Toine van Teeffelen 
          Sumud désigne la qualité et l’expérience principale du  Palestinien moderne, judicieusement rendu par la double signification de  son équivalent anglais : détermination.         
          
D’un côté, il s’agit de préserver une présence dans le  territoire Palestinien, et de l’autre, de conserver une présence  temporelle en observant la patience. Le terme “en dépit” est aussi un  élément essentiel. Sumud veut dire persévérer malgré toutes les  oppressions et les épreuves auxquelles les Palestiniens doivent faire  face.
Les exemples ne manquent pas : les paysans et les  familles qui s’agrippent à leurs terres malgré les expropriations ou la  construction du Mur, la mère qui continue d’élever sa famille en dépit  des couvre-feux, les propriétaires qui reconstruisent « illégalement »  leur maison pour l’énième fois, l’étudiant qui aspire à l’obtention d’un  certificat, malgré les peines de prison ou le temps d’attente quotidien  aux postes de contrôle pour aller à l’école ou à l’université, sans  oublier de mentionner la continuité de la vie quotidienne malgré les  massacres aux alentours, comme à Gaza.
En tant que projet national, Sumud souligne l’importance  de préserver les communautés sur le territoire palestinien que soit ce  soit en Cisjordanie, à Jérusalem, à Gaza  ou dans les territoires de  1948. L’essence du Sumud : c’est résister à la continuité du sionisme et  de la politique de l’Etat israélien qui vise à denier et éliminer la  présence palestinienne sur les terres, que ce soit en planifiant des  mesures physiques et violentes, par une division sociale ou un  anéantissement culturel. Sumud signifie supporter et ne pas abandonner  les droits politiques et humains.
Sumud a acquis une importance parmi les Palestiniens  parce que c’est l’affirmation de la présence collective sur le  territoire. Elle reconnaît l’importance du nombre et de la portée  démographique dans la décision de l’avenir du pays, mais sert aussi à  soutenir le moral et à maintenir l’espoir. Nous sommes là et nous le  resterons, mais pas en tant que peuple soumis. Peut-être que la  domination extérieure de la Palestine pendant des siècles ou par des  pouvoirs d’occupation a renforcé le caractère des Palestiniens et leur  obstination, typique pour le trait insoumis du paysan à se cramponner à  son territoire. En 2002, lorsque Moshe Yaalon le chef d’état-major de  l’époque disait que « les Palestiniens doivent se faire à l’idée au plus  profond de leur conscience qu’ils sont un peuple déchu », il avait  sous-estimé le Sumud palestinien.
En tant que terme clé dans le discours national, Sumud a  été introduit à la fin des années 70, lorsque le fond Sumud a été  établi en Jordanie pour soutenir économiquement la présence des  Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem Est et à Gaza. Dans l’analyse  politique des années 70 et du début des années 80, il s’agissait de  garder la communauté palestinienne intacte lors de la construction de la  communauté, alors qu’à cette époque, il n’y avait pas encore de grand  mouvement de lutte soutenu contre l’occupation israélienne. Sumud a  souvent été perçu comme la contribution à la lutte nationale par les  Palestiniens qui sont restés en Palestine, complétant une lutte armée à  l’extérieur.
Parmi les militants politiques, le débat que soulevait  Sumud, était de savoir s’il ne fallait pas considérer le terme plus  comme une forme de résistance trop passive voir même statique désignant  un effort plutôt de survie que de défi de l’ennemi ? Mais pour de  nombreux Palestiniens, aujourd’hui exister en Palestine est une forme de  résistance. En effet, l’attitude du Sumud peut facilement être  attribuée à des formes actives de résistance non-violentes qui, après  tout, sont comprises comme une stratégie majeure autant théorique que  pratique de refus de coopérer avec l’ennemi.
Le concept ressemble à d’autres utilisés dans la  résistance de base contre la domination ; par exemple les paysans en  Amérique latine où ils ont utilisé le terme comparable de « persistance  implacable » pour se référer à leurs luttes pour la paix, la justice et  la dignité humaine, combinant amour pour leur terre et de leurs  communautés avec la protection active de leurs droits.
En même temps, le concept a voyagé au delà de la  politique au sens strict du terme. Dans la culture, l’art et la  conception palestinienne, Sumud est devenu un symbole par l’olivier qui  est profondément enraciné à la terre par le cactus qui survit à la  rudesse des circonstances et aussi par la femme palestinienne et mère  comme symbole de la continuité et lien à travers les générations.
Ces symbolisations soulignent non seulement la force du  Sumud, mais aussi l’amour pour leur terre souvent exprimé par les images  silencieuses des communautés rurales, incluant celles détruites en  1948. La vie de la communauté rurale de la Palestine, dans l’ombre des  oliviers et des figuiers. Lisez le poète national Palestinien Mahmoud  Darwish pour les belles et douloureuses expressions de cette nostalgie.
Alors que peintures et poèmes créent des images,  d’autres genre de supports tels que les journaux intimes et  documentaires rapportent des récits témoignant des expériences du Sumud  de nombreux Palestiniens. Des journaux intimes publiés tels que ceux de  l’avocate Raja Shehadeh, de l’architecte Suad Amiry, et du pasteur Mitri  Raheb véhiculent l’effort humain de garder le train de la vie  quotidienne face à toutes les épreuves imaginables, petites ou grandes  telles que les sièges, les couvre-feux permanents, les tirs de balles et  de fusées et bien sûr les postes de contrôles.
Qui d’autre peut faire face à de telles circonstances  sur une aussi longue période ? Parfois je dis à ma femme palestinienne :  si des citoyens hollandais étaient amenés à être déportés  collectivement pour vivre sous l’occupation israélienne, ils ne  pourraient pas y survivre, même pas quelques jours.
En lisant des journaux palestiniens,  vous pouvez sentir  que Sumud est aussi une conception accueillante. Ce qui importe n’est  pas seulement de continuer à protéger le bien-être physique de la  famille, mais également les petites choses de base de la vie  quotidienne : le café, l’accueil, les relations mutuelles entre voisins,  le soin de la belle-mère. En fait, dans son premier journal intime avec  pour titre la « Troisième voie » (1982), Shehadeh décrit le Sumud comme  un troisième moyen entre la subordination à l’oppression d’un côté et  être emprisonné de l’autre par le réflexe de la violence.
A son fondement, Sumud signifie garder son humanité et  son âme et c’est cependant aussi une conception éminemment éducative.  Entre injustice et oppression, lutter pour ses droits, mais rire,  observer l’espoir et même garder la foi en l’humanité, c’est ce qui  prévaut encore dans la vie palestinienne, malgré les circonstances  impossibles où rien de moins que l’existence d’une belle communauté est  en jeu.
* Toine van Teeffelen est  anthropologue et Directeur de Développement l’Institut Arabe d’Education  (AEI-Open Windows) à Bethlehem. Contact : tvant@p-ol.com
Octobre 2009 - This Week in Palestine - Vous pouvez  consulter cet article à : 
http://www.thisweekinpalestine.com/...Traduction de l’anglais : Sarah Bouachacha