues de dizaines de pays participer à la Marche pour la Liberté de Gaza et pour tenter de parvenir à Gaza pour commémorer le premier anniversaire du massacre. Nous avons trouvé notre chemin bloqué par le gouvernement égyptien qui agit en complice, avec l’appui des Etats-Unis, du siège israélien. Et même si nous n’avons pas atteint la bande de Gaza, d’autres convois l’ont fait, avant puis après, comme l’a fait Viva Palestina seulement après de sévères obstructions et limitations de l’Egypte.
Hier, le Marmara Mavi est retourné à Istanbul où il a été accueilli à quai par des milliers de personnes. En mai, le navire faisait partie de la Flottille de La liberté de Gaza qui visait à briser le siège par la mer, mais qui a été attaquée et détournée dans les eaux internationales par des commandos israéliens qui ont assassiné neuf personnes et blessé des dizaines d’autres. Même ce massacre n’a pas empêché encore plus de personnes de chercher à briser le siège. Le Convoi d’Asie vers Gaza est en route, et plusieurs autres initiatives sont en cours d’organisation.
Nous pouvons contempler toutes ces initiatives et nous dire que, malgré leur coût énorme - notamment en vies humaines - le siège demeure intact, car les gouvernements du monde - la soi-disant « communauté internationale » - persiste à assurer l’impunité d’Israël. Deux ans plus tard, la bande de Gaza reste sous les décombres, et Israël maintient toujours délibérément la population au bord d’une catastrophe humanitaire tout en permettant l’entrée de juste assez de produits pour calmer l’opinion internationale. Il serait facile de se décourager.
Nous devons cependant nous rappeler que le peuple palestinien à Gaza n’est pas l’objet d’une cause humanitaire isolée, mais qu’il est un partenaires dans la lutte pour la justice et la liberté dans toute la Palestine. Briser le siège de Gaza sera une étape décisive sur cette voie.
Haneen Zoabi, membre palestinienne du parlement israélien et passagère sur le Mavi Marmara, a expliqué en octobre dernier dans un entretien avec The Electronic Intifada que la société israélienne et son gouvernement ne considèrent pas leur conflit avec les Palestiniens comme devant être traité en rendant la justice et en assurant l’égalité pour les victimes, mais simplement comme un problème de « sécurité ». Zoabi fait observer que la grande majorité des Israéliens pensent qu’Israël a largement « résolu » le problème de sécurité : en Cisjordanie avec le mur d’Apartheid et la « coordination sécuritaire » entre les forces israéliennes d’occupation et les collaborateurs de l’Autorité palestinienne à Ramallah, et par le blocus dans la bande de Gaza.
La société israélienne, conclut Zoabi, « ne se sent pas le besoin de paix. Ils ne perçoivent pas l’occupation comme un problème. Ils ne perçoivent pas le siège comme un problème. Ils ne perçoivent pas le fait d’opprimer les Palestiniens comme un problème, et ils ne paient pas le prix de l’occupation ou le prix de [l ’] état de siège [de Gaza]. »
Par conséquent, les convois et les flottilles sont une partie essentielle d’un plus large effort pour faire comprendre à Israël qu’il a un problème et qu’il ne pourra jamais être considéré comme un état normal, jusqu’à ce qu’il cesse son oppression et l’occupation des Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et respecte pleinement les droits des citoyens palestiniens d’Israël et des réfugiés palestiniens. Et même si les gouvernements persistent dans leur laisser-faire, la société civile mondiale montre la voie avec toutes ces initiatives pour briser le siège, et à travers la large campagne, sous initiative palestinienne, pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS).
Au milieu de toutes les souffrances, les Palestiniens n’ont pas eu à célébrer beaucoup de victoires durant les deux années qui ont suivi le massacre de Gaza. Mais il y a des signes d’une évolution dans la bonne direction. Israël a besoin « des négociations de paix » sponsorisées par les Etats-Unis, précisément parce qu’il sait que tout le « processus de paix » lui procure une couverture pour tous ses crimes, il ne sera jamais tenu de restituer quoi que ce soit ou d’accorder des droits aux Palestiniens dans le cadre d’un tel « processus ».
Aujourd’hui Israël mobilise toutes ses ressources pour lutter contre le mouvement mondial pour la justice, en particulier la campagne BDS, qui a pris tant d’ampleur depuis le massacre de Gaza. Il ne peut y avoir meilleure confirmation que ce mouvement place la justice à notre portée. Notre hommage à toutes les victimes ne doit pas être seulement une commémoration annuelle, mais aussi notre travail de chaque jour pour que les rangs de ce mouvement se renforcent.
* Ali Abunimah est rédacteur en chef de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse.
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27 décembre 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais Niha & al Mukhtar
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