vendredi 3 septembre 2010

Le Hamas, l’IRA et nous

jeudi 2 septembre 2010 - 06h:50
Ali Abunimah
GEORGE J. MITCHELL, l’envoyé des USA au Moyen-Orient, a essayé de regonfler les maigres espoirs pour la reprise des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens en rappelant son expérience de médiateur en Irlande du Nord.
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George Mitchell, aujourd’hui envoyé spécial au Moyen-Orient (AP)
À une conférence de presse tenue le 20 août avec la secrétaire d’État Hillary Rodham Clinton pour annoncer les pourparlers qui commencent cette semaine, M. Mitchell a rappelé aux journalistes que pendant les difficiles négociations en Irlande du Nord « nous avons eu environ 700 jours d’échec et un jour de réussite » - à savoir le jour, en 1998, de la signature de l’accord de Belfast instituant un partage du pouvoir entre les unionistes pro britanniques et les nationalistes irlandais.
La comparaison de M. Mitchell est au mieux erronée. Le succès des entretiens irlandais n’a pas été uniquement une question de volonté et de durée ; elle est aussi attribuable à une approche diplomatique très différente de la part des USA.
Le conflit en Irlande du Nord est resté inextricable pendant des décennies. Des unionistes, appuyés par le gouvernement britannique, considéraient tout compromis politique avec les nationalistes irlandais comme un danger, le danger d’une Irlande unifiée dans laquelle la majorité catholique dominerait la minorité unioniste protestante. Le gouvernement britannique refusait aussi de traiter avec le parti nationaliste irlandais Sinn Fein en dépit de son important mandat électoral, à cause de ses liens étroits avec l’armée républicaine irlandaise qui avait commis des actions violentes au Royaume-Uni.
On peut voir un parallèle dans le refus des USA de parler avec le parti palestinien Hamas qui a gagné des élections décisives en Cisjordanie et à Gaza en 2006. Quand on lui a demandé quel rôle aurait le Hamas dans la reprise des entretiens, M. Mitchell a répondu d’un mot : « aucun ». Pas un analyste sérieux ne croira que la paix peut être conclue entre les Palestiniens et les Israéliens sans la participation du Hamas, pas plus que ce n’aurait été le cas en Irlande du Nord sans le Sinn Fein et l’IRA.
Les USA insistent pour que le Hamas remplisse des conditions préalables strictes avant de pouvoir prendre part aux négociations : reconnaître Israël, renoncer à la violence et respecter les accords antérieurement signés entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine dont le Hamas ne fait pas partie. Ce sont là des exigences impossibles. Pourquoi le Hamas - ou n’importe quel Palestinien - devrait-il accepter les exigences politiques israéliennes comme la reconnaissance de l’État d’Israël alors que celui-ci refuse de reconnaître les demandes fondamentales des Palestiniens comme celle du droit au retour des réfugiés ?
Quant à la violence, le Hamas n’a infligé aux civils israéliens qu’une fraction des dommages infligés par Israël aux civils palestiniens. Si la violence disqualifie le Hamas , celle bien plus féroce dont a fait preuve Israël ne devrait-elle pas le disqualifier ?
Ce n’est qu’en mettant fin aux conditions unilatérales que M. Mitchell a pu apporter la paix en Irlande du Nord. En 1994 par exemple, M. Mitchell - qui était alors sénateur démocrate de l’État du Maine - a pressé le président Bill Clinton, malgré les énergiques objections britanniques, d’accorder un visa US à Gerry Adams, dirigeant du Sinn Fein. M. Mitchell a écrit par la suite qu’il estimait que grâce au visa, M. Adams « pourrait persuader l’IRA de déclarer un cessez-le-feu et le Sinn Fein pourrait commencer des négociations politiques complètes ». En tant que médiateur, M. Mitchell a insisté pour qu’un cessez-le-feu s’applique à toutes les parties de façon égale, pas uniquement à l’IRA.
Le conflit irlandais et celui du Moyen-Orient occupent une place importante dans la politique intérieure des USA, et pourtant ceux-ci les ont traités de manière très différente. Les USA ont permis au lobby irlandais - étasunien d’aider à infléchir la politique vers le côté le plus faible : le gouvernement irlandais de Dublin et le Sinn Fein ainsi que les autres partis nationalistes du nord. Parfois, les USA ont exercé de fortes pressions sur le gouvernement britannique pour aplanir le terrain afin que les négociations puissent aboutir à un accord ralliant les suffrages. Par contre, le gouvernement US a laissé le lobby israélien faire pencher la balance du soutien US en faveur de la partie la plus forte des deux : Israël.
Cette disparité n’a pas manqué d’être relevée par ceux qui ont connu de première main les pourparlers irlandais. Dans une lettre adressée en 2009 au journal The Times, plusieurs négociateurs britanniques et irlandais ( notamment John Hume, qui a partagé le prix Nobel de la paix pour l’accord de Belfast) ont critiqué les exigences unilatérales imposées uniquement au Hamas. « Faire participer le Hamas » écrivaient les négociateurs « n’équivaut pas à approuver tacitement le terrorisme ou les attaques contre les civils. En fait c’est une condition préalable à la sécurité et à la négociation d’un accord réalisable ».
Que les entretiens de paix reprennent sans qu’il y ait d’engagement de la part des Israéliens de geler la construction de colonies est une autre victoire significative pour le lobby et le gouvernement israéliens. Israël peut ainsi se faire passer pour un artisan de la paix tout en ne changeant rien à ses opérations.
Quant à M. Mitchell, depuis qu’il a été nommé envoyé au Moyen-Orient, il a eu jusqu’ici près de 600 journées d’échec. Aussi longtemps que les USA maintiennent la même approche désespérante, il peut s’attendre à beaucoup d’autres journées de ce genre.
Ali Abunimah est l’auteur de “One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse.”
Par Ali Abunimah :
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Ali Abunimah
29 août 2010 - New York Times - Cet article peut être consulté ici :
http://www.nytimes.com/2010/08/29/o...
Traduction : Anne-Marie Goossens
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