Valérie de Graffenried
Le  ministre de la Défense, Ueli Maurer, démarre aujourd’hui sa visite  contestée en Israël. Un voyage délicat alors que la Suisse s’engage pour  le respect du droit humanitaire dans la région
Ueli Maurer marche sur des  œufs. C’est sur fond de polémique que le ministre de la Défense se rend  de samedi à lundi en Israël. Il y va sur invitation de son homologue  Ehoud Barak. Alors que l’armée israélienne est mise en cause dans le  rapport Goldstone pour crimes de guerre et violations graves du droit  international humanitaire lors de ses interventions à Gaza entre  décembre 2008 et janvier 2009.
Voilà qui a rapidement fait réagir des parlementaires.  Et grimacer des diplomates. Plusieurs ONG ont manifesté hier contre  cette visite « militaire », « qui contredit gravement l’engagement de la  Suisse pour une paix juste et durable au Proche-Orient ». La Suisse a  notamment été chargée de convoquer une conférence avec les Etats  signataires de la IVe Convention de Genève sur les mesures à prendre  pour l’appliquer dans les territoires palestiniens occupés.
Où en sont justement les relations diplomatiques entre  les deux pays ? Le Département fédéral des affaires étrangères les  qualifie aujourd’hui de « bonnes ». Peter Maurer, le secrétaire d’Etat  aux Affaires étrangères, vient de se rendre en Israël et dans les  territoires palestiniens, du 2 au 5 octobre, dans le cadre du dialogue  politique régulier que la Suisse et Israël mènent depuis 2004. « Les  entretiens se sont déroulés dans une atmosphère bonne et constructive »,  assure le porte-parole Adrian Sollberger.
Il n’en a pas toujours été ainsi. La visite de Micheline  Calmy-Rey en Iran en mars 2008 a été très mal perçue par les  Israéliens, en raison des appels réguliers à la destruction d’Israël  lancés par le président iranien, qui nie l’Holocauste. L’Etat hébreu a  par ailleurs vivement protesté lors de la venue de Mahmoud Ahmadinejad à  Genève en avril 2009, lorsqu’il avait été reçu par Hans-Rudolf Merz.  Israël avait même rappelé son ambassadeur durant quelques jours.
Le DFAE est par ailleurs régulièrement confronté à des  accusations de partialité. En avril dernier, une « note » du DFAE sur le  Proche-Orient avait provoqué des remous au sein de la Commission de  politique extérieure du National, quelques jours avant le voyage de cinq  parlementaires en Israël. Selon un extrait publié dans le  SonntagsBlick, la « note », jugée incomplète, précisait que  l’approfondissement de la coopération bilatérale est « parfois rendu  difficile par le fait qu’Israël ne s’en tient pas au respect du droit  international ». Une précision qui a choqué des députés de droite car  elle ne figurait pas pour d’autres pays, stigmatisant ainsi Israël.
Pour Martine Brunschwig Graf (PLR/GE), la Suisse a  souvent pris des positions « déséquilibrées ». « J’attends des progrès  dans les relations de confiance qui devraient régner entre la Suisse et  l’Etat d’Israël », commente-t-elle aujourd’hui prudemment. Elle s’était  déjà étonnée au printemps 2008 qu’une résolution du Conseil des droits  de l’homme soutenue par la Suisse « ne porte aucune mention des attaques  palestiniennes en territoire israélien ». « Le lobby pro-israélien est  très puissant au sein du parlement… Le DFAE ne fait que rappeler  régulièrement la nécessité de respecter le droit international à tous  les acteurs internationaux, y compris Israël », souligne pour sa part  Carlo Sommaruga (PS/GE), pour qui la visite d’Ueli Maurer donne  « vraiment un mauvais signal ».
Autre exemple : le 13 juillet 2006, le DFAE publiait un  communiqué lié au conflit libanais qui condamnait les attaques du  Hezbollah, mais dont le titre ne visait que la « réaction  disproportionnée » d’Israël. Ce qui a une fois de plus irrité des  députés de droite. Micheline Calmy-Rey espérait ouvrir le débat sur la  collaboration militaire avec Israël. Elle a convoqué une séance  extraordinaire du Conseil fédéral, mais n’a pas obtenu le soutien espéré  de ses collègues pour ses propos fermes.
Sans surprise, Israël réitère aussi régulièrement sa  mauvaise humeur par rapport aux contacts informels que la Suisse mène  avec le Hamas. Adrian Sollberger rappelle à ce propos qu’un dialogue  avec tous les acteurs importants de la région est nécessaire, « donc  aussi avec le Hamas ». Et que « la Suisse utilise ses contacts également  dans le but d’appeler au respect du droit international et des libertés  civiles, notamment dans la bande de Gaza ».
 
 
