jeudi 5 août 2010

Guerre ou paix : thriller dramatique en cours dans la région

Par Émile Khoury | 05/08/2010
Dans la région, c'est la course entre la guerre et la paix. L'administration Obama use de la carotte et du bâton, mais les développements des prochains mois, cette grande inconnue, conditionnent le cheminement et l'aboutissement de cette politique. Pour le fond, le récent sommet tripartite libano-syro-saoudien s'inscrit dans la perspective d'une reprise des négociations. Étant entendu qu'il faut d'abord neutraliser l'agressivité israélienne, comme le relève le communiqué final de la rencontre de Baabda en soulignant qu'il faut « faire progresser l'esprit d'apaisement, de dialogue comme de consolidation de l'unité nationale pour contrer les dangers extérieurs et pour affermir la solidarité avec le Liban face aux menaces israéliennes ». Le texte insiste ensuite sur « la nécessité d'œuvrer sans relâche pour une paix juste et complète au Moyen-Orient, sur base de la légalité internationale, de la référence Madrid et de l'initiative arabe dans toutes ses composantes ».
La question qui se pose et qui porte en elle-même sa réponse est de savoir si Israël est disposé à conclure une paix qui ne constitue pas une capitulation pour les Arabes. Accepterait-il, pour commencer, de geler les colonisations pour la durée des négociations ? Admettrait-il les frontières envisagées pour un éventuel État palestinien, pour que leur tracé ne reste pas un sujet éternel de conflit ? Enfin, renoncerait-il à sa devise, la paix moyennant la sécurité, pour rejoindre le précepte des Arabes, que l'ONU légitime, la paix moyennant la terre ? Autrement dit, qu'est-ce qu'Israël serait prêt à restituer aux Arabes et aux Palestiniens ? Le Golan aux Syriens ? Sans doute, mais la rive orientale du lac de Tibériade aussi ? Pas sûr. Chebaa aux Libanais ? Peut-être, mais pas avant que la Syrie n'ait clairement renoncé à ses propres prétentions sur cette enclave. Toute la Cisjordanie aux Palestiniens ? Douteux. Et Jérusalem-Est ou Jérusalem capitale de l'État palestinien ? Sûrement pas.
Mais il n'y a pas qu'Israël. Le Hamas, et d'autres organisations palestiniennes radicales se prononcent sans ambages contre des négociations avec l'État hébreu. Ils affirment que c'est là pure perte de temps, les Palestiniens ne pouvant reprendre leurs droits que par la résistance. Cependant, un compromis n'est pas impossible pour l'heure, car la Syrie confirme, à travers le communiqué de Baabda, qu'elle est pour une paix juste et complète dans la région. Et l'Iran, de son côté, a approuvé les résultats du sommet tripartite par la bouche de son ministre des Affaires étrangères. Les organisations palestiniennes radicales gravitent toutes dans l'orbite de l'axe Damas-Téhéran. À sa demande, elles devraient donc mettre, bientôt, de l'eau dans leur vin.
Il reste qu'il suffit d'un seul veto pour empêcher la conclusion d'un contrat. Israël n'a donc pas besoin du concours objectif de ses ennemis les plus acharnés pour faire capoter les efforts de paix de la communauté internationale et de son allié américain. Sauf qu'il doit y réfléchir à deux fois. Parce que son obstruction peut déboucher sur une nouvelle guerre. Soit que les Arabes y voient le seul moyen de parvenir à une solution, imposée alors à chaud par la communauté internationale. Soit qu'Israël y recourt comme fuite en avant. Auquel cas il subirait les foudres ou se trouverait à tout le moins frappé de sanctions maximales de la part de la communauté internationale et des Américains. Sans compter qu'une fois la guerre déclarée, elle pourrait vite devenir totale et peut-être plus destructrice pour Israël que pour l'Iran, par exemple, sinon pour la Syrie.
En fait, c'est le maintien du statu quo actuel qui semble le mieux convenir à Israël. Il le met à profit pour conserver les territoires occupés et même en rogner de nouveaux pour continuer ses exactions criminelles contre le peuple palestinien, dont le blocus de Gaza, menacer de judaïser complètement Jérusalem et tramer des machinations visant à semer des discordes confessionnelles dans des États de la région. Notamment au Liban, où l'acte d'accusation dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri constitue actuellement une carte qu'Israël exploite, un brandon qu'il attise en vue de dissensions interlibanaises menaçant la paix civile. Les Libanais se trouvant placés entre la quête de la vérité et la stabilité. Un choix vicié à la base puisque, dans le monde libre et civilisé, c'est la justice qui empêche la discorde, et non le contraire.