dimanche 14 novembre 2010

Une nouvelle Histoire ou un nouveau mirage ?

dimanche 14 novembre 2010 - 04h:01
Antoine Raffoul
Intifada Palestine
Une lecture récente d’un ancien article écrit par le défunt Edouard Said, auteur palestinien bien connu, écrivain et critique culturel, m’a révélé une exceptionnelle réunion à Paris pour y discuter les questions au coeur du conflit Palestine/Israël.
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Edward Saïd
Les participants étaient les « nouveaux » historiens émergents en Israël (Ilan Pappe, Benni Morris, Itamar Rabinowitch et Zeev Sternhell) et leurs contre-parties de Palestine (Elie Sanbar, Nur Masalha et Saïd lui-même).
Dans son article, Edward Saïd notait que pendant les discussions informelles qui ont eu lieu, le côté israélien (à la rare exception du professeur Pappe) parlait du « besoin de détachement, de distance critique et de calme dans la réflexion », alors que le côté Palestinien était « beaucoup plus pressant, plus grave et même émotif dans son insistance sur le besoin d’une nouvelle histoire ».
L’article de Saïd traitait du sujet central de la réunion : la nécessité de considérer l’histoire du conflit palestinien/israélien du point de vue palestinien et de mettre en avant les événements qui ont conduit à la Nakba palestinienne de 1948. En dépit de la tentative par certains des historiens israéliens d’admettre que « une injustice’ a pu avoir été commise par les Israéliens en 1948, l’opinion de la plupart d’entre eux était que c’était « une conquête nécessaire ». Seul le professeur Pappe a parlé avec une puissante éloquence, exprimant, selon les mots de Saïd, « une adhésion au point de vue palestinien et... [fournissant] la plus iconoclaste et la plus brillante des interventions israéliennes. Oui, les Israéliens à Paris disaient vouloir la paix, mais, non, ils n’ont pas infligé la responsabilité de la Nakba de 1948 aux Israéliens.
A nouveau, écrit Edward Saïd, à l’exception du professeur Pappe, le reste des membres du groupe israélien ont montré « une profonde contradiction, touchant à la schizophrénie qui donne une idée de leur travail ». Ils ont semblé hésiter « une fois poussés dans leurs derniers retranchements par Pappe ou par les Palestiniens ».
La réunion de Paris a eu lieu au début du mois mai 1998. L’euphorie d’Oslo était toujours dans l’air et (retenez votre souffle) Benyamin Netanyahu profitait de son premier mandat comme premier ministre d’Israël (1996-1999). Sous son gouvernement, Israël contrôlait tous les territoires palestiniens occupés par la force en 1948, 1949 et 1967 (et pour ceux qui ont besoin d’un rappel, ce qui représente TOUTE la Palestine historique) ; il disposait de la puissance militaire la plus formidable dans la région ; il dictait toutes les règles de l’occupation sur une population civile occupée dans les Territoires Palestiniens sous Occupation [TPO] et il avait le temps et l’espace à sa disposition.
Allons sept années plus loin, en mai 2005, lorsque George W Bush prétendait mettre en place un autre processus de paix voué à l’échec (dans la foulée de son invasion criminelle de l’Irak et de l’Afghanistan) et que Sharon ouvrait son chemin au bulldozer dans les Territoires Palestiniens avec son mur de ségrégation. Le professeur Pappe a alors écrit un article dévastateur, perspicace, et intitulé : The Palestine Peace Process : Unlearned Lessons of History [Le processus de paix de la Palestine : Leçons non apprises de l’Histoire]. Cet article se faisait l’écho des échecs de tous les processus de paix précédents depuis Oslo, mais, de façon prémonitoire, de l’échec prévisible de tous les processus de paix qui ont été lancés depuis que son article a été écrit. Beaucoup de processus, semble-t-il, mais aucune paix.
Dans son article, le professeur Pappe, avec la vision d’un historien perspicace, avertissait que « à moins que les Etats-Unis ne commencent à prêter attention aux leçons de l’histoire [lire celle de 1948], cette nouvelle ronde d’entretiens de paix finira non seulement par un échec, mais les espoirs actuellement soulevés se transformeront à nouveau en désespoir, en fureur et en une vague renouvelée de violence et de dévastation ». Nous savons maintenant ce qu’il est advenu de Bush et de son processus de paix.
Déplaçons-nous rapidement jusqu’à aujoud’hui, en novembre 2010, (douze années et demi après la réunion de Paris), et nous avons à nouveau Benjamin Netanyahu comme premier ministre, l’occupation illégale des TPO continue toujours, avec bien plus de dévastation à travers toutes les terres de Palestine ; la machine militaire israélienne est tirée vers le haut avec plus d’arsenaux nucléaires et (retenez encore votre souffle) un nouveau processus de paix lancé par Barak Obama, le président des États-Unis avec le vent en poupe (à l’heure de son élection) et jouissant d’un appui public plus important que celui de n’importe quel président américain précédent. Mais à peine le processus de paix d’Obama avait-il été lancé que les sables mouvants du Moyen-Orient ont commencé à l’étouffer sans pitié.
À travers le paysage palestinien, et particulièrement à Jérusalem-est sous occupation, se produisent toujours plus de démolitions de maisons palestiniennes, plus de confiscation de fermes, d’oliveraies et de vols purs et simples de propriétés privées par les colons sionistes de droite sous la protection de la loi israélienne et de sa machine, tandis que la communauté internationale regarde et ne fait rien.
Qu’est-ce que tout cela démontre ?
Cela confirme ce que nous avons toujours pensé : que le projet sioniste d’occuper et de s’approprier toute la Palestine historique était, est et continue d’être l’objectif principal et unique des dirigeants sioniste en Israël. Pour que ceci se fasse et dans un effort pour paver la voie d’un tel poids-lourd colonial, les médias israéliens ont été mis en sommeil et le leadership militaire israélien s’est fait le seul pourvoyeur d’informations, fournissant ses versions aseptisées à un public israélien indifférent.
Depuis la réunion de Paris et depuis l’article prophétique du professeur Pappe, le seul rayon lumineux sortant d’Israël (et maintenant du Royaume-Uni) reste le ferme et courageux appel de ce même professeur pour un débat sur la Nakba de 1948. Les autres « nouveaux historiens » réunis à Paris, restent curieusement silencieux et étonnement évasifs sur cette question.
Il est clair pour le lecteur et pour l’observateur informé sur le conflit israélien/palestinien que rien ne sortira d’un futur processus prétendant établir une paix juste et durable en Palestine historique, à moins que la Nakba 1948, le retour des réfugiés palestiniens et la règle du droit international soient reconnus et servent de base au prochain processus de paix.
En conclusion, il est également évident que les dirigeants sionistes qui occupent la Knesset israélienne se sont à présent rendus compte que leur poids-lourd colonial manque de carburant. Aussi, afin de lui fournir plus de carburant colonialiste, ils ont sorti de leur chapeau « le serment raciste à la nation juive ». Son réservoir de secours a été rempli d’un appel à punir tout ceux qui commémorent la Nakba 1948.
Un nouveau mirage ou une nouvelle réalité ?
5 novembre 2010 - Intifada Palestine - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.intifada-palestine.com/2...
Traduction : Nazem
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