lundi 3 mai 2010

Netanyahu n’est pas l’obstacle à la paix, c’est Israël

publié le dimanche 2 mai 2010
Hasan Abu Nimah
 
"Ce n’est pas Netanyahu qui a bloqué tout progrès. Sa façon de coller à sa fonction a jusqu’à présent été plus représentative de la politique d’Israël que celle de bien d’autres dirigeants israéliens qui firent preuve de souplesse mais qui agissaient comme lui."
L’envoyé spécial des Etats-Unis au Moyen-Orient, George Mitchell, était dans la région la semaine dernière. Ses visites ne suscitent plus guère d’intérêts ni de spéculations sur ce qu’il peut apporter avec lui pour sortir de l’impasse. La plupart des parties concernées savent bien maintenant qu’il n’a pas grand-chose dans ses valises.
Il est venu quand même, parce que tout ce qui reste au « processus de paix » périclitant qui est défendu par les USA, c’est de réessayer les mêmes vieilles choses dans l’espoir que ce qui a raté hier puisse d’un coup produire des résultats différents aujourd’hui. Mais à part déplacer des mots et tenter d’inventer de nouvelles formules pour sauver la face, les résultats, eux, sont toujours les mêmes.
Malgré l’intense campagne du lobby US pro-israélien pour pousser à la confrontation et à la guerre avec l’Iran, et faire porter sur les prétendues « conditions préalables » demandées par les Palestiniens la responsabilité de l’impasse, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, continue d’être considéré comme le premier responsable, celui qui fait obstruction aux efforts américains et internationaux pour négocier un accord de paix. Netanyahu a rejeté toutes les propositions états-uniennes visant à permettre au dirigeant du Fatah, Mahmoud Abbas, de reprendre les pourparlers, et de permettre en outre aux Etats arabes de rendre la pareille en prenant de nouvelles mesures de normalisation avec l’Etat juif.
Résultat, Netanyahu est considéré comme un rejectionniste qui s’obstine même quand les conditions proposées sont très favorables à son pays ; enveloppées qu’elles étaient pourtant dans une série d’affirmations encourageantes tels que le soutien indéfectible des Etats-Unis, leur engagement sans réserve pour la sécurité d’Israël, et une alliance stratégique indestructible entre les deux pays. Ce qui correspondait en outre à une promesse déguisée de consolidation de tous les gains accumulés par Israël par la guerre.
La présumée justesse de cette réflexion conduit à une supposition fausse : que la voie vers un règlement pacifique aurait finalement été ouverte si seulement Netanyahu avait accepté l’arrêt des constructions dans les colonies, même pour un temps limité (l’accord de Netanyahu pour un gel de 10 mois n’a pas été pris au sérieux car non seulement il excluait Jérusalem, avec d’autres exceptions également importantes, mais le gel était compensé par de nouveaux projets de construction, énormes, dans et autour de la Jérusalem occupée).
Mais, supposons que Netanyahu ait donné son accord dès le début pour l’arrêt de toute construction coloniale dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem, et qu’il ait été d’accord également pour bloquer toute expansion dans les colonies existantes, malgré la « croissance naturelle », juste comme le Président des USA, Barack Obama, et sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, le lui avaient demandé initialement. Supposons également que Netanyahu se soit engagé pour la « solution à deux Etats » et qu’il ait délégué une équipe israélienne pour mener la reprise des négociations avec les Palestiniens. A ce stade, la « communauté internationale » serait devenue complètement euphorique, les Etats arabes auraient enchaîné avec une confiance généreuse et des mesures normalisation, Netanyahu aurait été loué comme un dirigeant courageux et un homme de paix, et les théories auraient abondé, montrant comment les décisions audacieuses pour la paix ne pouvaient être prises que par des dirigeants de droite radicaux, et non par des modérés (rappelez-vous, Begin et Sharon).
Mais quand les deux côtés auraient finalement été engagés dans les négociations, sous le patronage des Américains, du Quartet, des Européens et des nations, il se serait produit un retour rapide à la case départ. Israël n’aurait rien proposé aux Palestiniens et n’aurait pas permis aux négociations d’avancer d’un pouce. Les négociateurs israéliens auraient exigé des concessions palestiniennes, pour répondre à leurs « sacrifices douloureux ». Ils auraient fait valoir devant les Palestiniens des exigences prohibitives et une fois qu’elles auraient été acceptées, il y aurait eu d’autres exigences. Et s’ils avaient laissé se poursuivre les négociations jusqu’à ce stade, cela aurait été sans qu’il n’ait été fait la moindre allusion aux attentes des Palestiniens. Il y aurait eu, comme nous en avons toujours fait l’expérience, des pourparlers interminables dans leurs propres intérêts israéliens et, évidemment, en gagnant toujours du temps.
Les Israéliens auraient exigé que les Palestiniens cessent leur « incitation » - processus sans fin dont on a jamais pu juger du résultat ; ils auraient exigé que les Palestiniens reconnaissent Israël en tant qu’ « Etat juif », que l’infrastructure du « terrorisme » palestinien soit démantelée et que les armes aux mains des Palestiniens soient rendues. Les Israéliens auraient également demandé que les Palestiniens renoncent au droit au retour, acceptent Jérusalem comme capitale éternelle unifiée de l’Etat juif, acceptent un Etat de leur part qui n’ait aucune des caractéristiques d’un Etat sauf le nom, et qu’ils abandonnent toute prétention au retrait des colonies construites sur la terre palestinienne comme des faits établis irréversibles, sans parler des avant-postes illégaux et des combines pour des échanges de territoires.
Toutes ces exigences, et plus encore, auraient été réaffirmées avant même tout début réel des pourparlers. Le côté israélien n’acceptant aucune objection qui prétendrait que de telles demandes constituent des conditions préalables. Au contraire, il aurait insisté en disant que ce sont des préalables essentiels pour les négociations, de peur que les intérêts vitaux de la sécurité israélienne ne soient compromis.
A en juger par l’expérience non ambiguë des 43 années d’efforts à faire la paix – des négociations commencées avec l’ambassadeur Gunnar Jarring en 1967, pas seulement avec Madrid en 1991 –, il serait téméraire de s’attendre à un moindre progrès en négociant un accord pacifique avec Israël – je le répète, avec Israël, pas Netanyahu – si les conditions d’un tel accord, quel qu’il soit, se heurtent au projet sioniste pour la Palestine et ses environs immédiats.
Ce n’est pas Netanyahu qui a bloqué tout progrès. Sa façon de coller à sa fonction a jusqu’à présent été plus représentative de la politique d’Israël que celle de bien d’autres dirigeants israéliens qui firent preuve de souplesse mais qui agissaient comme lui.
En Israël, il n’y a ni modérés, ni extrémistes ; il y a des extrémistes plutôt abrupts, agressifs, arrogants et obstinés d’un côté, et des extrémistes beaux parleurs, fugaces, imperceptibles et trompeurs, de l’autre. La seule différence, c’est le style. L’arrogance de Netanyahu a dissimulé des difficultés sur la route vers la paix bien plus graves que la maigre mesure du gel de la colonisation.
Netanyahu aurait pu engager des négociations sans crainte d’avancer vers des résultats indésirables ; il se serait assuré des exigences israéliennes prohibitives habituelles. Simplement, il n’a pas eu envie de s’engager dans un gel de la colonisation pour des raisons idéologiques aussi bien que pratiques. Il a prétendu que les Palestiniens avaient négocié pendant des années pendant que les constructions dans les colonies se poursuivaient. Il ne voulait pas qu’il en soit autrement.
L’Autorité palestinienne a effectivement négocié avec Yitzhak Rabin, Netanyahu, Shimon Pères, Ehud Barak, Ariel Sharon et Ehud Olmert, pendant des années, sans y gagner quoi que ce soit. En réalité, c’était en y perdant, peu à peu, pendant qu’Israël créait sans cesse des faits irréversibles sur le terrain.
Aussi arrogant, agressif et désagréable que puisse être Netanyahu, ce n’est pas lui l’obstacle à la paix. C’est Israël lui-même qui est l’obstacle à la paix.
Source : The Jordan Times, 28 avril 2010 : http://www.jordantimes.com/?news=26...
traduction : JPP pour l’AFPS