mercredi 10 mars 2010

Ashton engage une mission à haut risque à Gaza

publié le mardi 9 mars 2010
Jean-Jacques Mevel

 
La haute représentante de l’UE veut évaluer l’impact de l’aide européenne.
Catherine Ashton, confortée ce week-end par l’appui des ministres européens des Affaires étrangères, engage sa première mission à haut risque : une tournée au Proche-Orient qui culminera mi-mars avec une visite attendue à Gaza.
L’arrêt dans le bastion du Hamas, annoncé au bout d’un rendez-vous informel des Vingt-Sept à Cordoue, est doublement symbolique. Il montre la volonté de l’UE de reprendre la main sur un dossier sensible, au moment où les Américains patronnent des négociations indirectes entre Israéliens et Palestiniens. Il témoigne aussi du souci des Européens de faire taire leurs divergences pour mettre en avant celle qui est censée incarner une diplomatie cohérente : la haute représentante, plutôt malmenée durant ses cent premiers jours.
La volonté de voir « l’Union se muer en acteur »
« J’ai demandé à me rendre à Gaza » parce que « j’ai besoin de me faire une idée du problème et des questions que nous avons à résoudre », a indiqué samedi Catherine Ashton. La demande de feu vert visait moins les Vingt-Sept que les autorités israéliennes. L’État juif impose un blocus à la bande de Gaza depuis que le Hamas y est au pouvoir. Michael Martin, le chef de la diplomatie irlandaise, a pu s’y rendre récemment. Mais un groupe de députés européens s’est vu barrer la route en décembre. Rien ne garantit que la « ministre » européenne des Affaires étrangères s’évitera pareille désillusion.
Les pays de l’UE sont les principaux contributeurs d’aide aux Palestiniens. Pourtant, ils sont en panne de crédibilité, comme avec Israël d’ailleurs. Des progrès tangibles dans les pourparlers de paix passent par une réconciliation entre le Fatah et le Hamas. Les Européens souhaitent que les Palestiniens se rassemblent. Mais ils restent divisés sur les conditions d’entrée du Hamas dans un éventuel gouvernement unitaire.
Catherine Ashton doit se rendre en Égypte, en Jordanie et en Syrie à partir du 14 avril. Elle est attendue en Israël le 17 mars. La volonté de voir « l’UE se muer en acteur », comme le dit le ministre espagnol Miguel Angel Moratinos, se heurte, là aussi, à une bonne dose de défiance. Le gouvernement Nétanyahou n’a que modérément apprécié l’appel des Vingt-Sept à partager Jérusalem comme capitale conjointe des deux États, hébreu et palestinien.
L’affaire des passeports européens utilisés par les tueurs d’un cadre du Hamas à Dubaï et un récent appel franco-espagnol à une reconnaissance accélérée de l’État palestinien n’ont rien arrangé.
Beaucoup d’Israéliens refusent de voir dans l’Europe un partenaire poli­tique sérieux, à l’image des États-Unis. L’UE, elle, s’agace de voir Israël poursuivre peu ou prou sa colonisation et filtrer l’accès aux Territoires palestiniens. Elle lie la montée en puissance des relations bilatérales à un engagement ferme de Jérusalem en faveur du processus de paix.
Là encore, les nuances s’étalent au grand jour : aux défenseurs d’une ligne ferme, comme la Grèce, l’Irlande et la Belgique, s’opposent des partisans de la souplesse, comme les Pays-Bas, la République tchèque et plus récemment l’Italie.