dimanche 29 novembre 2009

Gilad Shalit : pourquoi la négociation est en panne ?

publié le vendredi 27 novembre 2009

René Backmann
L’échange entre le soldat israélien et les détenus palestiniens buterait encore sur plusieurs obstacles de taille. Explications

Selon plusieurs sources concordantes, l’échange entre Gilad Shalit et les détenus palestiniens dont la libération est demandée par le Hamas buterait encore sur plusieurs obstacles de taille. Alors qu’une délégation du Hamas impliquée dans les négociations du Caire est arrivée à Damas, pour exposer les dernières propositions israéliennes transmises par l’émissaire allemand et obtenir le feu vert éventuel du chef du bureau politique du Hamas, Khaled Meschaal, plusieurs média arabes et israéliens font état d’un nouveau retard.

Selon leurs informations, la libération de Gilad Shalit et des prisonniers palestiniens (un millier environ) pourrait n’avoir lieu qu’après l’Aid al-Adha (fête du sacrifice), qui commence vendredi et s’achève lundi.

Comment s’explique ce nouveau retard ? Le principal obstacle serait la présence dans la liste de prisonniers à libérer établie par le Hamas de plusieurs militants tenus par les autorités israéliennes pour responsables d’actes de terrorisme particulièrement sanglants. Parmi ceux-ci figureraient Ibrahim Ahmed, ancien chef de la branche militaire du Hamas, accusé par Israël d’être le cerveau de l’attentat contre le café « Moment » à Jerusalem et Abdallah Barghouti, (un parent de Marwan Barghouti) lui aussi tenu pour l’un des organisateurs des attentats contre le café « Moment », et la pizza « Sbarro » à Jerusalem et rue Allenby à Tel Aviv.

Les autorités israéliennes qui jugent dangereuse – et difficile à faire admettre à l’opinion publique – la remise en liberté de responsables d’attentats meurtriers, auraient même refusé une concession offerte par le Hamas pour triompher de cet obstacle. Le mouvement islamiste se serait déclaré prêt à accepter le départ de certains des prisonniers libérés vers un autre pays disposé à les accueillir, solution que la partie israélienne aurait écarté. Et d’autres facteurs compliqueraient encore la situation.

Marwan Barghouti : « je suis sur la liste des libérables »

Selon le quotidien panarabe basé à Londres « Al Hayat », la direction du Hamas serait en effet divisée sur la réponse à donner aux propositions israéliennes. Les plus durs exigeraient la libération, sans conditions, de toutes les personnes figurant sur la liste. Les plus modérés estimeraient qu’il est vain d’espérer voir Israël accepter toutes les exigences du Mouvement de la Résistance islamique et que le moment est venu de tirer tout le bénéfice possible de la libération de Gilad Shalit. Des responsables du Hamas, proches de la négociation estiment que « les deux prochains jours seront cruciaux ». »Il faut faire tout ce qui est possible et approprié, mais pas à n’importe quel prix » estime de son côté le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak.

Dans une interview publiée par le Corriere Della Sera, Marwan Barghouti indique que son nom figure dans la liste des prisonniers dont le Hamas a demandé la libération. « Israël va peut-être finalement comprendre que les exigences du Hamas ne peuvent être ignorées, affirme-t-il en faisant observer que la capture de Shalit a permis d’obtenir ce qu’aucun dialogue n’avait obtenu : la libération des prisonniers ». « Mon objectif majeur, maintenant, confie-t-il, est de réaliser l’unité des factions palestiniennes. Lorsque l’unité aura été réalisée, je serai prêt à faire acte de candidature à la présidence de la Palestine ».

Netanyahou : gel provisoire de la colonisation…sauf à Jerusalem

Selon des sources israéliennes, la question de la négociation et de l’échange de prisonniers devait être débattue cet après midi, au cours de la réunion du cabinet israélien. Mais l’inscription de ce point à l’ordre du jour n’a pas été officiellement confirmée.

En revanche, au cours de cette réunion, le premier ministre Benjamin Netanyahou a bien, comme la rumeur en circulait depuis plusieurs jours, demandé à ses ministres d’approuver sa décision de proposer un gel de la colonisation de 10 mois en Cisjordanie – qui ne s’appliquerait pas à Jerusalem-Est (où vivent déjà 190 000 Israéliens), contrairement à ce que demandent les Palestiniens …et la Feuille de route du Quartette Etats-Unis, Russie, Nations Unies, Union européenne. « Je n’impose aucune limitation à la construction à Jerusalem, notre capitale souveraine », a même précisé le premier ministre, dont l’initiative a été saluée par l’administration Obama. « L’annonce faite aujourd’hui par le gouvernement israélien, a déclaré la secrétaire d’Etat américaine Hilary Clinton, aide à avancer vers la résolution du conflit israélo-palestinien ». Comme on pouvait l’imaginer, la réaction des colons et de la droite nationaliste à cette proposition a été violente. « Il n’est pas possible que Netanyahou crache ainsi au visage de ceux à qui il avait promis, il y a moins d’un an, une autre politique que celle appliquée par Sharon à Gaza » s’est indigné le député Yaakov Katz, président de l’Union nationale, tandis que l’une des fiugures de proue de l’extrême-droite nationaliste, Itamar Ben Gvir, accusait Netanyahou de « trahir l’Etat d’Israël ». « Le temps est venu pour la droite de combattre Netanyahou de la même façon que nous avons combattu Rabin, Olmert, Sharon et Barak » a-t-il annoncé.

Nouvelle stratégie diplomatique palestinienne ?

L’Autorité palestinienne, qui avait déjà annoncé son intention de rejeter l’offre de gel provisoire et limitée de la colonisation si cette proposition était officiellement présentée par le gouvernement israélien, a confirme son refus. Depuis l’Amérique latine, où il accompagne le président palestinien Mahmoud Abbas, en voyage officiel, le négociateur principal, Saeb Erekat a affirmé : « cette proposition ne fait pas avancer le processus de paix. Israël doit arrêter toute activité de colonisation y compris à Jerusalem-est pour permettre la reprise des pourparlers de paix ». « Un gel de la colonisation qui ne prévoit pas l’arrêt de la construction à Jerusalem-Est est inacceptable » a estimé le premier ministre Salam Fayyad, qui a rappelé l’intention des palestiniens de faire de Jerusalem-Est la capitale de leur Etat. Pour affronter l’initiative israélienne, la nouvelle déconvenue américaine et le bénéfice politique que le Hamas pourrait tirer de la libération d’un millier de prisonniers, l’Autorité palestinienne, qui a organisé à Jéricho une Conférence internationale sur les prisonniers - au cours de laquelle la femme de Marwan Barghouti a été acclamée – est sur le point de dévoiler dimanche, à l’occasion de la Journée internationale de solidarité avec le Peuple palestinien, sa nouvelle stratégie diplomatique, destinée à se substituer à la formule des négociations bilatérales parrainées par les Etats-Unis, qui a échoué. Selon des sources au sein de l’autorité palestinienne et de l’OLP, cette nouvelle stratégie serait plus « pluraliste » et davantage orientée vers la communauté internationale.

L’une des premières initiatives envisagées serait de demander au Conseil de sécurité des Nations Unies de reconnaître la création d’un Etat Palestinien. Washington, opposera sans doute son veto, font observer les promoteurs de cette initiative. Ainsi les choses seront claires : le monde verra quel camp ont choisi les Etats-Unis. « Le processus de paix est au point mort, constate, dans une déclaration le département des relations internationales de l’OLP parce que nous n’avons pas de partenaire israélien avec qui négocier. Le gouvernement israélien actuel ne croit pas à la solution à, deux Etats et il est en train de détruire les dernière possibilités de règlement négocié ».