mercredi 3 novembre 2010

Comment Obama a bradé l’Amérique

mardi 2 novembre 2010 - 06h:26
Ramzy Baroud
Dans une capitulation dont le culot est à couper le souffle, le président Obama a pour ainsi dire cédé à Israël la souveraineté des États-Unis dans leur politique étrangère, écrit Ramzy Baroud.
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Obama recevant ses ordres de Tel Aviv ?
Il n’est pas exagéré de dire que la reprise de pourparlers entre le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne [de Ramallah] n’a jusqu’à présent rien produit qui ait la moindre valeur, du moins qui soit en rapport avec une solution négociée du conflit israélo-palestinien vieux de dizaines d’années.
Les médias ont accordé peu d’attention aux pourparlers, en dehors de la couverture de la cérémonie d’ouverture de la première série de discussions à Washington le 2 septembre. La presse a à peine fait mention de la série suivante de discussions [au Moyen-Orient] environ deux semaines plus tard. Ce qui a capté l’attention des médias était la volonté du président américain Barack Obama de limiter au maximum les dégâts qu’il avait pu s’infliger en insistant auprès du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou pour que celui-ci décrète un moratoire partiel sur la construction de colonies (d’environ 11 mois), puis renouvelle ce gel de la colonisation.
Comme on pouvait s’y attendre, le président des États-Unis n’a pas réussi à convaincre les dirigeants israéliens d’appliquer une condition aussi fondamentale pour assurer un processus de paix en douceur. Ce processus marquait le retour de la diplomatie américaine au Moyen-Orient. Ses problèmes actuels et son échec attendu pourraient très bien - à la différence des cycles précédents de négociations - signifier la fin de l’aventurisme politique américain dans la région. Si un président comme Obama - qui bénéficiait d’un support national et international aussi massif - s’incline devant un premier ministre de droite israélien, alors pourquoi les autres oseraient-ils quoi que ce soit ?
Pour sauver la face - et repousser les échéances - Obama aurait promis à Israël un haut niveau de sécurité et des garanties diplomatiques. Tout ce qu’il demandait en retour, c’était une simple prolongation de 60 jours du moratoire sur les colonies, juste pour passer les élections de novembre.
Selon un article de David Makovsky, du Washington Institute for Near East Policy, la lettre rendue publique d’Obama à Netanyahou, place la politique étrangère américaine en position d’otage du diktat israélien. La lettre affirme que les États-Unis ne feront plus dans le futur de demandes comme un gel de la colonisation, qu’ils garantissent un droit de veto américain pendant une année à toute résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies relative aux négociations de paix, qu’ils sont d’accord pour augmenter la pression sur l’Iran conformément aux demandes israéliennes, et ainsi de suite.
Parmi les nombreuses promesses faites par l’administration Obama, il en est une qui semble particulièrement généreuse. Selon la Jewish Telegraphic Agency, les États-Unis « acceptent la légitimité des besoins de la sécurité d’Israël tels que définis par le gouvernement Netanyahu », se référant apparemment à la demande du dirigeant israélien d’une présence militaire israélienne à long terme à l’est de la Cisjordanie, le long de la frontière avec la Jordanie.
Qu’Obama marchande l’influence politique de son pays avec un Etat étranger pour de minables gains politiques est déjà lamentable. Qu’il veuille atteindre des objectifs personnels et partisans au détriment de l’intérêt national est tout aussi inquiétant. Mais promettre une présence militaire de longue durée d’une puissance occupante dans le territoire d’un autre peuple, en échange d’un gel de la colonisation de 60 jours est totalement contraire à la logique et à la simple éthique.
En outre, cette promesse viole le droit international. Cette lettre sera un jour être considérée de la même façon que la Déclaration Balfour de 1917, lorsqu’un foyer national juif a été promis dans la Palestine historique, par la Grande-Bretagne, à un groupe de sionistes européens - bien qu’aucun des deux n’avait ni droits de propriété ni mandat pour le faire.
Le discours passionné d’Obama au Caire en Juin 2009, était intitulé « Un nouveau commencement ». Mais un an et quelques mois plus tard, Obama a appris les limites de l’influence politique de son pays quand il s’agit d’Israël - comme la guerre en Irak a montré les limites de la puissance militaire américaine.
Dans leur nouvelle approche, Obama et ses conseillers se comportent comme des vendeurs désespérés devant un touriste vaniteux et blasé. Tout ce dont a besoin Obama est d’un peu de temps et Netanyahu marchande chaque détail pour assurer une valeur maximale à chaque dollar avant que le 2 novembre ne soit passé. Puis Israël trouvera d’autres voies pour faire avancer ses intérêts.
Comme les dirigeants israéliens ont bien compris que dans ces moments-là la Maison Blanche est muette et docile, Tel Aviv ne ménage pas ses efforts pour exploiter la situation, et Netanyahu roule des mécaniques pour impressionner ses électeurs d’extrême-droite en approuvant des centaines de nouveaux logements dans Jérusalem-est occupée. Netanyahu a humilié le président de la première puissance occidentale, et il en jouit au maximum.
De plus, de nouvelles lois racistes sont en cours d’approbation à la Knesset israélienne. Une de ces lois exige un serment d’allégeance à Israël comme « état juif et démocratique ». Nombreux seront ceux qui devront prêter ce serment pour ne pas perdre leurs droits de citoyens dans le pays. Il s’agit d’une loi antidémocratique à tout point de vue et qui vise plus largement la population palestinienne chrétienne et musulmane, les propriétaires légitimes de cette terre. Le moment choisi pour ces lois est destiné à souligner la détermination d’Israël à faire ce qu’il juge nécessaire. Cela sera très rentable pour les partis de droite en Israël lors des prochaines élections.
En ce qui concerne le président palestinien Mahmoud Abbas, il y a peu à dire. Il n’a aucun pouvoir politique ni moyen de pression ou influence. Il ne peut faire que ce qu’il a déjà dit, c’est-à-dire mettre à exécution sa menace de se retirer de la vie politique, mais franchement peu de gens y accordent de l’intérêt.
Mais Abbas - peut-être par involontairement - a aidé Netanyahu en lui fournissant un cadre politique dans lequel le dirigeant israélien peut prétendre être engagé dans un processus de paix avec un partenaire palestinien légitime.
Cela a suffit pour remettre Netanyahu et son pays sur le devant de la scène diplomatique internationale. Le bain de sang infligé à la bande de Gaza par Israël entre 2008 et 2009, le blocus permanent, l’assassinat de militants étrangers de la Flottille de la liberté ont été mis de côté pour un moment. Et aujourd’hui nous devons au contraire écouter Netanyahu parler de paix, de prospérité et de sécurité pour tous, au milieu des applaudissements chaleureux et des ovations...
Des centaines de porte-parole israéliens, des hommes politiques, des diplomates et des universitaires ont fait le tour du monde ces derniers mois, parlant de l’engagement indéfectible d’Israël pour la paix. Et dans le même temps, les bulldozers israéliens sont de retour pour démolir les maisons, les entreprises et les oliveraies. Israël continue d’étendre les colonies et de construire ce qui est appelé à juste titre le mur de l’Apartheid, le tout avec peu de critique - s’il en est - des États-Unis, l’auto-proclamé « honnête courtier » pour la paix.
Pire encore, alors que ce théâtre politique est organisé et financé par l’argent des États-Unis, la destruction à grande échelle en cours en Cisjordanie et dans Jérusalem-Est est aussi rendue possible grâce aux coffres-forts des États-Unis.
C’est cela la politique des États-Unis vouée à l’échec. C’est cela le processus de paix.
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Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.
26 octobre 2010 - Transmis par l’auteur - Traduction : Nazem
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