lundi 3 mai 2010

Jouer à la paix pour viser l’Iran


Palestine - 02-05-2010
Par Khaled Amayreh 
Prête à tout pour réaliser des progrès de quelque nature que ce soit sur le volet israélo-palestinien, l'administration Obama exerce des pressions, et même de l’intimidation, sur la faible et vulnérable Autorité palestinienne pour qu’elle accepte, du moins en principe, une proposition israélienne qui verrait la création d’un « Etat » palestinien sur quelques 60% de la Cisjordanie. Toutefois, une entité telle que celle proposée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors de récentes rencontres avec des responsables américains, serait dépourvue de tout semblant de souveraineté et n’aurait aucun contrôle sur ses frontières, qui ne seraient de toutes façons que temporaires et étroitement contrôlées par Israël.


Obama : "Pour ce qui est de couillonner le monde avec les mêmes vieux trucs éventés, nous sommes les meilleurs"
Sur le ventre du lapin : Iran, Irak (barré), WMD (Armes de destruction massive) (Carlos Latuff, traduit par Marcel Charbonnier)

Israël aurait assuré à l'administration américaine que des négociations sur le sort des 40 pour cent restants des territoires occupés, dont Jérusalem-Est et les terres situées à l'ouest du mur d'apartheid, permettraient la création d'un mini-Etat palestinien viable.
La direction palestinienne à Ramallah, complètement désespérée et confuse quant à la meilleure approche à adopter, craint qu’Israël ne soit simplement en train d’essayer de tromper les Palestiniens (et les Américains) pour qu’ils acceptent un vague arrangement qui finirait par permettre à Israël de s'arroger jusqu'à la moitié de la Cisjordanie sous couvert d'un processus de paix cumulatif et d’un Etat palestinien.
Pour sa part, le représentant de l'administration Obama, George Mitchell, a tenu plusieurs rounds de discussions peu concluantes avec les dirigeants israéliens et palestiniens. Il semble vouloir à tout prix réaliser quelque chose qui aiderait à isoler l'Iran et aussi améliorerait les chances du Parti démocratique aux prochaines élections du Congrès en Novembre.
Les responsables de l'administration font valoir que la résolution du conflit israélo-palestinien est d'une importance capitale pour les intérêts américains car elle affecte la position stratégique mondiale des Etats-Unis.
Toutefois, ces déclarations sont interprétées par de nombreux experts comme faisant partie de la posture de l’administration pour résister à la pression croissante des groupes pro-israéliens, dont le Congrès.
Un Congrès réputé être un autre « territoire occupé par Israël » et qui s’acharne à saper les efforts du Président Obama pour obtenir d’Israël ce qui est largement considéré comme la condition sine qua non d’un processus de paix réussi, et indispensable à la conclusion d’un accord de paix final : le gel de l’expansion coloniale en Cisjordanie et à Jérusalem Est.
Une expression de la confusion et du désespoir d’Abbas a resurgi cette semaine quand il a reconnu avoir demandé aux Etats-Unis d’ « imposer une solution aux deux côtés. » Cette admission est très révélatrice car elle présume qu’Abbas croit qu’une solution imposée par l’Amérique serait quelque peu équitable.
S'exprimant à Ramallah avant une réunion du Conseil révolutionnaire du Fatah, Abbas a déclaré : « Nous avons demandé plus d'une fois à l'administration américaine d'imposer une solution. »

Abbas a dit qu'il refuserait la création d'un Etat palestinien aux frontières provisoires. « Les Palestiniens ont été invités à accepter un Etat aux frontières temporaires sur 40 ou 50 pour cent de la Cisjordanie et ensuite ils [les Israéliens] nous disent "nous verrons après." »
Pendant ce temps, un Premier ministre palestinien Salam Fayyad euphorique continue de promettre aux Palestiniens que l'Etat serait créé à cette époque l'année prochaine, avec ou sans l’accord d’Israël.
Lors d'une conférence intitulée « Le présent et l'avenir de Jérusalem » à Université Al-Quds à Abu Dis, le 26 avril, Fayyad a déclaré qu’un Etat palestinien était déjà une réalité de facto et que la communauté internationale en viendrait bientôt à la conclusion qu’une reconnaissance officielle de cette réalité était inéluctable.
« Sans un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967, il ne peut y avoir ni stabilité ni sécurité dans cette région. La création d'un Etat palestinien est non seulement dans l’intérêt des Palestiniens, mais est également dans l’intérêt des Israéliens et du monde, » a dit à des responsables de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et à un groupe d'intellectuels et d'universitaires palestiniens présents à la conférence.
Cependant, quelques heures plus tard, M. Abbas a été cité disant que l'Autorité palestinienne ne proclamerait pas la constitution d’un Etat palestinien sans le consentement d'Israël. « Nous nous en tenons aux accords. Nous ne déclarerons pas un Etat palestinien unilatéralement. »
Le dirigeant palestinien, qui a été interviewé par la télévision israélienne Channel-10, a dit qu'il tendait une main pacifique au peuple israélien, précisant qu'il était prêt à travailler avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Il a également ajouté qu'il était disposé à revenir à la table des négociations le mois prochain, disant qu'il espérait obtenir l'approbation de la ligue arabe pour les pourparlers de proximité proposés.
Néanmoins, il est peu vraisemblable qu’Abbas obtienne l'approbation de la ligue arabe pour des pourparlers rapides mais pratiquement sans conditions avec le gouvernement Netanyahou, pour la simple raison que de telles discussions ont déjà été tentées par le passé ad nauseam, en vain.
Abbas avait juré qu’il ne reprendrait pas les pourparlers avec Israël tant que l'Etat juif ne gèlerait pas l'expansion des colonies à Jérusalem-Est occupée et dans le reste de la Cisjordanie.
Selon des sources arabes à Damas et au Caire, l'organe des 22 Etats, qui se bat pour surmonter une image notoire d'antan d'incompétence et pour en reconstruire une plus positive, s'opposera à toute reprise inconditionnelle des négociations avec Israël en l'absence de garanties sur l'arrêt de l'expansion des colonies juives en Cisjordanie, y compris à Jérusalem.
Le Comité d’inspection de la Ligue, qui est chargé du suivi de l'Initiative de paix arabe, doit se réunir la semaine prochaine pour voter sur la proposition.
En dépit des affirmations répétées de refus d’un Etat aux frontières temporaires, la direction palestinienne à Ramallah est toujours réticente à dire clairement ‘non’ aux Américains, calculant que l'administration Obama représente une rare opportunité qu’il ne faut ni gâcher ni manquer, et qu'il serait politiquement inopportun pour la cause palestinienne globale de rejeter purement et simplement les dernières propositions américaines.
Il est probable que ce soit dans ce contexte qu’Abbas a demandé à l'administration Obama d'imposer une solution aux deux bords.
Nombreux sont ceux qui sont profondément convaincus que le gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahou ne fait que tergiverser et manœuvrer l'administration Obama et la direction de l'AP.
Un officiel de l'AP présent à la conférence à l’université al-Quds a décrit les discussions de Mitchell avec l’Autorité palestinienne à Ramallah comme « la répétition fastidieuse des mêmes vieilles platitudes sur la beauté de la paix et la nécessité de relancer les pourparlers. »
« Les Américains, incapables ou réticents à faire pression sur Israël, tentent de faire pression sur nous, compte tenu du fait que nous sommes la partie la plus faible. Ils pensent que la clé pour isoler l'Iran dans la crise actuelle avec l'Occident réside dans de profondes concessions palestiniennes vis-à-vis d’Israël sur les questions cardinales telles que Jérusalem et les réfugiés. Et je vais vous dire quelque chose. Même si tous les Etats arabes disent ‘oui’ à ces concessions, nous, la mère de l'enfant, dirons ‘non’ parce que c'est notre terre, notre avenir. »
Le fonctionnaire, qui a demandé que son nom ne soit pas mentionné, a ajouté que l'essentiel de la direction de l'AP était pleinement conscient des « ruses, tromperies, mensonges et manœuvres dilatoires de Netanyahu. »
« Netanyahu veut gagner plus de temps pour créer plus de faits irréversibles à Jérusalem et dans le reste de la Cisjordanie, et les Américains en sont venus à penser que nous sommes simplement obsédés par le symbole de l'Etat, même au détriment de la perte de Jérusalem et d’un tiers de la Cisjordanie, en plus du droit au retour des réfugiés. Eh bien, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'ils rêvent s'ils pensent que nous allons céder à leurs desseins et à leurs vœux pieux. »
Inutile de dire que le scepticisme des officiels palestiniens est plus que justifiée. Netanyahu, tout en racontant à Mitchell et à la secrétaire d'Etat Hillary Clinton qu'il était disposé à mener des « discussions franches et honnêtes » sur toutes les questions fondamentales, a dit à des colons, à des dirigeants et aux partenaires de sa propre coalition qu’en aucun cas Israël ne laisserait un morceau quel qu’il soit de Jérusalem aux Palestiniens et que les colonies à l’ouest et à l’est du mur d’annexion continueraient à se développer, indépendamment du processus de paix avec les Palestiniens.
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=13787&type=analyse&lesujet=Collabos