samedi 16 octobre 2010

De la judéité de l’Etat

publié le vendredi 15 octobre 2010

Majed Bamya

 
Il y a d’abord chez Israël la quête de légitimation historique à posteriori...Mais cet Etat a été construit sur nos cendres, sur nos exils, nos maisons devenus tombeaux de souvenirs.
Dès 1988, l’OLP a entamé le processus qui allait amener à la reconnaissance de l’Etat d’Israël lors de l’échange de lettres entre le Président Arafat et Rabin. Israël se contentait de reconnaître l’’OLP comme représentant du peuple palestinien. Le cours naturel de l’histoire aurait du mener, après la reconnaissance du peuple palestinien, puis de son représentant politique et de ses droits, à la mise en oeuvre de ses droits, y compris son droit à l’Etat. Mais l’histoire ne manque pas d’humour. Alors qu’Israël devrait subir toutes les pressions pour reconnaître, comme le monde entier, notre droit à l’Etat, on nous demande de reconnaître Israël comme Etat juif ! Sans m’attarder sur le non sens de demander à une entité d’adjoindre un adjectif quel qu’il soit à la reconnaissance d’une autre entité, qu’elle a par ailleurs déjà reconnu, je voudrais vous inviter à réfléchir à cette demande qui semble pour beaucoup évidente.
Il y a d’abord chez Israël la quête de légitimation historique à posteriori. "Si cet Etat est celui des juifs, alors il était naturel de vouloir remplacer le peuple autochtone par les immigrés juifs venus du monde entier. Notre combat était justifié par l’objectif noble qui était le nôtre, créér un foyer pour les juifs". Mais cet Etat a été construit sur nos cendres, sur nos exils, nos maisons devenus tombeaux de souvenirs. Israël pousse le vice jusqu’à demander à la victime de reconnaître à son bourreau le droit de l’assassiner. Trahir les morts, voilà ce qu’ils nous demandent. La Palestine est la terre des Palestiniens, et si un jour nous nous sommes montrés prêt à reconnaître la réalité historique et son résultat, la création d’un Etat d’Israël sur notre terre, afin de permettre la coexistence et ne pas répondre au nettoyage ethnique par le nettoyage ethnique, nous ne nous sommes pas pour autant convertis au sionisme !
Il y a ensuite ces droits que nous continuerons à défendre, notamment le premier de nos droits, celui du retour. Cette reconnaissance de la judéité doit servir de muraille infranchissable dressé contre nos espérances. Et nous serions condamnés à l’ériger de nos propres mains ! Après avoir veillé sur un arbre frêle, l’avoir protégé en hiver et en été, avoir découvert le soleil logé dans son feuillage, avoir aimé l’ombre où il nous enlaçait... ils nous demandent de l’abattre !
Il y a enfin, ces Palestiniens de l’intérieur, ces Palestiniens de 48, dont j’aurais pu faire partie si mes parents ne furent pas condamnés à l’exil. Sur la route de l’Etat, nos chemins se sont séparés, et notre combat est devenu double, un combat pour l’Etat et le retour, et un combat pour l’égalité des droits au sein même d’Israël. On voudrait faire de nous l’arme qui les abat au moment même où ils sont les plus menacés. Les liens qui nous unissent sont si profonds, qu’en 2000 nos coeurs nous ont rappelé qu’ils battaient ensemble au même hymne, et l’occupant ne distingua plus ce qui portait la même nationalité que lui des autres. 13 Palestiniens d’Israël furent assassinés dès le début de cette deuxième Intifada. Aujourd’hui, plus que jamais au cours des dernières décennies, notre appartenance commune se rappelle à notre souvenir, et nos combats multiples ne cessent de dénombrer des dénominateurs communs. Nos frères et soeurs nous regardent avec inquiétude, et nous devons leur démontrer qu’ils auraient raison de nous faire confiance comme nous avons eu toujours raison de leur faire confiance. Renoncer à leur droit serait nous trahir, puisqu’ils sont nous !
Il n’y a plus rien après enfin...enfin...peut être une chose. Les principes pour lesquels nous luttons. Notre conviction que la vocation de cette terre est son pluralisme, sa capacité à embrasser la multitude. Cette terre est un symbole et nous devons en mesurer la portée. S’y jouent le droit et la justice, le vivre ensemble, et l’humanisme. Devrions nous, les défenseurs de cette universalité et de ces principes, reconnaître la victoire morale de notre occupant ; lui qui a choisit l’exclusive et l’exclusion ! Lui qui à vouloir dompter cette terre ne cesse de trahir son message. Lui qui à force de la transformer, a fini par la déformer. Non, car nous avons reconnu Israël comme un fait pour éviter les guerres à venir, et nous refuserons de reconnaître la judéité de l’Etat pour la même raison. Nous croyons que les logiques de ségrégation, d’ethnicisation, de discriminations, de racisme sont annonciatrices des ténèbres et nous refusons de nous y soumettre.