mercredi 3 novembre 2010

La paix attend son salvateur

Le premier ministre israélien se rend aux Etats-Unis la semaine prochaine, alors qu’expire le délai accordé par la Ligue arabe à Washington pour régler le différend sur la colonisation et que la nouvelle donne politique née des élections américaines de mi-mandat pourrait défavoriser les Palestiniens.
C’est dans un climat marqué par l’impasse dans le processus de paix qu’est commémoré cette semaine le 15e anniversaire de l’assassinat, par un juif extrémiste, de l’ancien premier ministre israélien Ytzhak Rabin, mort le 4 novembre 1995. A l’époque, son assassin, Ygal Amir, un ultra-nationaliste religieux, voulait saboter les accords de paix israélo-palestiniens d’Oslo (1993), stigmatisés par l’extrême droite israélienne comme une trahison ou pire comme une profanation. Mission réussie. Vieille ennemie de Rabin et du processus de paix, cette extrême droite a le vent en poupe. Et, depuis la mort de Rabin, symbole pour certains de tous les espoirs perdus, aucun gouvernement israélien, ou presque, n’a pris des pas concrets ni pour instaurer une véritable paix ni pour créer un Etat palestinien. Preuve en est l’état actuel du processus de paix. Dire qu’il est au point mort serait avoir une vision optimiste de la chose, car en réalité, c’est une véritable régression que subit le processus de paix depuis plusieurs années.
Aujourd’hui, l’on espère simplement pouvoir négocier. Et même la tenue de pourparlers directs devient quasi impossible vu les positions israéliennes, notamment concernant la question de la colonisation, principale raison du récent blocage.
Relancées le 2 septembre dernier à Washington sous l’égide des Etats-Unis, les négociations israélo-palestiniennes sont interrompues depuis l’expiration le 26 septembre d’un moratoire de dix mois sur les nouvelles constructions dans les colonies juives de Cisjordanie. Pour les reprendre, les Palestiniens exigent un nouveau moratoire, auquel se refuse jusqu’à présent le gouvernement israélien. Et, le 9 octobre dernier, la Ligue arabe a accordé un délai d’un mois à Washington pour régler ce différend sur la colonisation.
Passivité américaine
Mais au cours de ces dernières semaines, l’administration américaine était davantage occupée par les élections de mi-mandat de ce mardi 2 novembre que par le processus de paix. Des élections qui ne vont pas dans l’intérêt des Palestiniens. En effet, selon les analystes, un affaiblissement du président démocrate Barack Obama sous une poussée républicaine aux élections de mi-mandat renforcerait la détermination du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, à poursuivre la colonisation en Cisjordanie occupée. Or, le président palestinien, Mahmoud Abbass, compte précisément sur Washington pour forcer le gouvernement israélien à geler la colonisation et permettre ainsi, selon les Palestiniens, une reprise des négociations directes.
A la veille de la présidentielle américaine de novembre 2008, des dirigeants du Likoud, le parti de M. Netanyahu alors dans l’opposition, n’avaient pas caché leurs réserves envers M. Obama, faisant en revanche l’éloge de son rival républicain John McCain. Depuis, ils se sont abstenus de prendre publiquement position en faveur des républicains de crainte d’être accusés d’ingérence, mais des personnalités américaines, juives ou non juives, politiquement proches de la droite israélienne, ne cachent pas leur soutien au camp anti-Obama.
C’est ainsi que le quotidien israélien Haaretz a révélé le 22 octobre que le milliardaire juif américain Sheldon Adelson, un des principaux soutiens de M. Netanyahu, avait versé plusieurs millions de dollars à des organismes républicains très engagés contre le président Barack Obama. Le quotidien israélien à grand tirage Yediot Aharonot estimait, quant à lui, que le président Obama « attend le résultat des élections pour laisser éclater sa colère » suite au refus d’Israël de proroger, ne serait-ce que de deux mois, comme le demandait Washington, un moratoire sur la construction dans les colonies.
C’est dans ce contexte que M. Netanyahu a annoncé dimanche qu’il se rendrait le 7 novembre aux Etats-Unis pour s’exprimer devant les représentants du judaïsme américain et rencontrer notamment le vice-président américain Joe Biden « pour discuter avec eux de toute une série de questions, notamment bien sûr de la reprise du processus de paix ». Et de préciser que la reprise des discussions avec les Palestiniens visait à conclure « un accord de paix » et à instaurer « la sécurité de l’Etat d’Israël », non pas à créer un Etat palestinien. De quoi rappeler les propos de la députée palestinienne Hanane Ashrawi, qui a déclaré ne pas croire que les élections de mi-mandat vont pousser l’administration américaine à être plus conciliante envers Israël, « vu qu’elle a déjà cédé sur toute la ligne » aux exigences du gouvernement Netanyahu.
Abir Taleb