Daniel Vanhove 
          Malgré la pléthore de fonctionnaires et gratte-papiers surpayés  qui grouillent dans les dédales des institutions européennes,  Mme Catherine Ashton ne découvrirait-elle que maintenant l’étendu de la  colonisation israélienne en Palestine ? interroge Daniel Vanhove.         
          
Ploutocrates européens en compagnie du  criminel de guerre Olmert, à Sharm el Sheikh, juste après l’offensive  meurtrière israélienne sur la bande de Gaza en décembre 2008 et janvier  2009. Congratulations réciproques et larges sourires, voir franches  rigolades ont ponctué ce sommet qui était le comble de l’abjection et de  la capitulation.
Ainsi donc, nous apprend Le Monde en ligne de ce samedi  13 mars, la Vice-présidente de la Commission européenne et Haut  représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de  sécurité - excusez du peu ! - Mme Catherine Ashton, baronne britannique  sortie d’on ne sait quel chapeau de l’un des pays les plus  eurosceptiques de l’Union et toujours bien aligné sur la politique  guerrière de l’empire US, se dit «  très préoccupée »  par l’annonce du ministère israélien de l’intérieur d’un projet de  construction de 1.600 nouveaux logements dans un quartier de  Jérusalem-Est... À la lecture de cette contrariante information, l’on  ose à peine imaginer la tête de celle qu’un simple  sourire transforme  déjà en grimace ! Ainsi, malgré la pléthore de fonctionnaires et  gratte-papiers surpayés qui grouillent dans les dédales des institutions  européennes, découvrirait-elle soudain l’arbre qui cache la forêt ? Il  serait opportun dès lors, de la documenter sans tarder sur les projets  sionistes en question et de lui conseiller la lecture - à  la source, comme on dit - du journal de gauche israélien Haaretz  faisant état de projets  totalisant 50.000 nouveaux logements dans la partie Est de  Jérusalem dans les prochaines années, pour une population estimée à  200.000 nouveaux colons !...
Dans la foulée, la présidence tournante de l’UE - vous  savez, ce carrousel pour grands enfants nantis  qu’il convient ainsi de  ne pas froisser - assurée pour l’instant par l’Espagne, s’est même « montrée inquiète » de la chose ! Si,si... le ministre  espagnol des affaires étrangères Miguel Angel Moratinos allant jusqu’à  déclarer que « ...si nous attendons encore deux ans, il  sera trop tard, parce qu’il n’y aura plus de territoires à négocier... »  Perspicace, n’est-ce pas ?!
Après ces annonces musclées, nous, citoyens démocrates  européens, ne pouvons qu’être admiratifs de nos élites... C’est vrai,  après de telles déclarations, nous pouvons enfin nous sentir fiers et  constater à quel point nos multiples et innombrables représentants  politiques ont pris toute la mesure et l’étendue du problème. Et nous  pouvons finalement dormir sur nos deux oreilles, sachant que dorénavant  nos éminences vont agir, puisqu’elles se disent «   préoccupées »... C’est dire si l’Etat hébreu peut bien trembler sur  ses bases désormais, devant tant d’unanimité et de détermination  européennes !
Cependant, une question me taraude et n’a de cesse de  m’encombrer l’esprit : si après plus de soixante deux ans d’injustice  flagrante faite au peuple palestinien, la toute fraîche représentante de  la diplomatie européenne ne semble être que «   préoccupée » par la situation, ne faudra-t-il pas encore bien des  années et de nombreux éléments à charge de la politique coloniale  d’Israël pour que l’Europe passe du registre de la  « préoccupation »  à celui des sanctions, comme il en est question  pour tout autre État  violant de manière si flagrante, le Droit international et humanitaire  depuis des décennies ? Cherchez l’erreur...
Pour preuve du grand cas que fait Israël de ces discours  vains et creux d’une diplomatie européenne aussi disparate et encombrée  qu’inutile, la réaction dès le lendemain dimanche du 1er Ministre  israélien Netanyahu « ‘minimisant » déjà la récente polémique à propos  de ces 1.600 nouveaux logements, fort sans doute de la dernière  déclaration renouvelée de l’administration américaine par  l’intermédiaire de son Vice-président Joe Biden lui-même à « l’engagement total, absolu et sans réserve à la  sécurité d’Israël ». Ce qui devrait quelque peu «  préoccuper » la chère baronne et ses gens, après cette  autre déclaration émanant du professeur israélien Martin Van Karfeld,  spécialiste en histoire militaire, lors d’une interview diffusée sur la  7è chaîne sioniste au cours de laquelle il a dit : « Israël se verra obligé de détruire le continent  européen, au cas où il est menacé d’effondrement total.. »... Et  alors, quoi !? Dans un tel scénario, bien moins improbable que les  exécrables fictions dont nous abreuve le cinéma hollywoodien,  l’engagement dont parle le Vice-président Biden irait vers qui : le  minuscule Etat d’Israël ou l’Europe ? Quand il est dit dans ce monde  décidément malade, que la réalité dépasse la fiction, je laisse à chacun  le soin d’imaginer la suite...
Dans tous les cas, si j’étais au gouvernement israélien,  je me dirais qu’il reste encore un certain laps de temps pour  poursuivre la politique de colonisation menée actuellement, et qu’à  l’horizon des deux années déjà concédées par M. Moratinos, il sera  toujours de temps d’évaluer en quels termes  l’Europe passera du stade  de la «  préoccupation »... à celui probable et déjà  prévisible de la « vive inquiétude », ou quelque  chose dans le genre selon la terminologie aseptisée et émasculée de tout  ce beau monde virevoltant dans un univers de plus en plus éloigné des  réalités de terrain. Au fond, dans cet incommode et contrariant dossier  palestinien, « tout va très bien, Madame la baronne,  tout va très bien, tout vaa trèès bien... » ! Et il ne faut pas être  devin que pour pronostiquer que votre visite de ces prochains jours  dans la région, ne changera rien à l’affaire, étant entendu qu’il  s’agit, in fine, de populations arabes, fort éloignées sans doute de vos  critères communautaires de rehaussement des statuts que seules méritent  nos identités européennes ou apparentées...
Plus sérieusement, dans cette hypocrisie et cette  lâcheté totales de nos instances, que vous y ajoutiez votre grain de sel  ou non, une chose semble claire : que l’État d’Israël profite bien de  ces quelques années qu’il lui reste encore pour apprécier la quiétude et  l’impunité dans lesquelles il baigne... parce que les événements se  retourneront bientôt contre lui. Le temps dont il est persuadé qu’il  joue en sa faveur dans sa guerre «  inachevée » pour  la « reconquête » de son territoire, finira par  l’engloutir de la même manière qu’il est occupé à engloutir lentement  mais sûrement les USA malgré leur toute puissance affichée et déployée  un peu partout sur la planète... Il suffit de prendre le recul  historique suffisant pour voir combien de fois cette thèse s’est  vérifiée, quelle que soit la puissance en place. Ne pas (vouloir) le  voir et ne pas en tenir compte  conduit inévitablement à prendre des  initiatives erronées. Et ne peut qu’entraîner un peu plus vite, à une  irrémédiable chute...
Ploutocratie : système de domination  très concentré, reposant sur l’argent et un fort immobilisme.
* Daniel Vanhove est  Observateur civil et membre du Mouvement Citoyen Palestine
                14 mars 2010 - Communiqué par l’auteur