jeudi 11 février 2010

Alors que le Canada coupe son financement de l’UNRWA, les États-Unis annoncent une contribution de 40 millions de dollars

publié le mercredi 10 février 2010
CJPMO

 
Jeudi (4 février), le Département d’État américain a annoncé une contribution initiale de 40 millions de dollars en 2010 à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) afin de soutenir le budget général de l’UNRWA et ses programmes d’urgence. L’annonce survient quelques semaines seulement après que le Canada ait annoncé des coupures et une redistribution de sa contribution annuelle à l’UNRWA, pour des raisons soi-disant de « valeurs canadiennes ».
30 millions de dollars de la contribution américaine sont allés au fonds général de l’UNRWA, pour soutenir les principaux services de l’UNRWA en Jordanie, en Syrie, au Liban, en Cisjordanie et à Gaza. Les 10 millions restant ont été alloués au fonds d’urgence de l’UNRWA pour la Cisjordanie et Gaza, incluant l’aide alimentaire d’urgence et les programmes de création d’emplois. Curieusement, alors que les États-Unis ont commencé l’année 2010 en réaffirmant leur attachement aux programmes de développement humain gérés via le fonds général de l’UNRWA, le Canada a récemment exprimé ses inquiétudes quant à l’obligation de l’UNRWA de rendre des comptes et sur la façon dont l’argent est dépensé dans le cadre du fonds général. Vic Toews, président du Conseil du Trésor du Canada, qui a fait ces déclarations en place de Bev Oda (la ministre de la Coopération internationale), a insinué que l’UNRWA avait rendu cela « difficile » de faire le suivi sur la manière dont les contributions du Canada ont été utilisées. Toews n’a fourni aucune justification quant à ses affirmations.
« La faiblesse des affirmations du gouvernement au sujet de l’UNRWA sont mises en évidence par cette récente annonce des États-Unis », a déclaré Thomas Woodley, le président de Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO). Dans ses fiches-info sur l’UNRWA, CJPMO a cité deux récents rapports de l’US Government Accountability Office (GAO) sur l’UNRWA qui avaient confirmé la conformité de l’UNRWA avec les contrôles américains sur l’utilisation responsable des fonds. Dans l’ensemble, le Canada a réduit ses contributions à l’UNRWA de 32 millions de dollars en 2007 à seulement 20 millions de dollars en 2009. En outre, pour la première fois dans son histoire, le gouvernement canadien n’a fourni aucune contribution au fonds général de l’UNRWA en 2009. « Si le gouvernement canadien a une justification par rapport à sa nouvelle approche quant au financement de l’UNRWA, il ne l’a cependant pas encore révélée », a poursuivi Woodley.
Les États-Unis sont le plus important donateur bilatéral de l’UNRWA, versant 267 millions de dollars à l’UNRWA en 2009, dont 116,2 millions à son fonds général. La contribution initiale des États-Unis au début de 2010 contraste avec le don de dernière minute fait par le Canada à l’UNRWA en 2009, en versant 75 pour cent de sa contribution globale seulement qu’à la mi-décembre. Contrairement à l’appui étudié des États-Unis envers l’UNRWA, les changements récents du Canada quant à son financement de l’UNRWA incitent à penser qu’encore plus de changements sont imminents [1].
Pour plus d’informations, veuillez contacter : Grace Batchoun Canadiens pour la Justice et Paix au Moyen-Orient Téléphone : (514) 745-8491 Courriel CJPMO - Site Web CJPMO
[1] voir aussi sur Mondialisation :

Quand le Proche-Orient crée une crise politique au Canada

Le conflit à Droits et Démocratie met en exergue le réalignement d’Ottawa en faveur d’Israël
La tempête à l’organisme Droits et Démocratie s’est poursuivie cette semaine avec la suspension de trois employés soupçonnés d’être à l’origine de la « rébellion » contre le président du conseil d’administration, Aurel Braun. Les questions soulevées à propos des orientations pro-israéliennes de M. Braun, l’homme fort d’Ottawa, ont ramené à l’avant-scène les sympathies marquées du gouvernement conservateur pour l’État juif.
Ottawa — Les tensions au sein de l’organisme fédéral non partisan Droits et Démocratie ont surgi peu de temps après la nomination d’Aurel Braun à la présidence du conseil d’administration, en mars dernier. Si l’évaluation de la compétence du président de l’organisme, Rémy Beauregard, était au coeur du conflit, les inclinations pro-juives de M. Braun en constituent la toile de fond.
Aurel Braun, ancien dirigeant du B’nai Brith, est un ami proche de Gerald Steinberg, un universitaire israélien président-fondateur du NGO Monitor. NGO Monitor décortique le discours politique des organismes d’aide impliqués au Moyen-Orient et conclut que plusieurs d’entre eux utilisent le paravent des droits de la personne pour militer contre l’État d’Israël. Comme l’a révélé Le Devoir, Aurel Braun adhère si bien à la thèse de Gerald Steinberg qu’il a invité celui-ci à faire une présentation au conseil d’administration de Droits et Démocratie. Le conseil a refusé.
En entrevue-courriel avec Le Devoir, Gerald Steinberg refuse l’étiquette de « militant farouche de la cause israélienne ». « Je suis loin d’être un militant fanatique, bien que les farouches militants palestiniens, leurs amis (qu’on trouve aussi au Canada) et quelques Israéliens marginaux diront cela pour discréditer tout débat sérieux à propos de leurs propres activités », écrit-il.
Gerald Steinberg n’en est pas moins très actif auprès des gouvernements occidentaux, le canadien inclus, leur fournissant des informations sur les groupes qu’ils financent. « J’ai discuté de ces questions dans le passé avec Bob Rae, Irwin Cotler et d’autres libéraux ainsi qu’avec des conservateurs, notamment [le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration] Jason Kenney », dit-il.
Des reproches
Aurel Braun reprochait à Rémy Beauregard d’avoir accordé des subventions de 10 000 dollars chacune à trois ONG justement suspectes aux yeux de NGO Monitor : al Haq, al Mazan et B’tselem. « Ni al Haq ni al Mazan ne promeuvent les droits de la personne ou la démocratie. Il s’agit clairement de groupes politiques pro-palestiniens », écrit M. Steinberg. Pourtant, ils sont respectés sur la scène internationale. Al Haq a reçu des subventions de l’ACDI et son président a reçu un prestigieux prix dans le domaine des droits de la personne. Aurel Braun a malgré tout préféré la thèse de Gerald Steinberg, affirmant au nom de Droits et Démocratie que ces deux groupes sont « liés au terrorisme ». Quant à B’tselem, il en parle comme d’un organisme juif « que de nom ».
Cette thèse, elle est aussi partagée par le B’nai Brith, d’où provient non seulement M. Braun, mais aussi David Matas, nouveau membre du conseil d’administration de Droits et Démocratie. Des liens étroits existent entre le B’nai Brith et le Parti conservateur de Stephen Harper. Son actuel président, Frank Dimant, est un proche du ministre Jason Kenney, avec qui il s’est déjà rendu en Israël et en territoire palestinien pour une mission d’observation. Joseph Ben-Ami, l’ancien directeur des relations gouvernementales du B’nai Brith, a été un des cerveaux de la campagne au leadership de l’actuel président du Conseil du trésor, Stockwell Day, à l’époque de l’Alliance canadienne.
En 2006, le magazine Walrus a publié un article sur la droite religieuse active au sein du Parti conservateur et documenté les raisons pour lesquelles elle considérait le lobby pro-Israël comme un allié objectif. La frange la plus illuminée de cette droite religieuse adhère à la thèse de l’imminence de la fin du monde et du retour du Messie sur le mont du Temple, à Jérusalem. Ces chrétiens sionistes ont donc intérêt à ce que ce territoire reste entre les mains d’un État démocratique ami. Le rapprochement avec Israël du gouvernement conservateur serait donc, selon cette théorie, une façon de non seulement fidéliser l’électorat juif, mais de mobiliser l’électorat évangéliste.
En entrevue, le président du B’nai Brith, Frank Diamant, minimise l’importance de ce genre d’alliances pour expliquer le réalignement d’Ottawa face à la situation au Moyen-Orient. « S’il s’agit d’un calcul politique, c’en est un bien mauvais, répond-il. La communauté juive n’est décisive que dans environ six circonscriptions au Canada. [...] Nous avons plutôt un gouvernement qui agit par conviction. » En outre, fait-il remarquer, Jason Kenney s’est lancé dans une vaste entreprise de séduction de toutes les communautés culturelles du pays, pas seulement la communauté juive.
Question d’équilibre
Le chef libéral, Michael Ignatieff, a accusé cette semaine le gouvernement de Stephen Harper d’avoir rompu le fragile équilibre des torts sur lequel s’appuyait traditionnellement la position canadienne face au Moyen-Orient. Frank Dimant rétorque que c’est la situation mondiale qui a dicté à Ottawa son changement de politique.
« Le contexte mondial a changé : nous avons al-Qaïda, le Canada est en guerre contre les talibans, nous avons le Hezbollah et le Hamas. Israël est une démocratie qui est à la frontière de la lutte au terrorisme. En tant que tel, les Canadiens veulent appuyer le droit d’Israël de se défendre, car nous avons vu ce que le terrorisme apporte. [...]. Le consensus canadien est qu’on ne peut plus s’asseoir sur la clôture et être neutre. »
Le gouvernement conservateur s’est totalement approprié cette idée que le discours pro-palestinien s’est radicalisé et qu’il faut s’en dissocier. C’est ce qui explique les récentes coupures infligées aux organismes comme KAIROS, Alternatives (qu’avait critiqués NGO Monitor) ou encore la Fédération canado-arabe.
En décembre, à l’occasion d’un discours prononcé à Jérusalem, le ministre Jason Kenney s’est expliqué. « Certains disent que notre gouvernement, en prenant ces positions, a abandonné la position traditionnelle de neutralité du Canada. Que nous avons d’une certaine façon miné la crédibilité internationale du Canada et sa réputation en prenant ces positions. J’imagine que ce sont les mêmes gens qui croient qu’il y a une neutralité entre la tolérance et la haine, entre le terrorisme et le contre-terrorisme. Notre gouvernement croit au contraire que nous nous réapproprions nos valeurs historiques et leur donnons un nouveau sens [...], nous nous redonnons le droit de faire une distinction morale. »
Le nouvel antisémitisme
En filigrane, c’est l’antisémitisme qui prend un nouveau sens dans la bouche des membres du gouvernement de Stephen Harper. À l’instar d’une portion grandissante du milieu juif, une adéquation est faite entre critique d’Israël et haine des Juifs, entre antisionisme et antisémitisme.
Richard Marceau, conseiller politique principal du Comité Canada-Israël, nuance. Dire que critiquer Israël équivaut à de l’antisémitisme est idiot, reconnaît-il, mais ça en devient si on critique Israël pour de possibles violations des droits de la personne, mais pas les autres protagonistes du conflit. « Il doit y avoir un seul barème qui ne change pas d’un pays à l’autre. » N’est-il pas normal que les attentes face à un État qui se vante d’être démocratique soient plus élevées qu’envers des territoires moins structurés ? « C’est du racisme que de s’attendre à plus d’une civilisation par rapport à une autre. »
La Coalition parlementaire canadienne de lutte contre l’antisémitisme (CPCCA) dérange pour les mêmes raisons. Ce groupe de 22 députés représentant tous les partis politiques a été créé en mars 2009, mais certains en dénoncent le caractère biaisé. Par exemple, lorsque la Coalition a annoncé une audience sur l’antisémitisme sur les campus universitaires canadiens, elle a vu dans « des caricatures comparant Israël à une Afrique du Sud dirigée par des Blancs ou même à l’Allemagne nazie [qui] apparaissent çà et là dans des journaux étudiants » une preuve de la montée de ce sentiment de haine.
Le groupe Independent Jewish Voices a répliqué qu’il « est légitime pour les détracteurs du comportement d’Israël de le décrire comme un système d’apartheid et de dénoncer la légitimité de quelque État que ce soit qui s’y adonne. Ce n’est pas de l’antisémitisme d’aucune sorte, nouveau ou ancien ».
Le groupe PAJU s’est aussi inscrit en faux. « Il est évident que le but de votre commission n’est pas d’étudier la nature de l’antisémitisme, mais de manipuler la définition de l’antisémitisme pour en faire un synonyme de critique des politiques d’Israël », écrit son président, Bruce Katz, un Juif montréalais.
Pour Khaled Mouammar, président de la Fédération canado-arabe, « le gouvernement conservateur est idéologiquement rigide. Ils voient le monde à la Bush : ou bien on est avec eux, ou bien on est contre eux. On le voit avec l’Afghanistan, sur la question des gais, de l’avortement. C’est une attaque à la liberté d’expression. Ils ont commencé par nous parce qu’ils savent que nous sommes une communauté vulnérable à ce genre d’attaques ».
Tarek Fatah, fondateur du Congrès musulman canadien, concède qu’il y a un réalignement en faveur d’Israël, mais seulement dans la rhétorique. « Le Canada a toujours été très pro-Israël. [...] Le gouvernement Harper a seulement été plus explicite dans ses inclinations pour Israël. Les libéraux étaient plus subtils. » http://www.mondialisation.ca/index....
Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient (CJPMO) est une organisation séculière, sans but lucratif, regroupant des hommes et des femmes d’horizons divers qui œuvrent pour que la paix et la justice renaissent au Moyen-Orient. Elle a pour vocation de responsabiliser les personnes d’influence à traiter les protagonistes avec équité et à favoriser l’essor durable et équilibré de la région.
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