jeudi 6 mai 2010

Leila Shahid: "A travers Jcall, il y a un interlocuteur pour les Palestiniens"

Le Nouvel OBS
mercredi 5 mai 2010, par : Rédaction Enfants de (la) Palestine,
La déléguée de la Palestine auprès de l'Union européenne se félicite de l'initiative de juifs de la diaspora européenne de remettre sur le devant de la scène le nécessaire règlement du conflit israélo-palestinien sur la base de deux États pour deux peuples.
En suite une réponse : Un appel à la raison bien déraisonnablePar Rudolf BKOUCHE (UJFP)
Vous étiez présente lundi soir au Parlement européen pour le lancement de JCall. Qu'en avez-vous pensé ? Sur le même sujet
-  Cette initiative qui a commencé par la publication de l'appel à la raison, est une initiative importante car, depuis 2001, depuis l'échec de Camp David, Ehoud Barack avait en quelque sorte assassiné le camp de la paix israélien en déclarant qu'il n'y avait pas de volonté de faire la paix du côté palestinien, ce qui était une contre-vérité totale. Malheureusement, cette attitude du Premier ministre israélien a entraîné la disparition du camp de la paix israélien. Et cette nouvelle prise de position reflète un changement très profond de position dans la société israélienne ou en tout cas dans la diaspora qui vit, quand même, au rythme de la société israélienne. Pour la patrie palestinienne que je représente, il est essentiel d'avoir dans la diaspora juive des interlocuteurs avec lesquels nous partageons la vision d'une solution car nous voulons vraiment avancer.
La solution au conflit doit être évidemment négociée au plan officiel par les représentants israéliens, palestiniens, arabes, européens, américains, mais elle doit se faire aussi sur le plan non officiel dans les courants de pensée israéliens, palestiniens, arabes, européens, américains et dans la diaspora juive. Il est important d'avoir une diversité d'opinion qui reflète les réalités. Et la réalité reflétée par JCall est restée inaudible durant au moins les sept dernières années. Or c'était un grand manque pour les Palestiniens. Cette position est différente des autres voix de la diaspora qui ont décidé d'adhérer sans sens critique au gouvernement de Benjamin Netanyahou, comme le CRIF en France.
C'est très important que des acteurs communautaires comme La Paix Maintenant ou le CCLJ en Belgique puissent reprendre leur fonction de structure favorisant la reconnaissance mutuelle. A travers JCall il y a un interlocuteur pour les Palestiniens.
Cet accord peut selon vous être entendu par les Israéliens ?
-  Dans la gauche israélienne, des voix s'expriment depuis longtemps et notamment dans l'extrême gauche qui milite tous les jours sur le terrain, avec les Palestiniens, contre les occupations.
Je crois que cet appel doit plutôt être entendu par la majorité silencieuse qui a été déboussolée après 2001, très influencée par la déclaration d'Ehoud Barack qui est pour moi le premier à avoir délégitimé le camp de la paix en Israël. Je pense qu'il a été responsable de la régression du camp de la paix qui est aujourd'hui réduit à peau de chagrin.
On est passé d'une majorité qui appartenait au camp de la paix à une majorité, pas à droite, mais silencieuse, dans une profonde détresse et qui joue à la politique de l'autruche.
Avec ce courant qui a commencé aux Etats-Unis avec JStreet et se poursuit maintenant en Europe avec JCall, on a une manifestation que la société israélienne est encore en bonne santé !
Pour moi, Palestinienne, on ne peut construire la paix qu'à deux, on ne peut pas construire la paix contre Israël. Mais aujourd'hui nous n'avons pas de partenaires avec le gouvernement israélien actuel, même s'il est évident qu'on va essayer avec la communauté internationale à en trouver un. Et parce qu'il est difficile de trouver un partenaire dans le gouvernement israélien, JCall nous apparaît d'autant plus comme une manifestation d'un renouveau des partenaires.
L'historien Zeev Sternhell affirmait lundi soir au Parlement européen que les Israéliens doivent renoncer aux territoires d'après 1967 tandis que les Palestiniens doivent renoncer au droit au retour. Qu'en pensez-vous ?
-  C'est là où nous divergeons. Ce n'est pas surprenant. Nous n'avons pas la même position sur cette question du droit au retour mais diverger sur ce point ce n'est pas ne pas se parler. Sur la majorité des points nous pouvons nous retrouver et en particulier sur la solution de deux Etats. Mais je ne partage pas la position de Zeev Sternhell sur la question du droit de retour parce qu'elle est fondatrice de la question palestinienne. Nous pouvons négocier sur l'application du droit au retour mais nous ne pouvons pas renoncer au droit au retour car il fait partie des droits inaliénables.
Il y a des solutions pragmatiques auxquelles nous étions parvenus à Taba sur cette question du droit au retour qui a été instrumentalisée par la droite et l'extrême-droite israélienne pour délégitimer les négociations d'Oslo.
Vous parlez librement de toutes ces questions, les membres de JCall aussi. Cela signifie-t-il que le vent tourne, que des négociations officielles vont pouvoir réellement s'ouvrir ?
-  Il y a parler au niveau officiel et parler au niveau non officiel. Nous nous pouvons parler sur les deux niveaux. Mais il existe aujourd'hui un gouvernement Netanyahou dont nous sommes tributaires. Il a démontré par la politique qu'il mène qu'il n'est pas intéressé par discuter avec nous. Mais nous avons une nouvelle donne internationale. Il y a un président aux Etats-Unis qui est bien plus intéressé par faire avancer la paix dans le monde, et en particulier au Proche-Orient, que ne l'a été son prédécesseur Georges W. Bush. Ce n'est plus sur le plan bilatéral entre Israéliens et Palestiniens que se passent les négociations, il y a une troisième partie avec le Quartet dirigé par les Américains et il faut voir s'il y a assez de motivation sur le plan international pour faire avancer des pourparlers. Ce qui donne encore plus d'importance à l'initiative de JCall.
Interview de Leila Shahid, déléguée générale de l'Autorité palestinienne auprès de l'Union européenne, par Céline Lussato