Lamis Andoni - Al Jazeera
          Alors que la plupart des dirigeants israéliens sont réticents à  l’idée de lever le blocus de Gaza, Avigdor Lieberman, ministre  d’extrême-droite des affaires étrangères, préconise de placer le  territoire sous surveillance internationale, écrit Lamis Adoni.         

Verra-t-on un jour prochain des soldats européens prendre la place de ce soldat israélien ?
Cette proposition, récemment révélée à la presse  israélienne, ne consiste pas à libérer Gaza mais plutôt à placer ce  territoire sous contrôle européen, aussi bien maritime que terrestre  [mais pas aérien ?... N.d.T] avec un plan de reconstruction.
Si ce plan est mis en application, il séparera de  manière permanente la bande de Gaza de la Cisjordanie, transformant  cette petite bande de terre en un ghetto supervisé au niveau  international - avec pour objectif d’assurer la sécurité israélienne et  de contrôler la population palestinienne.
L’isolement de Gaza éloignerait encore plus la  perspective d’un état palestinien contigu, comme n’importe quelle forme  équitable de coexistence entre Palestiniens et Israéliens. Ce plan  séparerait également les familles réparties entre Gaza et la  Cisjordanie, créant une fracture permanente dans la société  palestinienne et approfondissant le sentiment de morcellement.
Le Hamas devrait alors mener un projet de développement sans liens signicatifs avec le reste du peuple palestinien.
Le fardeau de Gaza
La proposition de Lieberman est à rapprocher des appels  lancés par son parti, Yisrael Beituna, pour l’expulsion de la minorité  arabe [palestinienne] d’Israël ainsi des Palestiniens vivant en  Cisjordanie et à Jérusalem-est, car cette proposition obéit à la même  vision d’un état exclusivement juif et d’une élimination des droits  nationaux et des aspirations du peuple palestinien.
Car tel que ce présente ce plan, il ne peut être  entièrement écarté, non seulement parce que Yisrael Beituna est un  associé dans le gouvernement en place, disposant de 15 sièges sur les  120 de la Knesset, mais également parce que les dirigeants israéliens  ont déjà entrepris d’isoler Gaza et sa population.
Tandis qu’Israël n’a jamais dérogé à son principe d’une  occupation directe de la Cisjordanie, et cherché à en annexer des  parties entières, en revanche beaucoup de dirigeants israéliens  considèrent - et ont traité - la bande de Gaza comme un fardeau.
En Israël, la Cisjordanie et Jérusalem sont présentés et  perçus comme composants de l’espace historique israélien, beaucoup  d’Israéliens nommant la Cisjordanie par les noms bibliques de Judée et  Samarie. Les dirigeants israéliens ont toujours souhaité conclure un  traité avec les Palestiniens concernant la Cisjordanie et Jérusalem - en  partie pour légitimer l’annexation de Jérusalem-est et de régions  entières de la Cisjordanie.
Mais Gaza présente un cauchemar démographique pour  Israël. En tant qu’une des zones les plus peuplées au monde - environ  1,6 million d’habitantsdans 360 kilomètres carrés [ce qui fait environ  4500 habitants au kilomètre carré...] - il est presque impossible pour  Israël de transfèrer suffisament de colons dans la bande de gaza pour y  assurer une majorité juive.
En 1992, pendant la première Intifada, Yitzhak Rabin, le  défunt premier ministre israélien, a exprimé son souhait que Gaza  « disparaisse dans la mer ». Un an après, convaincu qu’Israël ne  pourrait pas continuer à contrôler la population palestinienne, il a  signé les Accords d’Oslo avec Yasser Arafat, le défunt chef de  l’Organisation de Libération de la Palestine [OLP].
Mais Ariel Sharon, l’ancien premier ministre israélien  qui demeure toujours [depuis 5 ans] dans un état végétatif après une  attaque cérébrale en 2006, a trouvé la manière de faire de Gaza, fardeau  israélien, un problème palestinien. En 2005, il a ordonné un retrait  unilatéral des troupes israéliennes en même temps que l’évacuation de  7000 colons juifs de la bande de Gaza, mais sans rien lâcher du contrôle  israélien sur les passages terrestres, maritimes et aériens de la bande  de Gaza.
Aggraver la fracture
L’ancien général, qui ne croyait pas à la nécessité de  discuter avec les Palestiniens, n’a rien coordonné avec l’autorité  palestinienne [PA)], élargissant de ce fait avec succès la crevasse qui  existait déjà entre le Hamas et le Fatah.
Le Hamas, que cinq mois plus tôt avait remporté les  élections parlementaires, a présenté la « libération » de la bande de  Gaza comme « une victoire pour la résistance armée », « son succès »  avec la libération de Gaza contrastant avec « l’échec » des négociations  du Fatah avec Israël.
Mais Gaza est de fait restée sous occupation  israélienne, permettant à Israël d’imposer un blocus complet par mer et  par terre durant les trois dernières années et réduisant encore plus les  liens entre le territoire assiégé et la Cisjordanie.
Israël ne serait peut-être pas parvenu à ses fins sans  le concours des Palestiniens : tandis qu’Israël alimentait en  combustible la division, le Hamas et le Fatah ont tristement échoué à  sauvegarder l’unité nationale.
La prise de contrôle de Gaza en 2007 par le Hamas et par  les armes - motivée en partie par sa crainte que le Fatah ne cherche à  l’éliminer avec l’aide des Etats-Unis - a effectivement transformé la  Cisjordanie et la bande de Gaza en deux entités séparées avec différents  gouvernements.
Dans le cadre du plan de Lieberman, ce contexte pourrait  bien être l’accomplissement de ce que Sharon a commencé et de ce que  les divisions palestiniennes ont contribué à renforcer : une séparation  physique et politique de la bande de Gaza par rapport au reste de la  Palestine.
Protectorat européen
La proposition de Lieberman inclut plusieurs éléments  qui pris ensemble ou séparément représentent une menace grave pour les  Palestiniens comme pour la cause de la paix.
Le plan propose qu’Israël boucle définitivement et  totalement sa frontière avec Gaza et laisse le soin à l’Union européenne  [UE] de contrôler les éventuels navires transportant des armes depuis  Chypre ou la Grèce vers Gaza. Il réclame également qu’une force  militaire européenne soit postée à la frontière entre Israël-Gaza, et  une aide militaire européenne pour empêcher la contrebande d’armes.
Il réclame aussi que l’UE finance la construction d’une  nouvelle centrale électrique, d’une usine de dessalement de l’eau de mer  et d’une usine de retraitement des eaux usées pour en finir avec la  dépendance de Gaza par rapport à Israël pour ce qui est de l’électricité  et de l’eau [Israël craint également qu’à court ou à moyen terme la  pollution générale confinée pour l’instant dans le territoire assiégé ne  finisse par déborder sur son propre territoire - N.d.T].
La communauté internationale, selon les prévisions, sera  requise pour soutenir la construction d’habitations pour les habitants  de Gaza, vraisemblablement les maisons détruites par Israël pendant sa  guerre contre la bande de Gaza durant l’hiver 2008-2009.
Ainsi, tandis que Gaza pourrait, sous ce plan, devenir  un peu moins pauvre, le territoire serait principalement transformé en  protectorat européen et placé sous le contrôle militaire et financier  d’un corps de surveillance européen qui garantirait aux Israéliens que  leurs « besoins en sécurité » sont satisfaits tout en maintenant les  Gazans en cage dans leur petite bande de terre [l’exemple de Srebrenica  montre bien qu’une protection militaire européenne serait un leurre, et  qu’Israël aurait tout loisir à tout moment - et sans craindre la  moindre mesure de rétorsion - d’envahir la bande de Gaza pour y  commettre ses massacres dans le cadre « d’expéditions punitives ».  Soyons certains que les troupes européennes se contenteront alors au  mieux de compter les points, voir collaboreront à leur manière comme le  fait la FINUL au Liban - N.d.T]
Briser la volonté palestinienne
Cette proposition limite non seulement la perspective  d’un état palestinien, mais elle est également conçue pour briser la  volonté du peuple palestinien, réduisant celui-ci en une population  préoccupée par les besoins immédiats de la vie aux dépens de ses  libertés et aspirations.
Tandis qu’il pourrait fournir une trompeuse sensation de  paix et de calme aux Israéliens à court terme, et soumettre  temporairement la population de Gaza, ce plan obstruera définitivement  les chances d’un règlement pour une paix viable et sur le long terme, et  aboutira à déclencher des hostilités à la fois dans la bande de Gaza et  en Cisjordanie.
Les habitants de Gaza seraient peut-être les témoins  d’une amélioration de leur situation économique, mais ce sera au prix de  leurs libertés et de leurs aspirations, lesquelles ne peuvent pas être  satisfaites uniquement par un relatif bien-être. Les Gazans font partie  d’une nation bien plus large, et n’importe quelle tentative de nier ce  fait ne fera que radicaliser encore plus les Palestiniens.
La proposition peut être utile à Lieberman et à ses  plans racistes, dans le cadre desquels les Palestiniens sont considérés  non pas comme des personnes disposant de droits et ayant des aspirations  nationales, mais comme des obstacles devant être mis de côté, ou mieux  toujours, supprimés. Mais cette proposition rendrait de manière  permanente les Palestiniens dépendants de la pitié des autres et  affecterait de façon irréversible n’importe quelle perspectective de  paix.
Mais les Palestiniens ne sont ni naïfs ni sans moyens,  et il ne dépend que d’eux de rétablir la réconciliation nationale  palestinienne qui rendrait insignifiantes de tels projets.
* Lamis Andoni est un analyste et un commentateur des affaires du Moyen-Orient et de la Palestine.
1° août 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://english.aljazeera.net/focus/...Traduction de l’anglais : Naguib
 
 
