mercredi 8 septembre 2010

Le long parcours des négociations directes

Le début était extrêmement pessimiste. Dès mon arrivée à l’aéroport dans la capitale américaine, j’ai rencontré mon ami, Saëb Erekat, président des affaires des négociations à l’OLP et ex-ministre de plusieurs portefeuilles pendant le mandat de Yasser Arafat.
Après les salutations, je me suis empressé de lui demander s’il était prêt pour le long marathon des négociations. La question était tout à fait justifiée, car Saëb Erekat a participé à la quasi-majorité des négociations israélo-palestiniennes. De plus, il est le seul à connaître tous les documents palestiniens. Il est reconnu pour son intégrité et son honnêteté. Il m’a surpris en répondant que les négociations ne seront pas longues du tout, car le 26 septembre prochain se terminera le délai du gel temporaire de la construction des colonies. Si le délai n’est pas prolongé, il n’y aura pas de négociations. « Nous insistons », a-t-il précisé. La réponse était tranchante et signifiait clairement que les négociations directes pour lesquelles se rencontrent des dirigeants et des présidents peuvent se terminer avant même de commencer.
La réponse m’a surpris bien que j’aie consulté pendant mon long voyage des articles publiés dans la presse internationale sur les négociations directes entre les Palestiniens et les Israéliens. J’ai remarqué le grand pessimisme qui y régnait. Et même quand j’ai eu l’occasion de rencontrer des responsables au Caire avant mon départ, rien n’indiquait l’optimisme dans leur discours. Au contraire, ils confirmaient que la partie israélienne n’a pas laissé de grandes chances de succès mais que le devoir impliquait de soutenir la partie palestinienne comme l’a toujours fait l’Egypte. En Palestine, les déclarations pessimistes n’ont pas seulement émané du Hamas ou d’autres parties rigoristes, mais aussi de parties modérées. C’est ainsi que le secrétaire général de l’initiative nationale, Marwane Al-Barghouti, a déclaré que les négociations directes entre les Palestiniens et les Israéliens ne mèneraient pas à de bons résultats. Même des sources du ministère iranien des Affaires étrangères ont parlé de fortes éventualités d’échec. Cependant, les nombreux rounds de négociations autour du conflit arabo-israélien ont toujours été entourés de ce pessimisme. En effet, il émane de l’immense capacité du conflit de se prolonger malgré le changement des époques et des régimes internationaux et régionaux pendant plus de 100 ans.
La longue voie des négociations, qui a commencé avant la conférence de Madrid en 1991, puis les négociations d’Oslo pour arriver aux pourparlers de Camp David II et aux ententes de Clinton en décembre 2000 et enfin le document de Taba en janvier 2001, a brisé de nombreux tabous que l’on croyait intouchables.
Il est fort étrange que ce pessimisme règne également parmi les citoyens palestiniens et israéliens qui approuvent quand même la voie des négociations et la recherche d’un règlement.
En arrivant à la Maison Blanche, nous avons entendu le discours du président Obama, entouré de la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, et de l’émissaire du prédisent américain pour les négociations du Moyen-Orient, George Mitchell. Celui-ci a déterminé l’objectif des négociations comme étant la libération des terres occupées pendant la guerre de juin 1967. Ce qui représente la demande de la partie arabe. Ceci engendrera la création d’un Etat palestinien démocratique voisin à l’Etat israélien. Ce qui représente la demande de la partie israélienne. Le discours était équilibré dans son ensemble. Cependant, il a mis en doute la fidélité arabe en disant que certains insistent sur la nécessité de créer un Etat palestinien sans pour autant être disposés à présenter quoi que ce soit pour cet objectif.
Nous nous sommes ensuite dirigés vers la salle et les délégations ont commencé à y entrer. D’abord la délégation palestinienne, puis l’israélienne, suivie par la jordanienne et enfin l’égyptienne accompagnée de George Mitchell, Hillary Clinton et Tony Blair représentant le Quartette. Puis ont fait leur entrée les présidents Obama, Moubarak, Abou-Mazen et le roi Abdallah II. Chacun d’eux a prononcé un discours au cours duquel il a déterminé le cadre général de leurs demandes en prémices des premières réunions prévues pour le lendemain. Le discours égyptien a pour sa part été clair et tranchant en précisant que la partie égyptienne était là pour soutenir les Palestiniens.
Ces négociateurs possèdent des crédits sur lesquels ils peuvent compter. Premièrement, elles reposent sur un patrimoine de réussite représenté par deux traités de paix : égyptien et jordanien. Deuxièmement, il s’agit du changement radical de la position américaine. Alors que l’administration de Bush jugeait le conflit arabo-israélien insolvable, la position de l’administration d’Obama n’est pas seulement l’opposée, elle voit dans le conflit une menace à la sécurité nationale américaine. Troisièmement, la série des négociations précédentes mène à ce qu’on appelle la solution des deux Etats. Quatrièmement, il existe une initiative arabe approuvée par la Ligue arabe qui a consacré un comité des pays arabes pour son suivi. Cinquièmement, la région connaît de nombreux foyers de pression qui sont liés au destin du conflit arabo-israélien. Et enfin, tout le monde a réalisé que l’alternative du succès de la bataille diplomatique signifiera davantage de violence et mènera même au déclenchement de la guerre.
Mais la politique ne connaît pas seulement les crédits. Elle connaît aussi les fardeaux dont le premier est représenté par la division palestinienne. En effet, le négociateur ne peut se battre sur le front israélien alors qu’il est poignardé dans le dos par les opérations militaires contre les Israéliens. Des opérations que Netanyahu a utilisées avec éloquence dans son discours inaugural devant les caméras en déclarant que ce dernier incident ne s’adressait pas aux colons mais qu’une femme enceinte et une mère de 6 enfants ont trouvé la mort. Le deuxième est représenté par le fait qu’Israël possède un ministère fort extrémiste et rigoriste dans la politique israélienne, dont les membres ont refusé les présents pas de paix sous prétexte qu’ils ont mené à l’augmentation des menaces contre Israël et non le contraire. Le troisième qu’il n’y a pas de temps pour réaliser la réussite. En effet, l’opposition des deux parties s’est empressée d’empoisonner l’atmosphère des négociations, que ce soit en faisant pression sur les colonies du côté israélien ou en lançant des actes de violence palestiniens qui portent à la fin préjudice à la sécurité nationale et aux intérêts palestiniens. Le quatrième est que la partie israélienne a conféré un caractère historique et non pas stratégique aux négociations en parlant de la nature de l’Etat et de son acceptation. Le cinquième est que les leaders des deux côtés souffrent de leurs positions précaires. Cependant, ceci peut représenter un motif pour créer une réalisation dans les négociations surtout que le président américain a lui aussi grand besoin d’une réalisation historique avant les prochaines présidentielles. Le dernier est que toutes les questions sont épineuses et que les fossés sont énormes entre les positions des deux parties.
Enfin, est-ce que ces négociations pourront réaliser des résultats positifs loin des vagues d’optimisme et de pessimisme ? La réponse est oui.
Abdel-Moneim Saïd
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