vendredi 3 septembre 2010

Les pourparlers de « paix » Netanyahu-Abbas ont déjà échoué

Palestine - 03-09-2010

Par Robert Bibeau > Robert.bibeau@sympatico.ca  
Nos prédictions
Le plus difficile, avec les prédictions, c’est de les soumettre à l’avance. Le 31 décembre 2009, en guise de vœux pour la nouvelle année, nous avions écrit la chose suivante : « La deuxième initiative de l’ex-Président Jimmy Carter que le Président Obama tentera de concrétiser en 2010 sera la « négociation » pour la création d'un bantoustan palestinien emmuré, dirigé par les collaborateurs du Fatah (dissimulés derrière l'OLP et l'Autorité palestinienne, au besoin), avec ou sans l'accord et la collaboration du Hamas, à eux de choisir. » (1) Jusqu’ici, nous n’avons pas fait d’erreur, mais ce que nous n’avions pas révélé, dans cette prédiction, ce sont les conditions permettant que cet oracle se réalise.






















B. Netanyahu, B. Obama, M. Abbas, 2 septembre 2010 à Washington
(Jason Reed - AFP)
Les conditions préalables
Nous exposons aujourd’hui les conditions qui auraient pu assurer la réussite de ce complot. La première condition pour la réussite de ce coup fourré, c’était que Mahmoud Abbas, le « Président de l’Autorité sans autorité », dont le mandat est échu depuis 18 mois, puisse se présenter comme un représentant crédible de la nation palestinienne, un porte-parole accrédité, prestigieux, adoubé par sa communauté ou, tout au moins, par une partie importante de sa communauté en Palestine occupée, dans les camps de réfugiés et parmi la diaspora. Pour cela, une ou deux rencontres avec Barak Obama n’auront pas suffit à le faire prendre pour un stratège intègre. Il aurait fallu qu’Abou Mazen, le combattant de l’ombre, puisse proclamer haut et fort ses exigences préalables à toute négociation fructueuse. Le scénario prévu indiquait que le président Obama devait appuyer fortement ces conditions préalables – strictement minimales –, comme l’arrêt de toutes constructions en territoire occupée comme l’exige les lois internationales, l’arrêt de toute colonisation en territoire occupé (comme l’exigent les lois de la guerre), l’arrêt de tout assassinat extrajudiciaire (comme l’exige le droit international), la levée du blocus génocidaire illégal et illégitime contre Gaza, l’arrêt des arrestations arbitraires de Palestiniens.
Le scénario de départ prévoyait que le Premier ministre Benjamin Netanyahu, d’abord récalcitrant, suspicieux et hâbleur, s’opposerait farouchement à ces préalables, puis, que, petit à petit, renfrogné, et feignant la mauvaise humeur, il ferait amende honorable et accepterait tout ou partie de ces demandes, suite aux pressions de plus en plus pressantes du Président américain.
Refus de Netanyahu de coopérer à la mise en scène
Rien n’y fit. Abou Mazen, le « farouche combattant de l’ombre », eut beau réduire ses exigences, oublier Gaza, faire semblant de ne pas voir les assassinats ciblés et le Mur d’annexion en construction, être aveugle aux démolitions qui n’ont jamais cessé en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ignorer le nettoyage ethnique des Bédouins chassés du Néguev, Barak Obama eu beau demander de moins en moins vertement l’arrêt des provocations israéliennes, le chef d’État israélien ne recula jamais de ses positions intransigeantes, rejeta tout préalable de l’occupé et présenta les conditions impératives de l’occupant, auxquels Mahmoud Abbas s’empressa de souscrire, comme en atteste sa déclaration de Washington visant à prouver que son sens de l'humour ne l'a pas encore abandonné : « Nous venons aux pourparlers avec le désir sincère de parvenir à un accord de paix entre les deux peuples qui protégera les intérêts de la sécurité nationale d'Israël, pour qui le plus important est la sécurité. » Les intérêts de la sécurité nationale des Palestiniens sont, et ont toujours été, sans importance et le bouffon Abbas d’en remettre une couche : « Il est maintenant temps pour les Palestiniens et les États arabes de saisir la main tendue d'Israël et d’essayer d’égaler l’engagement inébranlable de l'État juif pour la paix par des actions qui leur soient propres. » Qui dit mieux ?
Le dirigeant palestinien, que le scénario original devait rehausser, grandir, auréoler, ceindre de la couronne du dompteur de sionistes, se retrouve aujourd’hui plus ridiculisé et plus discrédité que jamais auparavant, si bien que sa signature ne vaudra plus rien du tout au bas de ce parchemin ridicule qu’il aura peut-être le courage ultime de ne pas signer avant de s’éclipser… Rien n’est moins certain pourtant, car l’emploi international qu’on lui fait miroiter est attaché à ce paraphe qui le disqualifiera et le déshonorera à jamais. Mais s’il signe, que vaudra cette signature ? Elle servira tout au plus d’argument de propagande à l’ennemi sioniste qui, exhibant ses « concessions historiques et ses grands sacrifices » à même la terre usurpée des Palestiniens, criera à l’incapacité de faire la paix sur le dos des Palestiniens, ces ingrats qui refusent la générosité sioniste qui leur remet 15 à 18 % de leurs terres ancestrales, évidemment livrées sans le sommet des collines, occupées par l’armée israélienne, sans zone côtière, sans le plateau continental où l’on trouve du gaz naturel, sans espace aérien souverain, sans la vallée du Jourdain, cette zone stratégique requise par l’armée d’occupation pour fermer la frontière Est du camp retranché israélien.
Obama démasqué
La deuxième condition pour que le plan Carter-Obama réussisse, à savoir que soit créé et accepté un bantoustan pour tous les Palestiniens (avec droit de retour uniquement dans ledit bantoustan), sur 15 à 18 % des terres de la Palestine du mandat britannique, exigeait que le président américain se pose en casseur de sionistes, qu’il brise les reins des réactionnaires du Likoud et des autres factions fondamentalistes religieuses qui forment la coalition théocratique au pouvoir à Tel-Aviv. Pour cela, un immense coup de barre aurait été nécessaire dans la politique américaine et dans les relations américano-israéliennes. Or entre décembre 2009 et août 2010, Obama n’a pas su opérer ce revirement, ce coup de force, qui lui aurait permis de piéger les Palestiniens et d’offrir au Peuple élu la Terre qui lui fut promise pour l’éternité par les scribouilleurs bibliques du Moyen-âge.
Le groupe de pression américain J-Street avait parfaitement compris la stratégie d’Obama : « J-Street affirme que ces négociations pourraient être la dernière occasion de sauver la solution à deux États. "La fenêtre d'opportunité pour le progrès est brève et la dernière. Nous croyons que l'avenir d'Israël en tant que foyer juif et démocratique, pour ne pas mentionner les intérêts vitaux des Américains dans la région, sont en jeu" », déclarait le vice-président pour la Politique et la Stratégie de J-Street. (2)
Faute d’avoir cassé du sioniste pour leur propre salut, Obama se retrouve aujourd’hui soupçonné de collusion avec l’une des parties présentes aux pourparlers de « paix ». La faction Netanyahu a su naviguer en eau trouble et, par son entêtement, elle a discrédité et son « partenaire » pour les négociations de « paix » et le maître de cérémonie protocolaire, et elle a rendu inopérante la mystification qui voulait présenter le Président Obama en Ponce Pilate de cette crucifixion du peuple palestinien (3).
Bref, quand bien même quelques éditorialistes occidentaux glousseraient et murmureraient leurs bons vœux de succès aux pourparlers de « paix » mort-nés, la coalition au pouvoir en Israël a parfaitement gâché la sauce et sauvé le peuple palestinien d’un autre accord inégal, d’un Oslo III, qu’il aurait rejeté de toute façon.
Pourquoi ce hara-kiri sioniste ? C’est que les intégristes religieux au pouvoir à Tel-Aviv pensent qu’ils peuvent faire d’autres conquêtes et imposer d’autres concessions territoriales aux Palestiniens. L’explication de ces nouvelles conquêtes territoriales se trouve consigné dans une vidéo de propagande diffusée par la télévision israélienne que nous avons présentée et analysée dans un éditorial précédent et que nous reproduisons ici :
http://www.youtube.com/watch?v=ytWmPqY8TE0 (4)
Que veulent les Palestiniens, quel doit être l’objectif des négociations ?
Pendant que l’alliance des belliqueux sionistes, des colons juifs réactionnaires, des fondamentalistes religieux et des intégristes hébreux exulte devant ce torpillage des « négociations », qu’elle considère comme une victoire, le peuple palestinien refait son unité sur les bases fondamentales dont il n’aurait jamais dû s’écarter, ni à Oslo, ni à Camp David, ni à Genève, non plus qu’à Washington.

Un récent sondage de l’Institut palestinien AMRAD révèle que 86 % des Palestiniens appuient la résistance armée, que 91 % réclament un seul État palestinien sur l’ensemble du territoire de la Palestine historique, du Jourdain à la Méditerranée, et que 94 % des Palestiniens souhaitent que l’ensemble de la ville de Jérusalem (partie orientale + partie occidentale) soit la capitale de leur État unifié et décolonisé (5). C’était la position de l’OLP lors de sa création en 1964 et ce devrait l’être encore aujourd’hui. Si l’OLP ne sait pas défendre ces droits fondamentaux inaliénables et comprendre les profonds désirs de la population palestinienne, une autre alliance politique saura représenter la volonté de liberté de ce peuple courageux.
Notes de lecture
(1) « L’année des plus grands dangers. Que 2010 soit une année de résistance. Salut a Gaza l’indomptable ». Nous avions écrit cela à propos du volte-face de l’ex-Président Jimmy Carter : « Certains dénoncent le soi-disant Mea Culpa de Jimmy Carter, qui déclare qu'il n'est pas opposé à l'État d'Israël mais qu'il souhaite simplement que cet État fasse des compromis et accepte l'édification d'un bantoustan palestinien emmuré par l'État israélien. Ces individus démontrent qu'ils n'ont rien compris à la position américaine et au rôle de l'entité sioniste intégrée à l'économie américaine. Ces individus n'ont rien compris au conflit qui oppose les deux factions de l'impérialisme américain à propos d'Israël (leur base militaire permanente au Proche-Orient). ».
(2) « Le but essentiel que les USA poursuivent à travers ces négociations est de faire croire qu’ils gèrent honnêtement le conflit israélo-palestinien. Mais maintenir ce faux-semblant est tout aussi important pour les alliés arabes de Washington, qui ont besoin de justifier publiquement leur collaboration aux projets agressifs des USA
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9315
(3)
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=14326&type=analyse&lesujet=Initiatives%20de%20Paix
(4) Pour une présentation et une analyse de cette vidéo de Hasbara israélienne, consulter notre éditorial du 24 août 2010. « Négocier ou ne pas négocier avec Israël ? ».
(5) http://www.youtube.com/watch?v=GI-1Rtk-_lM
« Sondage inquiétant à la veille des négociations : 86 % des Palestiniens sont favorables à un recours à la violence » (Guysen International News).
« Inquiétant sondage pour les Israéliens et affligeant pour les Palestiniens, à la veille de la reprise du dialogue direct. Selon une enquête de l'institut palestinien AWRAD (Arab World for Research & Development), réalisée entre le 8 et le 14 Août 2010, sur un échantillon de 3001 personnes résidant en Judée-Samarie et à Gaza 86% des Palestiniens sont favorables à un recours à la violence contre Israël. Pour 91%, la Palestine historique (foyer national palestinien), du Jourdain à la mer, est essentielle ou souhaitable. 94% d’entre eux estiment que Jérusalem toute entière (aussi bien la partie ouest que la partie orientale) doit faire partie de la Palestine. Pour les Palestiniens, les cinq points essentiels à résoudre, pour aboutir à une solution définitive du conflit, sont, par ordre d'importance : l'établissement d'un Etat palestinien souverain et indépendant (91,7%), le statut de Jérusalem (91%), la sécurité pour l'Etat palestinien (86,2%), le droit de retour des réfugiés (83,2%) et les implantations juives en Judée-Samarie (81,3%). »