mercredi 17 mars 2010

Le Hamas, 4 ans après sa victoire électorale

Palestine - 17-03-2010
Par Ahmad Yousef

Ahmed Yousef et vice-ministre des affaires étrangères et ancien conseiller politique du Premier ministre palestinien Ismail Haniyeh. 
Janvier 2010 marque le quatrième anniversaire du Hamas au gouvernement après sa victoire aux élections parlementaires de 2006 et la formation de son gouvernement en mars de la même année. Autre particularité de cette année : elle marque la quatrième année de la transition réussie du Hamas en parti politique, en dépit des procès et tribulations rencontrées et imposées par certains membres de la communauté internationale qui ont tenté de le renverser et de contrecarrer la démocratie palestinienne.
Le Hamas avait l’ambition de mettre en œuvre sa Plateforme de Changement et Réforme, une plateforme qui demandait la fin de la corruption gouvernementale, la transparence et la participation au gouvernement de tous les partis politiques.
Il faut le rappeler, beaucoup des candidats inscrits sur les listes de la plateforme Changement et Réforme, tant au niveau local que national, étaient des Palestiniens de tous horizons qui avaient des points de vue et des affiliations politiques diverses. Les résultats de l’élection de 2006 furent vraiment un signal et un phare de l’exigence palestinienne de changements et de réformes de gouvernance et des politiques du passé. L’appel à des changements et des réformes fut entravé par l’ingérence extérieure dans les affaires internes qui a conduit à la dispersion des projets réformateurs du Hamas, culminant dans des différends bilatéraux avec les opposants politiques, en particulier le mouvement Fateh.
Les gens pragmatiques, rationnels et sages du mouvement ont essayé de résoudre les défis consécutifs aux élections. Par exemple, le docteur Azeez Dweik, président du Conseil législatif palestinien (CLP), a proposé un Programme de Réforme nationale. Le programme conduisait à un programme d’Accord national. Alors que nous tentions d’appliquer l’Accord national, des disputes politiques et des conflits armés ont forcé la direction à se détourner de la réforme intérieure. En conséquence, la situation sur le terrain devint plus chaotique dans les mains de l’appareil de sécurité préventive et les flammes du chaos furent alimentées par l’aide et l’interférence de certains gouvernements occidentaux, à savoir les Etats-Unis.
Les Etats-Unis avaient appelé à des élections palestiniennes démocratiques. Pourtant, lorsque le bloc Changement et Réforme du Hamas a remporté la victoire, ces appels du gouvernement US à la démocratie palestinienne se turent et des sanctions économiques furent imposées. Le peuple palestinien a été puni, économiquement et militairement, pour avoir exercé son droit et avoir participé au processus démocratique vénéré par l’Occident. Le comportement de l’administration US ne fut pas sans rappeler ses initiatives politiques passées suite aux élections de partis politiques nord-africains et d’Amériques Centrale et du Sud qu’elle n’appréciait pas. Ce type de comportement n’est pas seulement antidémocratique, il contrevient aux droits consacrés par la Charte des Nations Unies qui appelle au respect et à la non ingérence dans les affaires intérieures des autres.
L’ingérence dans les affaires internes palestiniennes et l’aide au renversement du gouvernement Hamas ont eu lieu au nom de la soi-disant « Guerre contre le terrorisme. » La Guerre contre le terrorisme a servi de prétexte à l’élimination d’un parti politique jugé non conforme aux intérêts des Etats-Unis, c’est-à-dire au soutien d’« Israël. » Cette politique fut de plus amplifiée par une collusion régionale et les attaques israéliennes quotidiennes en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.
En dépit des pressions imposées de l’extérieur, le Hamas, au nom de l’intérêt national palestinien, a ouvert la porte à la formation d’un gouvernement d’Unité nationale basé sur l’Accord de La Mecque. Le but de l’Accord de La Mecque était de mettre un terme aux ingérences extérieures et de donner aux Palestiniens une chance de bâtir leur propre système politique démocratique fondé sur la participation, la transparence et les libertés qui font partie intégrante de la Déclaration des Droits de l’Homme des Nations Unies.
Dans le gouvernement d’Unité nationale, un programme politique commun fut présenté et accepté tant par le Hamas que le Fatah. Ce programme donnait au Président Abbas mandat pour négocier avec Israël ; les résultats de ces négociations seraient discutés et approuvés par le peuple palestinien et, enfin, le droit du peuple palestinien à résister à l’occupation, reconnu par le droit international, aussi longtemps qu’Israël continuerait à occuper nos terres en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, était confirmé.
Malheureusement, le gouvernement d’Unité nationale n’a pas duré plus de trois mois et, pendant ce laps de temps, les poursuites contre les membres du Hamas ont augmenté. Le chaos sur le terrain a conduit à ce qui est appelé la Prise de pouvoir militaire de juin 2007. Les partis politiques palestiniens ont fait de nombreuses erreurs pendant cette période, des erreurs qui ne devraient pas empêcher et n’empêcheront pas la réunification et la réconciliation palestiniennes.
Le Hamas a essayé de briser l’isolement politique qui lui était imposé, ainsi que sur les Palestiniens, en allant en Europe présenter notre point de vue et nos positions. Il a continué de discuter avec la « communauté internationale » par des canaux directs et indirects pour tenter de restaurer la démocratie palestinienne et parvenir à l’unité nationale. La division entre la Cisjordanie et la Gaza ne peut perdurer, car nous sommes frères et sœurs maintenant et dans l’avenir. Nous, Palestiniens, avec l’aide de nos frères et sœurs du monde entier, nous vaincrons.
La Bande de Gaza : stabilisation de la sécurité et accalmie
La Bande de Gaza n’a pas connu de situation de calme et de sécurité depuis la création de l’Autorité palestinienne en 1994. La sécurité et le calme ont cependant été instaurés après les événements de juillet 2007. Tous les visiteurs dans la Bande de Gaza ont été témoins de cette situation – il n’y a plus de présence militaire dans la rue, on constate une absence de chaos et de désordre et, finalement, la primauté de la loi et l’ordre, dans le respect de tous, prévalent.
Les efforts de réconciliation, des efforts sans fin
Après juin 2007, la division entre les deux principaux partis, le Fatah et le Hamas, s’est aggravée. Nombre de pays ont essayé d’intervenir pour la réconciliation, mais le fossé demeure profond. Ces interventions extérieures ont été contrecarrées par le soutien implicite et continu des Etats-Unis à Israël. Entre temps, le Général Dayton a poursuivi la mise en œuvre de sa vision sécuritaire en Cisjordanie, une vision en harmonie avec celle d’Israël.
Le document égyptien pour mettre fin à la division palestinienne
Depuis plus d’un an, l’Egypte a tenté de réduire le fossé entre le Fateh et le Hamas. Cet effort a réussi à atténuer les différends et à pousser chaque bord vers la réconciliation avec une vision agréée par tous les partis, et pas seulement le Fatah et le Hamas.
L’atmosphère était propice à la signature de l’accord lors d’une cérémonie organisée au Caire à la fin octobre 2009. Cependant, les suites du report du vote sur le rapport Goldstone, suite à une demande présentée par le Président Abu Mazen, ont engendré un état de confusion politique et d’accusations qui ont aggravé les relations entre les deux partis. A cause du tollé qui s’en est suivi et qui a directement touché le Président Abu Mazen, l’Autorité nationale palestinienne a demandé que le rapport soit représenté à la discussion et au vote devant l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Le Caire a adressé le document mettant fin à la division palestinienne tant au Fatah qu’au Hamas, pour signature. La signature était censée avoir lieu sans objection, de manière à ce que la réconciliation entre dans sa deuxième phase. Celle-ci concerne l’application des conditions stipulées dans le document : former le Comité national suprême, organiser de nouvelles élections, activer l’OLP, réformer les appareils sécuritaires et parvenir à une réconciliation interne.
Le Fatah a signé le document égyptien, tandis que le Hamas a hésité, demandant des clarifications sur certains points du document. De plus, on pensait que l’Egypte prendrait l’initiative d’inviter les parties à une session finale, ou du moins demanderait à toutes les factions à mettre la touche finale au document. Malheureusement, le Caire a poussé à la signature du document et a affirmé que les commentaires et les réserves émis par le Hamas et les autres factions politiques palestiniennes seraient pris en considération pendant la phase de mise en œuvre directe de réconciliation sur le terrain.
La situation a entraîné un arrêt complet de tout dialogue et des efforts pour parvenir à la réconciliation et à l’unité palestinienne. Nous avons tous commis des erreurs et leur nature et leur gravité varient. Malgré cela, nous vaincrons. Aujourd’hui, des initiatives arabes, libyennes et saoudiennes existent pour surmonter les obstacles qui entravent la signature du document égyptien pour la réconciliation nationale. Nous espérons que ces initiatives seront fructueuses lorsqu’elles seront présentées, pendant le sommet arabe à venir, le 27 mars à Tripoli.
Les défis qui nous attendent
Les Palestiniens font face à quatre principaux défis :
1) mettre fin à la fracture interne et ramener l’unité entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie,
2) lever le siège imposé à la Bande de Gaza,
3) mobiliser le soutien arabe, musulman et international aux Palestiniens,
4) mettre fin à l’occupation et établir un Etat palestinien libre, souverain et indépendant.
Conclusion
Il ne fait aucun doute que ces enjeux sont interconnectés et interdépendants. On ne peut en réaliser un sans les autres. J’espère que le travail de chacun d’entre nous, et ensemble, permettra d’arriver à la réconciliation, et à mettre fin à l’occupation israélienne, à la construction des colonies israéliennes et à l’expropriation des terres palestiniennes. Il est temps, pour tous les Palestiniens, les Arabes, les musulmans et les internationaux, de mettre de côté nos différences personnelles, factionnelles et politiques ; il est temps de ne faire qu’un, comme frères et sœurs, pour vaincre l’injustice et défendre les droits consacrés par le droit international et les droits de l’homme garantis à tous par Dieu. Pour reprendre les paroles de Martin Luther King, « nous vaincrons. »