jeudi 6 mai 2010

« Les promesses américaines doivent se transformer an actes »

Porte-parole du mouvement Fatah du président palestinien Mahmoud Abbass, Ahmad Assaf analyse les perspectives du déblocage du processusde paix.
Al-ahram hebdo : Quel bilan faites-vous des navettes du médiateur américain dans la région, George Mitchell ?
Ahmad Assaf : L’objectif que nous n’avons pas atteint était d’obtenir une réponse claire sur les engagements israéliens stipulés dans la feuille de route, les accords signés l’appelant à arrêter les activités de colonisation ainsi que toute mesure unilatérale, tel que le blocus imposé à Gaza, les tentatives de judaïsation de la ville de Jérusalem, la confiscation des territoires, les arrestations, les barrages et toutes les autres mesures d’oppression. Les rencontres de Mitchell avec l’Autorité palestinienne n’ont abouti à rien de concret. Cependant, un certain progrès a été enregistré au niveau des propositions américaines, qui peuvent être considérées comme une avancée même si elles ne sont pas au niveau des ambitions palestiniennes. Le plus important fut un message adressé par le président Barack Obama, comprenant un engagement sur l’établissement des deux Etats. Ceci prouve l’attachement américain à la mise en place d’un Etat palestinien selon les frontières de juin 1967 et place le conflit arabo-israélien en tête des priorités de l’administration américaine.
La réponse que nous avons apportée à Mitchell est que nous ne voulons pas entendre des paroles et des promesses creuses, mais nous voulons des actes sur le terrain exprimant une réelle volonté dans le sens de la paix.
Quelles sont les idées américaines qui ont été avancées pour débloquer la situation ?
— Les idées tournent autour de progrès selon lesquels les Etats-Unis ne permettront pas à Israël d’entreprendre des mesures unilatérales, c’est-à-dire des activités colonialistes. Les idées comprenaient également un engagement que Tel-Aviv arrête la construction de 1 600 unités de colonisation à Jérusalem, projet annoncé pendant la visite du vice-président américain Joe Biden. Le plus important pour nous dans ce contexte est de donner une nouvelle chance aux négociations de paix. Il est dans notre intérêt d’accorder aux efforts de l’administration américaine une chance. D’ailleurs, l’ensemble des dirigeants américains ont déclaré que la sécurité des soldats américains dans la région était liée à l’établissement de l’Etat palestinien. Face à cette volonté réelle, le président Abbass a souhaité que ces espoirs se transforment en réalité sur le terrain. Le citoyen palestinien lui-même doit sentir que les paroles américaines sont devenues une réalité. Nous sommes concernés par la paix, mais pas n’importe laquelle et pas à n’importe quel prix. D’autant plus qu’une paix qui ne soit pas juste ne peut pas être durable. Nous ne pouvons pas nous engager dans des négociations sur une terre occupée dès 1967 alors qu’en même temps, l’Etat d’occupation ne cesse de confisquer les terres, et d’effectuer une épuration ethnique contre les Palestiniens vivant sur cette terre.
— Les Etats-Unis peuvent-ils être considérés comme un honnête courtier malgré l’influence considérable du lobby américain pro-israélien ?
Nous devons admettre qu’une certaine évolution a vu le jour mais qu’elle n’est pas à la hauteur des ambitions palestiniennes. Nous œuvrons sous une ombrelle arabe et nous n’entreprenons aucune mesure sans coordination avec la Ligue arabe, et tous les membres du quartette. Lorsque les négociations ont trébuché le mois dernier, le président Abbass a dit à Mitchell que nous voulons savoir si les Etats-Unis sont un simple médiateur transmettant les messages aux deux parties ou bien s’ils sont des juges jugeant en vertu du droit international et des accords signés.
La solidité des relations américano-israéliennes est connue du monde entier et les deux parties ont affirmé qu’ils y étaient attachés à plus d’une occasion. Nous avons vu auparavant l’administration américaine ligoter Israël. Pour les Etats-Unis, ce sont leurs intérêts qui les motivent. Si leurs intérêts résident dans la conclusion de la paix, ils tiendront à le faire aboutir en dépit du lobby juif.
— La question de Jérusalem-Est semble insoluble. Comment envisagez-vous de la régler ?
— Notre position sur Jérusalem est souple. Mais nous n’avons pas le droit de la soumettre au marchandage. C’est une terre occupée par la force en 1967. Toutes les résolutions internationales et onusiennes qui ont suivi l’occupation ainsi que les accords d’Oslo affirment que Jérusalem fait partie des terres occupées en 1967 et que, par conséquent, elle est censée devenir la capitale de l’Etat palestinien. Ceci d’un point de vue politique, mais d’un point de vue religieux, un milliard de musulmans de toute la planète savent qu’elle est le troisième lieu saint de l’islam. La position palestinienne vis-à-vis de Jérusalem est soutenue sur les plans arabe et international, via le quartette sur le Proche-Orient.
— Le droit de retour des réfugiés palestiniens est aussi une question épineuse. Quelles propositions faites-vous pour sortir de l’impasse ?
— Le droit de retour fait partie des sujets sur lesquels le négociateur palestinien n’a pas le droit de marchander. Nous avions progressé dans les négociations avec Ehud Olmert et Condoleezza Rice et nous avions déterminé le retour selon un calendrier temporel. Le problème est qu’avec chaque gouvernement, nous repartons à zéro. Une paix sans le droit de retour sera défaillante et non durable.
Mais les clivages entre le Fatah et le Hamas entravent aussi le déblocage du processus de paix ...
C’est un vrai calvaire palestinien qui doit se trouver une issue. Car le cours actuel des événements va à l’encontre des intérêts palestiniens. Mais nous devons nous rappeler que c’est le Hamas qui s’est retourné contre le Fatah et a tué des centaines de ses partisans. Malgré cela, le Fatah s’est rallié aux efforts menés par l’Egypte, a signé le plan égyptien de réconciliation et a tendu sa main à plusieurs reprises au Hamas qui continue de tergiverser.
Propos recueillis par Khaled Al-Assmaï
http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2010/5/5/invi0.htm