mercredi 26 janvier 2011

L’Autorité palestinienne accuse l’émir du Qatar de mener une « campagne » contre le Fateh

25/01/2011
Les Palestiniens accusaient hier al-Jazira de « créer la confusion » et propager des « mensonges » en diffusant des documents révélant l'ampleur des concessions proposées en 2008 pour faire la paix avec Israël, qui les avait pourtant jugées insuffisantes. La chaîne basée au Qatar avait entamé dimanche soir la diffusion de « plus de 1 600 » documents couvrant les pourparlers de paix depuis 1999, dont les premiers montrent que les négociateurs palestiniens étaient prêts en 2008 à des concessions considérables, en particulier sur Jérusalem-Est et les réfugiés.
« Le but de cela est de créer la confusion, j'ai vu moi-même ce que la chaîne a diffusé en disant que ce sont des documents palestiniens, alors qu'ils sont israéliens », a réagi le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. « Ce qui a été diffusé a été déformé et sorti de son contexte, et contient des mensonges », a déclaré à l'AFP Saëb Erakat, principal négociateur palestinien. « S'il est nécessaire de publier tous les documents du département des négociations, nous le ferons », a-t-il assuré. « Bien que de nombreuses idées aient été discutées par les deux parties dans un processus normal de négociations, y compris certaines que nous ne pourrions jamais accepter, nous avons dit constamment que tout accord proposé devrait obtenir un soutien populaire via un référendum national », a souligné M. Erakat dans un communiqué.
Un autre négociateur palestinien, Yasser Abed Rabbo, a accusé l'émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, d'avoir donné son « feu vert » à une « campagne » contre l'Autorité palestinienne. « Nous savons qui a sorti les documents, c'est un employé du département des négociations de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) », a-t-il indiqué, coupant court aux spéculations dans les médias israéliens attribuant les fuites à l'ex-homme fort de la bande de Gaza, Mohammad Dahlane, en conflit avec M. Abbas.
« Ces documents secrets sont graves et montrent l'implication de l'Autorité du Fateh (parti de M. Abbas, NDLR) dans les tentatives de liquidation de la cause palestinienne », a, pour sa part, commenté Sami Abou Zouhri, porte-parole du Hamas à Gaza.
Certains documents présentent les négociateurs palestiniens comme prêts à renoncer « au quartier juif et à une partie du quartier arménien » de la vieille ville de Jérusalem, ainsi qu'à accepter l'annexion par Israël de la plupart des quartiers de colonisation juive. Ils s'y montrent également disposés à se contenter du retour de 100 000 réfugiés sur un total d'environ 5 millions, à raison de 10 000 par an sur dix ans. Le responsable du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), Robert Serry, a mis en garde dans un communiqué contre des « impressions inexactes » et attesté « de l'engagement de la direction palestinienne à sauvegarder les droits et intérêts légitimes du peuple palestinien ».
En Israël, ces révélations ont été diversement interprétées. Le ministre ultranationaliste des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a voulu y voir la validation de ses thèses sur l'impossibilité d'un accord de paix, tandis que des responsables du précédent gouvernement ont reproché au Premier ministre Benjamin Netanyahu d'avoir fait table rase de ces progrès. « Comme il s'avère que le gouvernement d'Ehud Olmert n'a pu parvenir à un accord en dépit des énormes concessions qu'il a faites, tout le monde comprend qu'il faut rechercher un accord intérimaire à long terme », a déclaré M. Lieberman.
Le gouvernement israélien « dispose d'un véritable partenaire pour la paix, encore faudrait-il qu'il la recherche » sincèrement, a estimé Haïm Ramon vice-Premier ministre dans le gouvernement Olmert, et député du parti Kadima (opposition centriste).
Les États-Unis, de leur côté, ont affirmé qu'ils continueront à rechercher une solution à deux États au conflit israélo-palestinien malgré la diffusion des centaines de « documents confidentiels » par al-Jazira.
À Paris, le président français Nicolas Sarkozy, critiquant implicitement la politique américaine, a réclamé hier une plus grande implication des Européens dans le processus de paix israélo-palestinien, promettant dans ce cas une nouvelle réunion de donateurs pour les Palestiniens.