mercredi 8 septembre 2010

Ça passe ou ça casse

Après un début mi-figue, mi-raisin à Washington, une rencontre est prévue les 14 et 15 septembre à Charm Al-Cheikh, en Egypte. Il sera un test fondamental. Etat des lieux.
Lors du dialogue qui a eu lieu entre le président Hosni Moubarak et le chef de l’exécutif américain Barack Obama à la Maison Blanche avant l’ouverture de la nouvelle phase des négociations directes entre Palestiniens et Israéliens, le chef de l’Etat égyptien a transmis un message direct, à savoir que c’est l’engagement américain d’agir pour réaliser du progrès qui l’a poussé à participer à ce sommet. Et c’est le contraire de ce qui s’est passé à Annapolis il y a trois ans. Les Américains, de leur côté, relèvent la contribution égyptienne à la relance du nouveau processus. Une réunion jeudi dernier au Département d’Etat américain s’est focalisée sur l’encouragement des Palestiniens sous la direction du président Mahmoud Abbass à reprendre les négociations là où elles s’étaient arrêtées il y a deux ans. Il s’agissait aussi d’encourager les Palestiniens à faire preuve du maximum de souplesse dans leur façon de traiter avec le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu.
En dépit du pessimisme qui a prévalu avant cette réunion, les sources diplomatiques américaines ont fait état de l’importance de tirer profit de l’expérience égyptienne dans les négociations avec Israël qui s’étend sur une période de plus de 30 ans. Ce que d’autres administrations américaines n’ont pas fait, et à titre d’exemple celle du président Bill Clinton lors des négociations de Camp David II en 1999. La diplomatie égyptienne non invitée n’a pu donc contribuer à réduire le fossé entre les deux parties.
Quoi qu’il en soit, ce sont Charm Al-Cheikh, la ville jordanienne d’Aqaba et Jérusalem qui vont jouer à présent le rôle principal, du moins un rôle très important dans le suivi des négociations bilatérales entre Abbass et Netanyahu. De quoi confirmer l’importance de l’expérience arabe, celle de l’Egypte et de la Jordanie notamment, en matière de négociations. Ceci d’autant plus que, comme l’a affirmé le président Obama, cette chance qui se présente actuellement serait la dernière.
Et c’est à Charm Al-Cheikh, les 14 et 15 septembre, que se tiendra la deuxième journée de ce processus qui a débuté à Washington. En dépit de cette initiative, les dirigeants arabes mettent en avant la nécessité d’une extrême méfiance quant à ces négociations. C’est ce que relève de manière évidente la déclaration du principal négociateur palestinien Saëb Erakat selon laquelle « il est prématuré de parler d’un optimisme palestinien ».
Quoi qu’il en soit, c’est une sorte de flou qui règne. Les médias américains dans l’ensemble sont plus optimistes. Ils trouvent des signes encourageants dans le langage du dialogue entre Abbass et Netanyahu à la Maison Blanche et au Département d’Etat. Cela a reflété une forme de souplesse de la part des deux parties. Et pour la comparaison avec d’autres exemples, ils remontent à bien loin, la réunion à la Maison Blanche entre Arafat et le premier ministre israélien Ytzhak Rabin il y a 17 ans. Arafat ne souhaitait guère serrer la main à Rabin au vu et au su de tout le monde et devant le président Clinton. Cette fois-ci, la poignée de main a eu lieu. Des gestes symboliques. Ont-ils une signification, face à d’éventuelles difficultés dans le prochain round ?
La question des colonies
Le New York Times a publié un article du président Moubarak qui a confirmé que l’acceptation par les Arabes de toute solution est basée sur la nécessité d’arrêter la colonisation de manière totale, l’établissement d’un Etat palestinien sur les territoires de juin 1967 sans la moindre présence militaire israélienne et le déploiement de forces internationales ou de l’Otan. Celles-ci auraient pour tâche de faire le suivi d’une application de l’exécution des accords de sécurité suite à l’accord final. Sur le plan politique, il s’agit de s’attacher à l’initiative de paix arabe comme base d’un règlement global et d’une normalisation avec Israël. Un des points forts de l’article, c’est le fait que Jérusalem deviendrait la capitale des deux Etats dans le cadre d’un accord final.
Le porte-parole présidentiel, Soliman Awad, a, lui, tenté de minimiser l’obstacle que constitue la colonisation dans la mesure où dans le cadre d’un règlement final, il sera automatiquement question d’établir un statut de Jérusalem-Est et des colonies. Celles qui seront à l’intérieur des frontières de l’Etat palestinien seront considérées comme illégales. Cela dit, pour les Palestiniens à l’heure actuelle, il faut tester le sérieux du premier ministre israélien quant à poursuivre les négociations par la fin de ses discours sur un nouveau cadre des pourparlers, par la formation de comités spécialisés. C’est une perte de temps, soulignent à juste titre les Palestiniens. Il faut reprendre les négociations au point où elles se sont arrêtées en 2008. Et le test, sans doute principal, est celui de prolonger le moratoire du gel des colonies qui se terminera le 26 septembre. A cet égard, Netanyahu doit convaincre les partis religieux extrémistes qui font partie de la coalition au pouvoir d’accepter une formule souple à cet égard. Entre autres, autoriser la construction dans les grands blocs de colonies situées dans les régions qui seraient à l’avenir dans la partie israélienne dans le cadre d’un échange des territoires. Ce qui est prévu dans le cadre d’une solution basée sur la création de deux Etats.
Les radicaux israéliens et autres
La diplomatie américaine œuvre à cet égard avec celle israélienne à mettre au point des conceptions concernant le gel des colonies dans le cadre de réunions continues à Washington et Tel-Aviv. Ce qui est craint du côté américain, c’est qu’un gel des colonies aboutisse à l’effondrement du gouvernement de Netanyahu, mettant en échec les négociations. C’est ce que soulignent les éléments radicaux en Israël et le lobby pro-israélien en Amérique. Ces derniers avancent un autre argument contraire, celui de la division entre Palestiniens, d’autant plus que le Hamas s’est engagé à mettre en échec les négociations. Mais les plus optimistes à Washington donnent pour exemple les réalisations du gouvernement de Soliman Fayad à Ramallah, sur lesquelles il faut rapidement investir. La situation sécuritaire s’est améliorée de manière qui n’a pas été précédée. Le nombre d’attaques en Israël à partir de la Cisjordanie a beaucoup baissé.
Sur ce point précis, le président Moubarak a souligné dans l’article du New York Times que l’Egypte est disposée à intervenir pour résoudre les questions en rapport avec Gaza et le blocus imposé au Hamas par Israël par les négociations. Du côté pratique, les sources politiques égyptiennes soulignent l’existence de grandes difficultés dans les négociations avec le Hamas. Le point de vue de ce mouvement est qu’il n’est pas nécessaire de négocier avec Israël, que le conflit peut durer des dizaines d’années et que le facteur temps est dans l’intérêt des Palestiniens. Et si Israël veut parvenir à un règlement, c’est pour éviter le problème démographique qui constituera un véritable traquenard pour lui.
Le point de vue égyptien s’oppose à ce genre d’analyse. Le porte-parole Awad, dans une conférence de presse à Washington, a critiqué les organisations palestiniennes établies à Damas et financées par Téhéran pour saboter les négociations à travers des opérations militaires. De quoi imbriquer l’Iran et son dossier nucléaire, principal alibi israélien, dans la chose.
Les deux principales semaines constitueront ainsi l’une des phases les plus importantes de la question palestinienne. Un échec, au cas d’une reprise de la colonisation, aura pour l’Amérique des conséquences graves face aux ambitions iraniennes.
Ezzat Ibrahim