L’une est de Marseille, l’autre d’Asnières (92) et la troisième de Metz.
 Toutes les trois sont de retour du Caire, où elles n’ont pu aller au 
delà du hall de l’aéroport. Sont elles tristes, déçues, démoralisées ?
- Marie-Paule qui se présente sur la liste BASTA à Metz

Le jeudi 5 mars,  ’ai donc pris l’avion à 14h30 à Charles de Gaulle 
avec 25 parisiennes. Là nous apprenons que si une douzaine de femmes ont
 pu les deux jours précédents, passer la frontière sans problème et se 
trouvaient donc en ville, au Caire, il y a eu par contre d’énormes 
problèmes à l’aéroport pour certaines d’entre nous : l’Irlandaise 
Mairead Maguire, Prix nobel de la paix, avait été contrainte par la 
police égyptienne de repartir. Medea Benjamin Benjamin, américaine 
responsable de Codepink, qui avait osé braver Obama lors d’un grand 
meeting à Washington, avait été accueillie de façon très violente par la
 police, qui lui avait cassé un bras... Conscientes des risques que nous
 encourions, nous convenons alors de rester groupées, de ne pas nous 
séparer et, en cas d’interpellation de l’une d’entre nous par la police.
Dès notre arrivée à l’aéroport, vers 19h,  avant même le contrôle des
 passeports, nous trouvons des participantes belges dont on avait 
confisqué les passeports et qui étaient en train de se faire 
embarquer... Aussitôt, nous nous asseyons  sur le sol en marbre devant 
le contrôle des passeports et démarrons une occupation pour réclamer la 
libération de ces femmes et la restitution des passeports à toutes 
celles qui se l’étaientt fait confisquer après achat de leur visa et 
alors qu’elle se présentaient au contrôle pour aller au Caire.
Et, sous les yeux effarés du personnel et de quelques responsables de
 l’aéroport, nous nous mettons à chanter, à sortir nos drapeaux 
palestiniens et banderoles pour expliquer aux voyageurs circulant autour
 de nous pourquoi nous étions là.
Puis, nous commençons un tour de table afin de nous présenter les 
unes aux autres car la plupart se rencontrent pour la première fois. Je 
découvre avec plaisir que parmi nous se trouvent quelques jeunes de ma 
région, récemment engagées dans la lutte,  comme Meriem venue de 
Moselle.
Lorsque nous reprenons notre répertoire de chants qui parlent de 
Gaza, de liberté, de résistance,  une amie de Gaza nous téléphone et 
c’est avec émotion, nous lui chantons le célèbre chant d’espoir : "We 
shall overcome ».
Les passagers descendant d’avion étant nombreux, nous continuons à danser en agitant les drapeaux palestiniens.
Un « responsable"  égyptien vient assez tard parlementer avec nous : 
on nous accordera tout ce que nous voulons, le confort, de la 
nourriture, et peut-être même un passage en ville  à condition que nous 
leur confions tous nos nos passeports. Mais le piège est cousu de fil 
blanc….
Visiblement, notre sit-in n’avait pas été prévu et les déstabilisait.
 Tous avaient pensé nous cueillir facilement les unes après les autres 
et nous remettre toutes vite fait bien fait dans le premier avion venu.

Personnellement, ayant fait l’expérience en 1998 d’ occupations de ce
 genre, je m’attendais à certains moments à ce que la police 
intervienne, nous fasse dégager la piste au plus vite et nous mette en 
rétention avant de prendre l’avion . Parfois je me prenais à espérer un 
passage illusoire au Caire selon l’humeur du responsable de la sécurité 
ou de l’aéroport ou encore du consul venu nous voir en pleine nuit de 2h
 à 3h du matin, et qui employaient tantôt la ruse (ils nous promettaient
 même de pouvoir sortir en ville), tantôt la colère, dans le seul but de
 récupérer nos passeports pour en finir et les tamponner  « DEPORTED ».
Avec la lumière du hall dans les yeux, le bruit perpétuel, il est 
très difficile de dormir mais  le temps passe  vite.. A chaque arrivée 
massive de passagers même en pleine nuit et tôt le matin, nous dansons, 
nous chantons, nous agitons les banderoles et les drapeaux palestiniens.
 Nous  recevons beaucoup de sourires d’approbation, de manifestations de
 sympathie de la part d’un public agréablement surpris en général par 
cette  animation festive inhabituelle à l’aéroport du Caire.
Le premier avion en partance pour Paris est  à 9 heures 40. Vers 8h  
le commandant de bord nous rend visite et essaie de persuader les trois 
ou quatre d’entre nous qui ne dorment pas de retourner à Paris : « C’est
 pour notre sécurité… et notre confort ». Comme nous refusons poliment 
son offre et que la plupart d’entre nous dort ou fait semblant, il 
n’insiste pas..
Dans l’après-midi, deux participantes américaines qui sont avec nous,
 acceptent à contre coeur de rejoindre le reste des Américaines 
enfermées quelque part dans l’aéroport et de repartir aux Etats-Unis. 
Nous les saluons en reprenant ensemble tous les chants de notre 
répertoire et nous  terminons par « ce n’est qu’un au-revoir », les 
larmes aux yeux, si émues que notre émotion gagne le public qui nous 
entoure...
Dans la journée, nous apprenons que  les médias du monde entier relaient nos infos, nos communiqués, de même qu’internet.
Le ballet des officiels égyptiens de plus en plus en transe et les 
allées et venues du Consul pour que nous soyons « raisonnables » 
s’accélèrent. Leur panique est palpable. Mais n’obtenant ni la 
libération de nos amies ni la restitution des passeports, ni même aucune
 garantie de repartir par des vols qui nous conviennent (les 
propositions de nous embarquer en ordre dispersé pour des destinations 
qui ne sont pas les nôtres sont inacceptables) nous refusons de bouger.
Finalement, après avoir fait défiler le personnel égyptien et 
français de la la sécurité de l’aéroport, le personnel du Consulat de 
France et de l’ambassade de france en Egypte, ainsi que les commandants 
de compagnie aériennes, on finit par nous trouver pour le vendredi matin
 (miracle !) les vols que nous exigeons. Une deuxième nuit à l’aéroport 
donc, mais l’ambiance reste incroyable, et cela jusqu’à l’embarquement. 
Tous les passagers et personnels des différents terminaux de l’aéroport 
profitant, sourire aux lèvres, de nos chants, et slogans à tue-tête, 
drapeaux et keffiehs lorsque nous traversons l’aéroport du Caire sur des
 chariots mobiles..
Arrivées à Paris vers 13h, nous réitérons la manifestation, 
redéployons nos  banderoles et rechantons en choeur dans l’aéroport 
Charles de Gaulle où nous surprenons là aussi, et rencontrons de 
nombreux sympathisants.
Gageons que chacune rentrée chez elle, prolongera d’une façon ou 
d’une autre « La lutte des Femmes contre le scandaleux blocus de 
Gaza »..
- AÏDA

Nous voilà de retour à Marseille après moins de 48h passées en 
Égypte.
En prenant du recul sur ces quelques heures où la cohésion et la 
résistance ont été les mots d’ordres, on se rend compte d’avoir vécu un 
moment vraiment unique, intense et tout à la fois inoubliable !
Lorsque l’on milite pour la cause palestinienne, Gaza est l’endroit à
 essayer d’atteindre, l’endroit ou la politique d’apartheid et la 
ségrégation ont pris racine et où la population souffre depuis près de 8
 ans du blocus mis en place par l’occupant israélien.
Les femmes Palestiniennes ont lancé un appel auquel il fallait à tout
 prix répondre pour être leurs porte-parole dans nos pays respectifs et 
faire de la transmission de mémoire, d’images.
J’ai voulu faire partie de la coalition des femmes contre le blocus 
de Gaza car il est essentiel d’essayer de médiatiser un maximum la 
situation en Palestine et dénoncer le blocus injuste et inhumain qui 
perdure dans la bande de Gaza.
Je m’appelle Aida, j’ai 22 ans, je suis la benjamine du groupe 
Marseillais. 
Dans ma jeune vie j’ai vu et vécu des choses qui m’ont fait rires et 
parfois pleurer mais en ayant toujours le choix, le choix des décisions 
qui peuvent faire basculer un moment, une vie mais toujours en le 
faisant consciemment.
Pourquoi la Palestine ? car il est injuste que nous ici, vivions en 
démocratie, que nous ici ayons des droits, ayons des libertés, liberté 
d’expression, liberté de circulation,  liberté de conscience, liberté 
d’opinion, liberté économique... Que nous puissions voir les nôtres 
comme bon nous semble, que nous puissions aller les voir le jour comme 
la nuit, discuter rigoler, pleurer ensemble sans avoir une épée de 
Damocles au dessus de notre tête incessamment, que nous ne vivions pas 
avec la peur incessante du prochain bombardement qui nous enlèvera la 
vie ou celle d’un de nos proches, ami, voisin, compatriote... Qu’il est 
injuste de pouvoir manger tous les jours tout ce que l’on souhaite, que 
nous pouvons vivre de notre travail en ayant un salaire en juste retour 
alors que les Palestiniens n’ont aucun de ces droits... Il est injuste 
que nous ayons droit à tout cela contrairement à des millions d’autres 
personnes sur cette terre et que cela ne choque pas grand monde.
Les Palestiniens ne peuvent faire le quart de ce que nous faisons, ne
 peuvent après une dure journée aller se ressourcer, aller souffler, 
prendre du plaisir à faire telle ou telle chose. Non ! Tout cela ne leur
 est pas permis, le seul droit qu’ils aient et le droit d’être 
bombardés, d’être humiliés, séquestrés, dépouillés, maltraités par 
l’armée ou les colons Israéliens...
En me joignant à la coalition j’espérais rencontrer les femmes de 
Gaza, leur montrer qu’elles ne sont pas seules, que nous aussi, de 
l’endroit ou nous vivons, nous ne les oublions pas et œuvrons tous les 
jours pour que les langues se délient et que la situation en Palestine 
soit reconnue et dénoncée mondialement.
Une fois arrivée au Caire, visa pris et argent changé, nous nous 
sommes dirigées vers le contrôle des douanes qui est censé être une 
routine de passage vers la sortie.  J’ai senti que quelque chose allait 
de travers lorsque mes camarades juste devant moi ont fait demi tour et 
sont allées se placer un peu plus loin, j’étais la dernière de ma file 
et mon tour venu, présentant mon passeport, le douanier le prit, me 
demanda d’aller rejoindre mes camarades et posa mon passeport sur ceux 
qu’il avait confisqués précédemment. Et tout de suite, on comprit. On 
nous interdisait le passage au Caire !
A ce moment, une porte face a nous s’est ouverte et nous avons aperçu
 nos amies Belges captives. Nous étions sûre de suivre la même voie 
qu’elles, puis a notre grand soulagement nous entendons des bruits de 
fond puis apparition du groupe parisien et lyonnais.
Nos amies de la coalition comprenant ce qui venait d’arriver, se sont
 toutes assises et ont entamé avec nous un « sit in », dans la zone 
Internationale de l’aéroport, déployant alors, drapeaux, keffiehs et 
banderoles.
Plusieurs femmes n’ont pas eu la chance de participer à ce « sit in », ayant été expulsées avant ce regroupement.
Toujours optimiste, je me suis dis que ce « sit-in » était 
provisoire, qu’au bout d’un certain temps les autorités nous 
laisseraient entrer au Caire mais certainement pas a Gaza, puisqu’ils ne
 cessaient de nous répéter que la frontière était fermée.
Mais finalement non ! Nous sommes restées sur le sol, inlassablement,
 infatigables à scander des slogans et des chants, et même à inventer 
des jeux devant le public de l’aéroport.
Rien ni personne ne pouvait ternir cette combativité, cette rage se 
nourrissant des injustices présentes, ce groupe de femmes déterminées à 
faire entendre leur voix jusqu’à l’implosion des gouvernements collabos 
et la libération du peuple Palestinien !
Ces heures étaient intenses à la fois dans la cohésion, l’entraide, 
la solidarité qui régnaient parmi nous ainsi que dans l’ambiance 
chaleureuse. Nous ne formions qu’un, France, États-Unis, Suisse... 
Quelle que soit notre provenance, nous étions toutes là dans un but bien
 précis, au nom de la coalition des femmes contre le Blocus de Gaza !

Certaines images m’ont touché, le respect, la cohésion étaient bien 
présents.
Par exemple, lorsque quelqu’un s’endormait, certaines faisaient 
attention à ce qu’elle soit bien couverte, qu’elle ne manque de rien 
tout comme la nourriture, un paquet de biscuit se partageait avec tout 
le monde, quitte à avoir le quart d’un biscuit pour soi ; cela nous 
était égal car le plus important était que tout le monde ait un petit 
quelque chose à manger.
Il n’y a pas de mots pour décrire ce qu’on ressent dans cette 
situation, il faut le vivre pour comprendre ce qu’on peut ressentir. Des
 multitudes d’émotions s’emmêlent, on passe du rire aux larmes en un 
rien de temps...
Mais le choc émotionnel arriva lorsque les Américaines durent mettre 
fin à leur aventure et durent nous quitter pour retourner aux USA.
Pour ma part, ça a été le moment le plus désagréable de tout le court 
séjour.
En quelques secondes, des adieux étaient lancés, suivi par des « ce 
n’est qu’un au revoir » puis un mélange de rage, de ressentiment 
m’envahissait.
Comment peut on être si indifférent au sort de milliers d’opprimés ?
Comment peut on laisser durer ce génocide sans rien dire ?
Ces Américaines avaient fait des heures de vols en n’étant pas sûres 
de pouvoir atteindre leur but mais peu leur importait, le plus important
 était de se joindre à la coalition, de briser ce blocus inhumain et 
surtout de venir manifester leur soutien aux Palestiniens.
Des passagers autour de nous nous faisaient part de leurs soutien et 
de leur indignation à nous voir ainsi bloquées ! Des doigts en signe de V
 étaient levés de quoi nous remettre du baume au cœur.
Je me dis que nous n’extériorisons pas assez ce que nous ressentons, 
puisque moi même je ne voulais pas pleurer et montrer ma vulnérabilité 
aux yeux de tous.  Puis autour de moi, je me suis rendu compte que les 
visages étaient pleins de larmes d’émotion et, avant que je m’en rende 
compte, mes larmes coulèrent également.
Après 3 secondes de silence, suite au départ de Donna et Cayman, les 
deux Américaines, les slogans et les chants reprirent de plus belle 
comme si la rage accumulée pendant toutes ces heures de « sit-in » 
ressortaient en nous et se transformaient en voix !
Des ballons de baudruches aux couleurs de la Palestine s’invitèrent 
« au spectacle » puis sans répit nous avons chanté, encore et encore 
jusqu’à l’heure fatidique du retour à la réalité, jusqu’à l’expulsion...
Une fois évacuées et dirigées vers une salle d’embarquement où les 
autorités Égyptiennes nous ont laissé toutes ensembles jusqu’à l’heure 
des vols retours le demain matin, la bonne humeur était de la partie 
suivie, par « les émeutes de la faim » qui étaient plus une façon de 
faire tourner nos gardiens en bourrique, qu’autre chose.
Lorsque nous avons obtenu l’autorisation d’aller s’acheter de la 
nourriture après de longues minutes de marchandage, 4 par 4 et 
escortées, nous avons fait faire une séance de sport à l’une des 
policières qui nous escortait. Elle dut, du haut de ces talons 6cm, 
faire des efforts considérables pour essayer de suivre notre cadence 
fulgurante dans les couloirs de l’aéroport.
Nous avons poursuivi  la dénonciation de la plus grande prison du monde  dans l’avion, puis à l’aéroport de Marignane.
De retour à la réalité, je sais que je n’arrêterais jamais de me 
battre contre toutes les injustices. Je ne sais pas encore comment, mais
 je suis sûre  d’une chose : de la force de mes convictions !
PALESTINE VIVRA ! PALESTINE VAINCRA !
- MARTINE, INSTITUTRICE A LA RETRAITE, ASNIERES (92)

Je suis fière de tout ce que nous avons réussi à faire ensemble, bloquées dans la zone internationale de l’aéroport du Caire.
Je suis fière que nous soyons restées solidaires.
Pas question de lâcher celles qui se retrouvaient isolées du groupe, cachées quelque part dans des bureaux de l’aéroport.
Pas question de lâcher celles qui s’étaient fait confisquer leur 
passeport.
Je suis fière qu’ensemble, nous ayons résisté aux manipulations et aux 
pressions des autorités égyptiennes et du consulat de France qui 
négociaient pour nous rendre invisibles et nous faire partir le plus 
vite possible.
Nous avons tenu bon dans la bonne humeur, malgré la fatigue et 
l’inconfort, en pensant au quotidien terrible vécu par les femmes de 
Gaza qui nous ont appelées au secours.
Nous avons gardé notre détermination, tenu notre engagement, et dit 
haut et fort notre solidarité avec les femmes de Gaza et avec tout le 
peuple palestinien.
Avec nos chants, nos drapeaux, nos banderoles, bien visibles, bien 
audibles, sur le passage des voyageurs, dans l’aéroport du Caire, nous 
avons vraiment brisé le silence ! Nos chants résonnent encore dans ma 
tête et sans doute dans celles des employés de l’aéroport et des 
voyageurs qui nous manifestaient leur sympathie : « Ounadikom… ».

Martine
http://www.europalestine.com
 
 
