dimanche 29 novembre 2009

Le jeu de dupes de Netanyahou

publié le samedi 28 novembre 2009

Pierre Barbancey
Israël propose simplement de suspendre la colonisation et refuse de toute manière d’inclure Jérusalem-Est au processus. Les États-Unis font pression sur les Palestiniens.

Avigdor Lieberman, ministre israélien des Affaires étrangères, a vendu la mèche. «  L’inquiétude des Palestiniens est le dernier de nos soucis. Avant la question palestinienne, nous devons nous soucier de nos amis à travers le monde. Nous leur avons parlé et la plupart nous ont dit  : “Aidez-nous à vous aider”  », a-t-il déclaré. Mercredi, le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a proposé une suspension partielle de la colonisation pendant dix mois en Cisjordanie, dans le but de relancer les pourparlers sur la paix, tout en excluant «  toute limitation de la construction à Jérusalem  ». Des propositions visiblement plus dirigées vers les alliés d’Israël que vers les Palestiniens.

relancer le processus de paix

En déclarant, sans revenir dessus, qu’il est impossible de reprendre les négociations sans l’arrêt de la colonisation, Mahmoud Abbas a jeté dans l’embarras les États-Unis et l’Union européenne. Mais la situation régionale est telle qu’il leur faut absolument dépasser le blocage actuel et relancer le processus de paix. D’autant que Mahmoud Abbas a indiqué que si rien ne bougeait, il proclamerait l’État palestinien. D’anciens hauts responsables américains – républicains et démocrates – viennent de remettre à Barack Obama un rapport dans lequel ils soulignent notamment : « Aujourd’hui, alors que nos ennemis contournent la supériorité militaire américaine en menant à la fois une guerre de l’information et de la terreur, il est indispensable d’aboutir rapidement une paix israélo-arabe.  » Ils concluent ainsi : «  Ne pas agir se révélera donc extrêmement coûteux (…) cela risquera de déboucher aussi sur la disparition définitive de la solution à deux États si les colonies se développent, se retranchent et que les extrémistes consolident leur influence des deux côtés. Bref, les six ou douze prochains mois représenteront sans doute la dernière chance pour une solution équitable, viable et durable.  » Ce qui n’a pas empêché la secrétaire d’État, Hillary Clinton, de se saisir avec précipitation de l’annonce israélienne qui «  aide à avancer vers la résolution du conflit israélo-palestinien  » (sic). Faussement ingénue, elle estime «  qu’à travers des discussions de bonne foi, les parties peuvent se mettre d’accord sur un résultat qui mette fin au conflit et réconcilie l’objectif des Palestiniens d’avoir un État indépendant basé sur les frontières de 1967 (…) et l’objectif d’Israël d’avoir un État juif avec des frontières sûres et acceptées qui satisfassent leurs attentes en matière de sécurité  ».

Tout à la fois, elle se moque des Palestiniens puisque les colonies et le mur pulvérisent les frontières de 1967 et crée une discontinuité entre les territoires palestiniens, entre Gaza et la Cisjordanie, bien sûr, mais aussi en Cisjordanie même qui serait divisée en plusieurs territoires disjoints, équivalents à des bantoustans. Ce qui est bien sûr inacceptable pour les Palestiniens qui l’ont fait savoir. «  Le retour aux négociations doit se faire sur la base d’un arrêt total de la colonisation  », a répété Nabil Abou Roudeina, conseiller de Mahmoud Abbas. [1]

[1] voir auss l’AFP, relayé par la Presse de Tunisie

Les fausses concessions d’Israël

Le gouvernement israélien annonce une suspension de la colonisation limitée dans le temps et qui ne concerne ni les bâtiments publics ni Al-Qods-Est Israël estime avoir fait le nécessaire pour relancer le processus de paix, en proposant une suspension partielle de la colonisation en Cisjordanie occupée et a rejeté la responsabilité de toute poursuite du blocage sur les Palestiniens."La balle est dans le camp palestinien et on va bien voir ce qui va se passer", a déclaré hier le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, au lendemain de l’annonce par le chef du gouvernement Benjamin Netanyahu d’une suspension provisoire des nouvelles constructions dans les implantations de Cisjordanie.

Pour les dirigeants israéliens, ce moratoire de 10 mois — présenté comme "courageux et sans précédent"— est censé convaincre les Palestiniens de reprendre le dialogue, interrompu depuis l’offensive de l’armée israélienne contre la bande de Gaza à la fin 2008.

Le coup de frein annoncé est toutefois limité et il a été immédiatement jugé insuffisant par les Palestiniens.

Il ne concerne pas les chantiers en cours (3.000 logements) ni la construction des bâtiments publics, comme les écoles et les synagogues, ni surtout le secteur oriental de d’Al Qods à majorité arabe, occupé par Israël en juin 1967.

"Nous avons fait tout ce qui est possible pour Abou Mazen (le surnom de Mahmoud Abbas, le Président palestinien). Le gouvernement a consenti à des gestes sans précédent", a toutefois plaidé le chef de la diplomatie, qui dirige un parti nationaliste.

"Si Abou Mazen veut ouvrir des négociations, qu’il le fasse. Pour notre part, nous avons apporté notre contribution", a estimé M. Lieberman qui a d’ores et déjà prévenu qu’à l’issue des 10 mois de suspension, Israël reviendrait à la politique de construction des gouvernements précédents "afin de permettre aux Israéliens habitant dans les implantations de mener une vie normale".

L’influent ministre de la Défense Ehud Barak, un travailliste, a exprimé l’espoir d’une reprise des négociations. "Cela n’arrivera pas demain, mais l’important pour nous est que les Américains réagissent positivement. Ils vont sans doute consulter les deux parties et présenter leurs propositions dans les prochaines semaines", a prédit M. Barak.

A Washington, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton s’est félicitée de l’annonce du gouvernement israélien en soulignant que la mesure va "aider à avancer vers la résolution du conflit israélo-palestinien".

En revanche, la proposition israélienne s’est vu opposer, comme attendu, une fin de non recevoir des Palestiniens qui ont jugé que "M. Netanyahu n’a avancé aucune formule pour relancer les négociations" de paix.

Les dirigeants palestiniens font de la poursuite de la colonisation à Al Qods-Est une question non négociable.

L’initiative de M. Netanyahu — qui bénéficie du soutien de l’opinion publique — a été accueillie avec scepticisme par les analystes.

A droite, un éditorialiste du quotidien populaire Yédiot Aharonot a critiqué "le lien entre le gel de la construction dans les colonies et l’accord en cours de discussion avec le Hamas" pour la libération du soldat otage Gilad Shalit en échange de centaines de prisonniers palestiniens. "Dans les deux cas, les Israéliens donnent et ne reçoivent rien ou beaucoup moins en échange", déplore le Yédiot.

A gauche, le quotidien Haaretz, évoquant la reprise hypothétique du processus de paix, estime que M. Netanyahu "a réussi (temporairement) a passer la patate chaude au Président Mahmoud Abbas".

"Mais aucun processus de paix ne sortira de tout cela", conclut le journal.

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