Hamid Barrada
OPINION :
La force, rien que la force, tel est le credo d’[Israël]   depuis la guerre de Gaza (fin 2008-début 2009). Et si un problème ne  se règle pas par la force, il suffit d’utiliser plus de force pour en  venir à bout.
On savait tout sur la  flottille Liberté pour Gaza avant qu’elle soit arraisonnée par un  commando israélien, le 31 mai, intervention qui a entraîné neuf morts et  l’indignation du monde entier. Diligentés par des ONG pacifistes et  transportant 10 000 t de produits destinés à la population palestinienne  soumise à un blocus depuis près de trois ans, les six bateaux avaient  appareillé à partir de la Turquie, qui s’était assurée que l’opération  serait rigoureusement pacifique. Tout cela, les Israéliens ne pouvaient  l’ignorer. Et si l’opération Free Gaza était un piège, ils sont tombés  dedans à pieds joints et les yeux grands ouverts. Pourquoi  ?
Quelques semaines après le drame, la question  essentielle reste posée. Les explications avancées mènent en fin de  compte à une seule, qui a la force de l’évidence. Le gouvernement  israélien avait opté pour un traitement militaire en en assumant toutes  les conséquences. C’était même l’occasion, pour lui, d’une démonstration  de force supplémentaire. La force, rien que la force, tel est le credo  de l’État hébreu depuis la guerre de Gaza (fin 2008-début 2009). Et si  un problème ne se règle pas par la force, il suffit d’utiliser plus de  force pour en venir à bout.
Les Israéliens sont d’autant plus confortés dans leurs  certitudes qu’ils bénéficient de la compréhension constante de ce que  l’on appelle la communauté internationale. La meilleure illustration en  est précisément Gaza. Avec, outre l’opération Plomb durci, dont le bilan  se passe de tout commentaire – 1 400 morts palestiniens et 13  israéliens –, le blocus imposé à un million et demi de Palestiniens qui  ont mal voté (pour le Hamas). Parfaitement illégal, injuste, inhumain,  sadiquement cruel et mesquin (interdiction d’un shampoing ou d’une  épice…), il dure dans l’indifférence générale.
Or, la flottille de la liberté a créé une nouvelle  donne. Désormais, il y a un avant- et un après-31 mai 2010. L’abordage  israélien a choqué partout et l’habituelle invocation de la légitime  défense ne marche plus. Du coup, Gaza et la Palestine ne sont plus des  affaires arabes ou musulmanes, elles intéressent tout le monde. Ce qui  met à mal l’arrogance israélienne.
L’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche n’est pas  étrangère à ce retournement de l’opinion. En optant pour une politique  équilibrée à l’endroit du monde arabo-musulman et, dans la foulée, pour  la recherche sérieuse d’un règlement du conflit du Moyen-Orient, il a  mis à découvert les véritables intentions d’Israël, qui n’ont rien à  voir avec la paix. En exigeant en vain l’arrêt de la colonisation, il  aurait commis une erreur tactique. Peut-être. En tout cas, il a mis au  jour le véritable problème  : le refus d’Israël de la paix.
Les Israéliens ne veulent pas la paix mais les  territoires. Lesquels  ? Un voleur est pragmatique, il convoite tout le  butin et prend ce qu’il peut. Les Israéliens n’ont pas à se plaindre,  ils ont beaucoup pris et personne – ONU, Quartet, États-Unis… – n’a  réussi à modérer leur appétit. Mais, là encore, la situation a changé.  Le 31 mai, avec Free Gaza, une nouvelle arme a fait son apparition  : le  pacifisme. Efficacité redoutable, usage facile et légitime, à la portée  de tous, Scandinaves, Maghrébins, Turcs et Australiens, il mobilise des  anonymes et des Prix Nobel. Sa fabrication est aisée  : on affrète des  bateaux (les mécènes devraient se bousculer dans le Golfe), on réunit  militants et produits, et on prend le large. Enfin, ce qui ne gâche  rien, il est d’emblée très médiatique.
Naguère, un certain Che Guevara avait appelé à  multiplier les Vietnam. Le mot d’ordre révolutionnaire aujourd’hui  :  « Un, deux, trois Free Gaza. »
 
 
