samedi 16 octobre 2010

Déception chez les Palestiniens face au blocage des discussions

publié le vendredi 15 octobre 2010
Crispian Balmer, Reuters

 
Parmi les dirigeants palestiniens interrogés cette semaine en Cisjordanie, c’est la déception et le pessimisme qui prévalent, notamment sur la capacité de Washington à faire avancer les choses.
Les négociations israélo-palestiniennes sont dans l’impasse et ce blocage, s’il se poursuit, ne peut que ternir l’image du président Mahmoud Abbas et des modérés palestiniens aux yeux de leur propre population.
Relancées le 2 septembre à Washington, les discussions directes ont été suspendues moins de quatre semaines plus tard, Israël ayant refusé de prolonger un moratoire de dix mois sur les nouvelles constructions dans les colonies juives de Cisjordanie, comme le réclamaient les Palestiniens.
Parmi les dirigeants palestiniens interrogés cette semaine en Cisjordanie, c’est la déception et le pessimisme qui prévalent, notamment sur la capacité de Washington à faire avancer les choses.
"Si les Etats-Unis n’arrivent pas à obtenir (d’Israël) un nouveau gel des constructions dans les colonies, même de courte durée, comment peuvent-ils nous aider à régler les gros problèmes ?", s’interroge Yasser Abed Rabbo, membre de l’équipe de négociateurs palestiniens [1].
"Nous avons aujourd’hui l’équipe dirigeante la plus modérée de toute l’histoire du mouvement palestinien (...) C’est la foi dans le processus de paix qui guide notre stratégie. Si nous échouons, nous tomberons", ajoute-t-il, faisant allusion aux pressions de groupes comme le mouvement islamiste Hamas qui contrôle la bande de Gaza depuis juin 2007.
"DIRECTION PALESTINIENNE MODÉRÉE"
Les Palestiniens rappellent qu’ils avaient averti, dès la reprise des discussions le mois dernier, qu’ils rompraient les pourparlers si Israël ne prorogeait pas son moratoire sur les colonies qui arrivait à expiration le 26 septembre.
"Les Américains nous avaient même dit en privé que les constructions dans les colonies ne reprendraient pas pendant la durée des négociations", dit un responsable palestinien qui requiert l’anonymat.
Les autorités américaines n’ont pas révélé les détails des discussions du mois dernier mais des diplomates ont confirmé que Washington avait fait aux Israéliens plusieurs propositions, notamment en matière de sécurité, afin de les convaincre de prolonger de deux mois le moratoire.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fait savoir qu’il étudiait ces propositions mais, selon des sources informées, il les jugerait encore insuffisantes.
Pour les Palestiniens, les Américains devraient intensifier leurs pressions sur Israël au lieu de lui proposer de nouveaux "cadeaux".
"Encore une fois, ils (les Américains) promettent toutes sortes de chose à Israël en échange de tout petits pas, d’avancées minuscules", déplore Hanane Achraoui, membre éminente du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
"Ils (les Américains) sont en train de détruire la direction palestinienne la plus modérée de l’histoire pour sauver le gouvernement israélien le plus dur, le plus à droite, le plus extrémiste", ajoute-t-elle.
RECOURS À L’ONU ?
Pour Benjamin Netanyahu, les discussions directes doivent se poursuivre sans aucune condition côté palestinien. Il rappelle d’ailleurs que les précédentes sessions de négociations s’étaient tenues sans aucun préalable.
L’Autorité palestinienne pense avoir convaincu une grande partie de la communauté internationale du bien-fondé de ses positions.
Si les discussions ne peuvent finalement reprendre, certains suggèrent de se tourner vers les Nations unies afin que celles-ci reconnaissent une Palestine indépendante, avec ou sans le consentement d’Israël.
"Presque tout le monde est d’accord pour dire que la solution à deux Etats est le moyen d’aller de l’avant. Mais si la réalité en Israël la rend impossible, pourquoi donc nous considérer comme des otages du bon vouloir des Israéliens ?", se demande le porte-parole de l’Autorité palestinienne, Ghassan Khatib.
Israël a mis en garde les Palestiniens contre la tentation de se tourner directement vers l’Onu, où, quoi qu’il soit, toute décision dépendrait de l’accord des Etats-Unis.
Plusieurs responsables palestiniens s’interrogent sur l’utilité de continuer à mener des discussions entre des interlocuteurs aussi inégaux.
"Il est temps que quelqu’un impose une solution et dise à Israël de mettre fin à l’occupation", dit Mohammad Chtayyeh, l’un des dirigeants du Fatah de Mahmoud Abbas et membre de l’équipe des négociateurs palestiniens.
"Si Washington n’est pas en mesure de faire pression sur Israël, alors la dynamique doit changer", ajoute-t-il, soulignant que la population palestinienne est vraiment fatiguée de tant d’années d’échecs et de déceptions.
"Les gens sont écoeurés. Ils aimeraient voir la lumière au bout du tunnel, mais c’est un tunnel qui n’en finit pas..."
Avec Tom Perry, Mohammed Assadi et Ali Saouafta, Guy Kerivel pour le service français
Reuters, relayé par Yahoo
Ajout de note : CL, Afps