Pour le gouvernement israélien, relancer la  colonisation juive à Jérusalem-Est est-il plus important, à l’heure de  la menace iranienne, que l’appui vital de l’allié américain ?
16.03.2010 |  Allouf Ben | Ha'Aretz
            Benyamin Nétanyahou (à gauche) et Joe Biden. Dessin de  Dave Brown paru dans The Independent, Londres.
              La crise qui couvait entre Israël et les Etats-Unis depuis le  retour au pouvoir, le 31 mars 2009, de Benyamin Nétanyahou a enfin  éclaté. Barack Obama ne s’est pas privé de dénoncer l’humiliation  infligée au vice-président Joe Biden lorsque Israël a annoncé la  construction de 1 600 nouveaux logements à Jérusalem-Est, au cours de ce  qui était censé être une visite d’amitié. Refusant les excuses  partielles de Nétanyahou, le président des Etats-Unis exige désormais  qu’il accomplisse des “actions spécifiques” pour prouver son  engagement dans les relations bilatérales et dans le processus de paix.
 Washington n’a révélé ni le contenu de l’ultimatum ni la liste des  exigences soumises au Premier ministre israélien. Y répondre risque  toutefois de menacer la coalition gouvernementale, car cela heurtera les  partis d’extrême droite, Israel Beiteinou [extrême droite russophone]  et le Shas [ultraorthodoxes séfarades], et jettera le trouble au sein de  son propre parti, le Likoud. Pour le chef du gouvernement, c’est  l’heure de vérité. Il va devoir choisir entre, d’une part, ses  convictions idéologiques et son alliance politique avec l’extrême  droite, et, d’autre part, l’indispensable appui américain. C’est un  choix difficile. S’il décide de geler, ou seulement de réduire les  projets de construction à Jérusalem-Est, sa coalition s’effondrera ;  s’il décide d’affronter l’administration américaine en espérant que ses  alliés au sein du Congrès et de la communauté juive américaine le  soutiendront au nom de leur engagement envers la “capitale éternelle du  peuple juif”, il compromettra la nécessaire coopération militaire entre  Israël et les Américains face à l’Iran. Nétanyahou sait que ce sont les  Etats-Unis qui fournissent le carburant et les pièces détachées  nécessaires à l’aviation israélienne, ainsi que les systèmes d’alerte  antimissiles. Il sait aussi que, face à la menace que représente l’Iran  de Mahmoud Ahmadinejad, Israël n’a pas d’autres alliés. L’administration Obama s’était abstenue d’exercer des pressions fermes  sur Nétanyahou, craignant que cela ne conduise à une crise politique en  Israël, à un schisme dans la société israélienne, voire à une mutinerie  au sein des forces armées. Ainsi, en novembre 2009, le gouvernement  Nétanyahou a convenu d’un gel temporaire de la colonisation de  peuplement, sauf à Jérusalem-Est. Cette fois, le Premier ministre a cru  qu’il pourrait survivre à la crise en présentant ses excuses à Joe Biden  pour le moment “malheureux” de l’annonce du plan de  construction, mais sans promettre que les unités de logements à Ramat  Shlomo ne seraient pas construies, ni que la politique d’implantation à  Jérusalem-Est allait s’infléchir.
 Ses adversaires au sein de l’administration Obama ont vu là une occasion  en or de donner à Nétanyahou une leçon d’honneur national. Joe Biden a  été humilié à Jérusalem, et l’Amérique nous a rendu la monnaie de notre  pièce : une conversation téléphonique longue et orageuse entre la  secrétaire d’Etat Hillary Clinton et Nétanyahou, une convocation de  l’ambassadeur d’Israël à Washington, une condamnation par le Quartette  et, enfin, lors d’interviews à CNN et à NBC, une réprimande publique et  sans appel adressée par Mme Clinton au Premier ministre. Pour être  certain que le gouvernement israélien ne puisse attribuer la mauvaise  humeur américaine à la seule Hillary Clinton, le président Obama aurait  lui-même décidé de la teneur du message à délivrer.
 Parlant de “l’insulte” faite aux Etats-Unis et du “coup  porté aux relations bilatérales”, Hillary Clinton a souligné  qu’elle ne comprenait pas comment une telle décision avait pu être prise  juste après que Joe Biden eut réitéré l’engagement des Etats-Unis en  faveur de la sécurité d’Israël. Plusieurs médias américains ont  interprété ces propos comme le signe que l’appui militaire de Washington  à Israël n’était pas inconditionnel. Enfin, rejetant l’argument de  Nétanyahou affirmant que le nouveau chantier de construction avait été  approuvé à son insu, Hillary Clinton lui a rappelé qu’en tant que  Premier ministre il était responsable des actes de son gouvernement.  Nétanyahou doit se rendre à Washington pour prendre la parole devant la  conférence de l’AIPAC [lobby pro-israélien], qui se déroule du 21 au  23 mars. Les responsables américains ont d’ores et déjà décidé de  limiter leurs contacts avec lui, sauf s’il se soumet à une partie de  leurs conditions. Si, toutefois, il devait annuler son voyage, cela  serait interprété comme la preuve du sérieux de la crise  américano-israélienne.