vendredi 19 février 2010

Cinq ans depuis l'assassinat d'Hariri : plus que jamais la piste du Mossad ?

Liban - 18-02-2010
Par Leila Mazboudi 
Cinq années après l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, non seulement les auteurs n'ont toujours pas été dévoilés, mais on doute de plus en plus qu'ils puissent l'être un jour. Plus que jamais, on se trouve loin de la vérité avec un grand V, exigée par les milliers de manifestants qui se rassemblent chaque année en ce 14 février pour l'exiger.


L'enquête menée par les Nations Unies a certes tourné à la mascarade, décrédibilisée entre autre par les changements de commissaires et de juges, par les versions contradictoires sur l'attentat lui-même, par les faux témoins qui se sont succédés, et par les arrestations arbitraires de hauts responsables sécuritaires libanais, suivis de libération faute de preuves contre eux. Sans compter les interventions médiatiques et politiques aux visées louches qui voulaient plus exploiter l'enquête que la faire avancer.
Après cinq années de déboires, il faut croire que la piste des enquêteurs onusiens pour chercher les assassins (celle de la Syrie), n'a plus aucune raison de tenir encore.
Opérationnellement, la Syrie semble être désinculpée. En témoigne le réchauffement de ses relations avec la "Communauté internationale", et surtout avec Riad, particulièrement lésée par l'assassinat de celui qu'elle considérait être son dauphin.
En revanche, pour approcher la réalité, on ne peut omettre cet acharnement à vouloir accuser la Syrie (et en parallèle à vouloir exclure la piste israélienne, soupçonnée par les forces de l'opposition libanaise).
Car il pose inéluctablement la question de savoir pour quelles raisons la Syrie qui disposait d'un feu vert américain a été soudainement bannie, au moment même où le Liban voyait un retour en force de l'interventionnisme américaine dans les affaires libanaises, après quelques vingt années d'éloignement, depuis les attentats perpétrés contre les forces et l'ambassade américaines dans ce pays. Signe supplémentaire que les Américains ne voyaient plus le rôle syrien au Liban d'un bon œil et se décidaient à prendre les choses en main.
Pour étayer les accusations contre la Syrie, c'est le contexte de crise ostensible entre Damas et l'ex-Premier ministre qui régnait alors sur fond de réélection du président de la république Émile Lahoud qui avait servi d'indice pour l'incriminer. Mais en poussant le contexte encore plus dans l'espace et dans le temps, on peut bien deviner que Hariri ne pouvait que gêner Israël. Beaucoup moins ostensible.
Temporellement, il faut revenir à la première victoire libanaise contre l'entité sioniste, amorcée par le retrait forcé et humiliant d'Israël du Liban en l'an 2000 après une occupation de près de 20 années. Ayant avorté les tentatives de soutirer aux Libanais des arrangements et des concessions similaires à ceux de l'Égypte et de la Jordanie, cet exploit libanais avait révélé au grand jour la présence d'un nouveau front de résistance contre l'entité sioniste dans la région, comptant entre autre l'Iran et le Liban (dans la majeure partie de ses factions), et aussi la Syrie.
Dans un cadre plus lié au conflit israélo-palestinien, il était surtout question d'un plan mis au point par l'ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon, et l'ancien président américain Georges Bush, pour clore le conflit en question, aux dépens des Palestiniens bien entendu et des résolutions onusiennes aussi. Toute forme de résistance devant être éradiquée. Tout comme les Palestiniens, les Libanais étaient concernés.
À relever entre autre que ce n'est pas par hasard que l'assassinat de Hariri soit survenu après celui du leader palestinien Yasser Arafat. Mis à part les similitudes dans l'énigme qui entoure leur mort, voire dans les tentatives occidentales de s'accaparer les investigations qui les concernent, leurs parcours politiques présentent une ressemblance frappante, qui pourrait expliquer leur assassinat. Tous deux semblent avoir opérer un virage de taille, contre toute attente.
Car, en principe, Rafic Hariri appartenait au bloc pro-occidental dans la région, celui qui a fléchi ses exigences jusqu'à reconnaître le "droit de l'entité sioniste" à l'existence, se contentant d'accepter l'instauration d'un Etat palestinien à ses côtés, et renonçant une fois pour tout à la résistance (ce fut le cas d'Arafat, lorsqu'il a signé les accords d'Oslo).
Lors de ses premières investitures à la tête du gouvernement libanais, les relations de l'ancien Premier ministre avec le Hezbollah prenaient parfois une tournure orageuse, lorsqu'il manifestait son exaspération quant aux opérations de résistance. Mais les exploits réalisés par cette dernière ont fini par vaincre ses réticences. Depuis, Hariri devenait plus coopérant.
Ceci s'était clairement manifesté en 2002 lorsque Hariri a déployé tous ses efforts pour libérer les résistants libanais du Hezbollah détenus en Jordanie. Sans oublier en 2003, l'accueil national triomphal qu'il avait organisé avec le Hezbollah aux détenus libanais libérés des geôles israéliennes. Finalement, en 2005, quelques jours avant son assassinat, Hariri négociait en secret avec le secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah un engagement en vue de préserver l'armement de la résistance jusqu'à la résolution finale du conflit arabo-israélien. Vu que l'engagement amortissait la clause plus qu'essentielles liée à l'armement de la résistance dans la résolution 1559, l'ampleur du virage n'est pas difficile à cerner. (Ce fut le cas d'Arafat qui, contrairement à ce qui était attendu de sa part, après Oslo, avait lui aussi refusé de réprimer les factions de résistance palestiniennes lors de l'éclatement de la seconde intifada).
Lorsque Sayed Nasrallah a révélé au grand jour, dans un discours prononcé après l'assassinat de Hariri, l'engagement que ce dernier comptait faire, il voulait entre autre démentir les accusations d'implications de son parti dans l'assassinat, proférées les premiers jours sur fond de soi-disant crise avec l'ancien Premier ministre.
Cinq années après les déboires de l'enquête, cette révélation devrait plus que jamais ouvrir la voie de la piste israélienne. Ou au moins celle d'une autre piste.
Selon le cours des choses, l'assassinat de Hariri, comme celui d'Arafat, va s'inscrire dans les mystères de l'histoire de ce Moyen Orient qui en compte de nombreux.
Ce fut entre autre le cas en 1970, avec l'ex-raïs égyptien, Jamal Abdel Nasser, mort à l'âge de 52 ans, dans des conditions inexpliquées. Puis en 1975, celui du roi saoudien Fayçal, soi-disant tué par un cousin proche malade mental.
Après leur mort, le parcours de leur pays en a été profondément affecté, prônant la reconnaissance (directe ou indirecte) de l'usurpation de la Palestine et de l'existence de l'entité sioniste. Il faut croire que la même chose aurait dû se passer au Liban... http://www.ism-france.org/news/article.php?id=13443&type=analyse&lesujet=Assassinats%20cibl%E9s