vendredi 19 février 2010

Islamophobie : un éditorial salutaire dans le Nouvel Obs

Publié le 18-02-2010
A lire, ci-dessous, un coup de colère bien senti de Claude Weill, directeur délégué de la rédaction au Nouvel Observateur, suite à une énième campagne islamophobe, à propos du remplacement du bacon (à base de porc) par de la dinde, dans un fast-food de la région de Lille.

RESTAURATION Viande Halal chez Quick : "Le venin" NOUVELOBS.COM | 18.02.2010 | 18:17
Pour Claude Weill, la polémique lancée par le ministre de l’Agriculture n’est qu’un énième relent du débat sur l’identité nationale, où la désignation d’un "péril communautariste" cache un "prétendu péril arabo musulman".
Il est de bon ton de dire que le débat sur l’identité nationale a fait pschitt. Malheureusement, je ne le crois pas. Le mal est fait. Ce vaste défoulement collectif organisé sous l’égide du ministère de l’Immigration a produit son venin, qui ne cesse de diffuser au sein de la société française.
Toutes sortes de préjugés malsains, d’idées nauséabondes, de réflexes xénophobes qui jusqu’alors n’osaient pas s’afficher ouvertement (sauf dans la bouche de celui qui se vantait justement de "dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas") ont désormais droit de cité. Les tabous sont tombés. Les esprits se débondent. Les remugles remontent à la surface. Et ça pue !
Etait-ce le but recherché par les instigateurs du douteux débat sur l’identité ? C’est en tout cas le résultat.
En l‘espace de quelques semaines, nous avons eu droit successivement à l’importation en France du débat helvéto-helvétique, inspiré par l’extrême-droite suisse, sur la construction des minarets. Puis au grand psy-show national sur la "burqa" (mot choisi à dessein pour épouvanter les bonnes gens : la burqa, voile intégral grillagé d’origine afghane est à ma connaissance à peu près inconnu en France). Ensuite à un magnifique emballement politico-médiatique autour de la candidate NPA du Vaucluse, accompagné d’une ahurissante plainte en justice ( !) – comme si quelque texte que ce soit, dans l’abondante législation française, pouvait permettre de déchoir de ses droits de citoyenne une femme dont le seul délit est de couvrir ses cheveux d’un voile (en réalité, un foulard noué sur la nuque comme en portaient les femmes de la campagne dans mon enfance).
Et aujourd’hui, c’est le ponpon, voila que le ministre de l’agriculture dénonce – au nom des principes de la République, bien sûr ! – la décision de la chaîne Quick de retirer la viande de porc de quelques établissements. Comme s’il n’existait pas déjà des centaines de restaurants et d’épiceries halal ou casher. Comme si on ne trouvait pas des petits oratoires dans une foultitude de restos chinois ou indiens. Comme si la plupart des cantines de France ne servaient pas du poisson le vendredi, en souvenir de la mort du Christ.
En réalité, ce à quoi on assiste, sous couvert de défense de la République et de lutte contre le "péril communautariste" (nom de code pour désigner exclusivement le prétendu péril arabo-musulman, car le communautarisme chinois ou juif, tout le monde s’en fout, il est tout à fait accepté et même, à l’occasion, célébré), c’est tout simplement à la mise au ban de l’Islam de France. Et ce qui révulse le républicain laïc que je suis, c’est que cette sale besogne s’accomplit sous l’invocation des plus nobles idéaux. Ah, les Tartufes de la République ! Quelle surprise de voir certains leaders de la majorité jouer les hérauts de la laïcité pure et dure – souvent les mêmes qui mirent le peuple de droite dans la rue, en 1984, pour défendre l’enseignement confessionnel privé. Quel étonnement de les voir convertis en champions de la cause des femmes – eux qu’on n’a jamais connus très allants pour combattre les discriminations sexistes ou les violences faites aux femmes. Pas besoin d’avoir l’ouïe très fine pour entendre ce qui se cache sous tous ces grands mots : l’invocation des principes républicains n’est bien souvent que l’alibi de l’islamophobie. Et l’islamophobie, parfois, le camouflage sémantique d’un pur et simple racisme qui n’ose pas – pas encore ? – s’avouer. Ainsi que l’écrivait récemment mon maître et ami le professeur Alfred Grosser, amusez vous à remplacer "musulman" par "juif" dans tout ce qui se dit et s’écrit aujourd’hui sur l’Islam, et vous verrez quel effet cela produit… C. W.
Publié par CAPJPO-EuroPalestine