samedi 16 octobre 2010

La fin de l’impunité pour Israël ? Une interview de John Dugard

vendredi 15 octobre 2010 - 06h:34
Adri Nieuwhof - EI
Le mois dernier, John Dugard, précédent Rapporteur spécial pour les Droits Humains dans les Territoires occupés, a présidé un meeting sur la juridiction universelle à la Haye.
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L’agression contre la bande de Gaza en décembre 2008 et janvier 2009 a été le théâtre d’une véritable débauche de violence meurtrière de la part de l’armée sioniste, qui n’a épargné ni les enfants, ni les femmes ni les vieillards.
Adri Nieuwhof, contributrice à The Electronic Intifada a interviewé J.Dugard sur les moyens d’amener Israël à reconnaître ses violations des droits humains, en particulier le mécanisme de juridiction universelle.
Adri Nieuwhof : Pouvez vous expliquer le principe de compétence juridique universelle ?
John Dugard : Pour l’essentiel, la juridiction universelle signifie qu’un Etat a le pouvoir d’exercer une juridiction pour des crimes graves selon la loi internationale, qui ont été commis en dehors des frontières de l’Etat par des non-nationaux. Normalement les Etats sont seulement compétents pour les crimes commis dans leur territoire par des ressortissants nationaux.
AN : Est-ce que les Etats sont responsables de l’exercice de juridiction universelle ?
JD : Oui, si les Etats s’engagent vraiment à éradiquer le crime international et empêcher l’impunité, alors il y a une obligation d’exercer une juridiction universelle. Il est important de réaliser que la Cour Criminelle Internationale de la Haye a limité la juridiction universelle. Si l’impunité doit être évitée, les Etats auront l’obligation de traiter les crimes internationaux eux-mêmes.
AN : Pouvez vous spécifier ce que cette obligation des Etats implique ?
JD : Il leur faut instruire des procédures criminelles envers les personnes suspectées de crimes internationaux, pour enquêter et faire comparaître les suspects.
AN : Vous avez parlé pendant la réunion de sélectivité dans la mise en application de la juridiction universelle. Pouvez vous clarifier ce point ?
JD : La juridiction universelle n’est pas très effective pour l’instant. Il y a des difficultés pratiques intrinsèques, en particulier la réunion des preuves. Par exemple, si les Pays Bas jugeaient les crimes graves commis au Rwanda, il lui faudrait réunir des preuves au Rwanda.
Il n’y a pas de volonté manifeste de la part des Etats d’exercer une juridiction universelle, en particulier concernant des responsables politiques israéliens. Quand on tente d’exercer une juridiction universelle à l’endroit d’hommes politiques israéliens, les gouvernements dressent des obstacles ou bien les Cours trouvent quelque raison technique pour éviter d’exercer une juridiction universelle.
AN : Cette sélectivité dans la juridiction universelle cache-t-elle quelque chose ?
JD : Les états européens et américains sont peu enclins à remettre en cause leurs relations avec Israël. AN :Qu’est-ce qu’il faut faire pour renverser cette sélectivité ? La société civile peut-elle jouer un rôle ?
JD : La société civile peut toujours faire pression sur les gouvernements pour qu’ils exercent une juridiction criminelle. Elle a un rôle à jouer qui est de faire changer l’opinion publique. Ce qui pourrait amener les Cours à exercer une juridiction universelle.
AN : Israël opprime de façon croissante les défenseurs des droits humains et les militants qui font campagne pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS). Pouvez vous commenter cette évolution ?
JD : C’est malheureux. Israël a été jusqu’à présent relativement tolérant vis-à-vis de la dissidence à l’intérieur de la société israélienne. Cela représente une nouvelle tendance répressive de la société israélienne. Cela veut dire que toute dissidence à l’intérieur de la société israélienne va être étouffée.
AN : Pouvez vous donner votre avis sur l’emprisonnement de Ameer Makhoul, leader de la société civile, citoyen palestinien d’Israël qui aurait été torturé durant son interrogatoire ?
JD : Le problème, c’est que je ne suis pas allé en Israël depuis 2007. Je ne peux donc pas parler d’Israël. Dans le passé il y avait de nombreuses rumeurs selon lesquelles les Israéliens avaient eu recours à la torture contre les militants pour les droits humains. C’est vrai, mais je ne suis plus au courant pour ce qui est du passé récent.
AN : Les Israéliens accusent le mouvement BDS de vouloir délégitimiser Israël. Comment vous réagissez à cette accusation ?
JD : Les actions menées par le BDS délégitiment Israël. Il n’y a aucun doute là-dessus. De toute évidence Israël ne veut pas accepter ça, c’est comme l’Afrique du Sud de l’Apartheid qui voulait supprimer les sanctions internationales. Le BDS était à ce moment là effectif, en raison de l’appel international en faveur du boycott, du désinvestissement et de sanctions. Cela a fini par délégitimer l’Etat et mené au bout du compte à apporter le changement en Afrique du Sud.
La comparaison entre Israël et l’Afrique du Sud est importante. La situation est très similaire actuellement. La communauté internationale devient de plus en plus critique envers Israël, appelant, sur un plan international, au boycott, au désinvestissement et aux sanctions.
Il n’est pas étonnant qu’Israël prenne des mesures pour les empêcher, de la même manière que l’a fait le gouvernement d’Afrique du Sud.
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* Adri Nieuwhof est avocate, conseiller et défenseur des droits de l’homme, travaillant en Suisse.
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : JM
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