lundi 20 décembre 2010

Le Fatah déchiré par la discorde

lundi 20 décembre 2010 - 00h:53
Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
Les conflits au sein du Fatah sont en train de prendre une tournure personnelle au vu de la prolifération des accusations contre Abbas et son entourage, écrit Saleh Al-Naami.
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Dirigeants du Fatah,priant côte à côte sur la tombe du fondateur du Fatah, Yasser Arafat, le 13 août 2009.
Nous sommes dans le quartier Est d’Al Maseyoun où deux policiers essaient de tuer le temps et l’ennui en lisant des journaux ou en jouant aux échecs. Dans ce quartier huppé se trouve la somptueuse villa de Mohamed Dahlan, membre du Comité Central du Fatah, où il réside pendant son séjour à Ramallah.
S’il y a une personne qui a déjà vu ce décor, deux mois plutôt, elle sera sans doute ébahie par la réduction dramatique du nombre des agents de police désignés pour surveiller et garder la résidence. A l’époque, le volume des forces de sécurité à l’extérieur laissait croire qu’il s’agissait d’un château, mais le Président Palestinien Mahmoud Abbas a décidé de le réduire, de manière substantielle, suite à la tension installée dans sa relation avec Dahlan.
Cependant, Abbas dément avoir pris cette décision à cause de son différend avec Dahlan et explique que, désormais, il n’est plus nécessaire de préserver ce niveau de sécurité autour de la maison. En revanche, les cercles politiques et médiatiques palestiniens sont catégoriques et insistent sur le fait que les mesures de sécurité ont été allégées à cause des divergences profondes entre les deux hommes, au point où même les dirigeants du Fatah s’échinent à les réconcilier.
Des sources concordantes ont informé Al-Ahram Weekly que la dernière dispute a éclaté après que Abbas ait reçu des rapports selon lesquels, lui et le Premier Ministre Fayyad avaient été vivement critiqués par Dahlan et ce, durant des meetings en Cisjordanie et lors de différents rassemblements dans le monde arabe. Selon des sources bien informées, Dahlan a critiqué Abbas en particulier, en lui reprochant ses stratégies de négociation avec Israël. En fait, d’après les déclarations de Yasser Abd Rabbo (un proche conseiller d’Abbas) au journal Haaretz, Dahlan avait indiqué que Abbas était prêt à faire des « compromis très hasardeux ».
Ainsi, Abd Rabbo a laissé entendre que l’Autorité Palestinienne (AP) était préparée à reconnaître le caractère « Juif » de l’état d’Israël si un état Palestinien venait d’être établi. Par ailleurs, Dahlan a également condamné les déclarations où Abbas avoue ne pas être dérangé par la manière avec laquelle Israël se décrit D’après les sources, la colère de Abbas a éclaté lorsqu’il lui a été donné de constater que Dahlan pouvait former son propre clan regroupant des cadres supérieurs du Comité Central du Fatah dans le but de travailler, directement ou indirectement, contre Abbas. Cette clique compte l’ancien Directeur des Renseignements Généraux Tawfiq Al-Tiray, l’ancien Ministre des Affaires Etrangères Nasser Al-Qudwa, l’ancien Gouverneur de Naplouse Mohamed Al-Alul et enfin, le représentant du Fatah au Liban Sultan Abu Enein. Cette démarche a également suscité l’intérêt d’un grand nombre des membres du Conseil Révolutionnaire du Fatah.
Par ailleurs, Abbas et son entourage accusent Dahlan de contester l’autorité du Président en encourageant le neveu de Feu le Président Yasser Arafat, Al-Qudwa, à entrer en lice pour le leadership du Fatah et de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP). Al-Qudwa étant en réalité considéré comme le plus « compétent » pour gouverner, dans la conjoncture actuelle, le peuple palestinien.
En contrepartie, l’Agence de Presse Palestinienne WAFA (Palestinian News Agency), affiliée directement au bureau de Abbas, a répondu en publiant un rapport qui condamne vivement Al-Qudwa. Ce dernier ayant critiqué le rôle de Abbas dans un article paru dans The Wall Street Journal. En effet, le journaliste politique de WAFA reproche à Al-Qudwa le fait de se présenter comme une alternative, en se référant au clan dont il fait partie, créé par Dahlan. Ainsi, l’article de WAFA cite : « Les plumes mercenaires qui écrivent au sujet des conflits internes ou bien de l’opposition grandissante contre le Président Abbas au sein du Fatah ne lui causeront aucun tort ». Le véritable tort, poursuit l’article provient des déclarations des membres du Fatah qui, en dépit de la conjoncture politique critique actuelle, choisissent de s’allier à la grande campagne préjudiciable contre le peuple Palestinien, contre ses dirigeants politiques et contre son Président élu.
Toujours dans le même ordre d’idées, l’article note : « Il est vraiment regrettable qu’une personnalité comme Nasser Al-Qudwa, membre du Comité Central du groupe, soit citée dans ce contexte qui met en cause nos politiques nationales et qui annihile les pouvoirs de notre leadership à gouverner à travers une bataille nationale assez rude ».
Pour sa part, Al-Qudwa sait que WAFA n’aurait pas publié l’article s’il n’avait pas reçu le feu vert d’Abbas lui-même, et a publié une déclaration condamnant le journaliste politique de l’agence de presse qui, faut-il le rappeler, est lui aussi membre du Comité Central du Fatah. A ce titre, ne manquant pas d’avertir qu’il n’est pas la seule cible de cette campagne mais plutôt tout le clan formé par Dahlan, Al-Qudwa a annoncé : « Ce qui est arrivé est sans précédent, et les implications sont graves ».
Par ailleurs, il a regretté que le rapport ait évoqué d’autres figures du groupe qui partagent le même point de vue, en soulignant : « Le danger réside dans les retombées qui surgiront des problèmes existants au cœur du système politique palestinien et des dynamiques entre ses parties ».
Depuis que Abbas a appris que c’est bel et bien Dahlan qui tire les ficelles dans les coulisses, il n’a entrepris aucune action contre Al-Qudwa.
Outre cela, des sources ont informé notre journal que les tentatives « flagrantes » de Dahlan à s’immiscer dans les affaires du gouvernement Fayyad sont une autre cause d’agacement et de mécontentement de Abbas. En effet, des sources proches du Président ont affirmé que Dahlan, à l’insu de Abbas et de Fayyad, avait essayé de manipuler un remaniement ministériel, allant jusqu’à téléphoner à plusieurs personnalités à Gaza en vu de leur offrir d’éventuels portefeuilles au sein du nouveau gouvernement. Par voie de conséquence, Abbas a annulé le remaniement ministériel.
Entre temps, Abbas et des hauts responsables de la sécurité restent très alarmés par les tentatives de Dahlan visant à recueillir l’autorité auprès des institutions civiles et sécuritaires de l’AP (Autorité Palestinienne).
Pour y faire face, Abbas a émis un ordre pour effectuer des changements aussi bien dans les ministères qu’au sein des institutions civiles et sécuritaires et ce, dans le but de se débarrasser des proches de Dahlan nommés dans des postes clés. A la veille d’une récente réunion du Conseil Révolutionnaire du groupe, il a été décidé de former un comité chargé d’enquêter sur ce qui s’appelle « l’insolence » de Dahlan envers Abbas. Le comité chargé d’interroger Dahlan est composé d’Othman Abu Ghreiba, Abu Maher Ghoneim et Azzam Ahmed, membres du Comité Central. En conséquence, des tensions au sein du groupe ont nettement augmenté à la suite des allégations réfutée par Dahlan.
Les choses ne se sont pas arrêtées là puisque le Ministre de l’Intérieur a reçu l’ordre du Président d’arrêter la diffusion de la chaine satellitaire Tomorrow’s Palestine, basée à Ramallah et dont Dahlan est copropriétaire.
Dans cette perspective, la direction de la station de radiodiffusion a informé son personnel qu’il était en congé payé alors que le directeur de la station, Elias Al-Zananiri, a confirmé à Weekly que la chaîne a été fermée sans pour autant livrer davantage de commentaires qui sont passibles à une action légale. Pour rappel, l’un des copropriétaires de la chaine n’est autre que le milliardaire égyptien Naguib Sawiris.
Pendant ce temps, profitant de sa confrontation avec Dahlan, Abbas s’est tourné vers plusieurs états arabes en tentant de gagner leur soutien et leur appui. D’après des sources palestiniennes bien informées, Abbas a traité le sujet avec la partie égyptienne composée du Président Hosni Moubarak, du Chef des Renseignements Omar Souleiman et du Ministre des Affaires Etrangères Ahmed Abul-Gheit. Ainsi, il a accusé Dahlan de tenter d’affaiblir son autorité au moment où le Président est occupé sur un autre front, à savoir son conflit avec le Hamas. En guise de protestation et de mécontentement, des sources révèlent que des hauts responsables égyptiens ont coupé le contact avec Dahlan allant même jusqu’à refuser de le rencontrer, bien qu’il réside en Egypte de temps à autre.
A la lumière des ces évènements, des observateurs pensent que Dahlan a agi avec véhémence après avoir réalisé qu’il est désormais impossible que l’agenda politique du Président Abbas, basé sur les négociations, aboutisse. Dahlan, tout en se montrant comme celui qui « refuse les compromis », s’attend à ce que Abbas soit obligé de démissionner du fait de l’impasse dans les négociations. Pour rappel, Dahlan était le plus enthousiaste au sujet des négociations avec Israël.
En somme, il est tout à fait clair que le conflit opposant Dahlan et Abbas reflète les querelles qui ont pris le Fatah d’assaut. Il a été constaté que même les leaders du Fatah, autrefois bras droit de Abbas, se sont à présent joints aux critiques de Dahlan mettant en cause les stratégies de négociations du Président.
Aussi, ils condamnent les performances du gouvernement Fayyad, accusé d’être distant du Fatah sachant qu’il s’appuie principalement sur le groupe et sur son soutien politique. A présent, le véritable test pour l’avenir du groupe prendra effet le jour où il sera évident que l’administration US manquera d’obliger Israël à geler la construction des colonies. Ceci amènera les négociations vers une voie sans issue tant que les colonies continueront leur expansion, ce qui va sans doute prouver que la politique actuelle de négociations, adoptée par Abbas n’est qu’une farce aux lourdes conséquences pour le Fatah.
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http://weekly.ahram.org.eg/2010/102...
Traduction de l’anglais : Niha
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