vendredi 21 octobre 2011

Lobby pro-israëlien : le PS prend des risques

Daniel Bernard - Marianne | Jeudi 20 Octobre 2011 
Pour élaborer le programme d'un voyage d'étude, le PS s'en remet à des lobbystes. «C'est grave ?», demande Jean-Christophe Cambadélis, responsable des relations internationales.
Une délégation du Parti socialiste devait se rendre en Israël et dans les territoires palestiniens du 24 au 27 octobre. Conduite par Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national en charge des relations internationales, elle était composée de Jean-Louis Bianco, Benoit Hamon, Gérard Collomb et Claude Bartolone. In extremis, pour des raisons d’agenda, ce voyage d’étude a été repoussé sine die. Pour autant, son principe n’est pas remis en cause, pas plus que les modalités d’organisation, qui laissent une grande place au lobbying.
Pour définir le programme, en effet, le secteur international du PS s’en est remis au Cercle Léon Blum.  Le but de cette association, créée en 2003 autour du Parti socialiste, est double : « combattre » l’antisémitisme et « œuvrer au rapprochement entre la Gauche française et les femmes et hommes de bonne volonté qui agissent pour la paix au Proche-Orient dans les deux camps, en particulier au sein de la Gauche Israélienne et avec ceux qui soutiennent un processus démocratique au sein de l'Autorité Palestinienne ». Pourquoi un parti de gouvernement confie-t-il à une structure communautaire le soin de dresser la liste des interlocuteurs de la délégation ? Mystère. «C’est grave ? :)», répond Jean-Christophe Cambadélis, contacté par SMS.
Grave ? Peut-être pas. Mais risqué, assurément. En effet, la partie « gouvernement israélien» du programme a été elle-même sous-traitée. « Le contact avec Benjamin Netanyahou, je ne l’ai pas », se justifie Laurent Azoulai, président du cercle Léon Blum. Ce dernier, légitimement soucieux d’obtenir des rendez-vous avec les représentants de la droite israélienne, a donc mobilisé un autre lobbyiste, Arie Bensemhoun. Or, ce dentiste toulousain, candidat malheureux en 2006 à la présidence du Crif, affiche des intentions très distinctes, sinon divergentes, avec l’élaboration d’une politique étrangère française. En 2010, après avoir rencontré aux Etats-Unis les animateurs de l’AIPAC, le principal lobby pro-israëlien en Amérique, il exprimait explicitement sa volonté de «s’inspirer de certaines méthodes de travail».
En clair, d’acclimater en France un système qui consiste, pour les groupes de pression, à financer les élus afin de les sensibiliser. Bien que les lois de financement de la vie publique soient plus restrictives en France qu’aux Etats-Unis, rien n’empêche en effet des donateurs de participer à telle ou telle campagne, sous un plafond annuel de 7500 euros. Il n’est pas illégal non plus de fédérer des donateurs, afin de démultiplier son soutien et… son influence.
Ce projet d’«AIPAC à la française» a commencé à se mettre en place, en toute discrétion. Selon nos informations, l’inspirateur est Steve Rosen, un ancien salarié de l’AIPAC accusé d’espionnage au profit d’Israël. « Je n’ai rien à voir avec lui ! Je ne veux pas avoir le moindre contact avec ce monsieur ! », s’écrit Laurent Azoulai en entendant son nom. Pourtant, le cercle Léon Blum a pris le risque d’embringuer des dirigeants socialistes sur un terrain miné. Le lobbying fonctionne en effet sur le principe des poupées russes : , en délégant une partie du programme à Arie Bensemhoun, il se lie à une structure baptisée Elnet, elle-même activée par l’infréquentable Steve Rosen. Un document a été édité par ce lobby, sur lequel figurent les participants au voyage.
Ainsi, sans doute à l’insu de leur plein gré, les dirigeants du PS se laissent-ils guider dans l’Orient compliqué par des accompagnateurs engagés. Précision importante : aucune information ne permet de suspecter un financement politique des membres de la délégation, même légal et encore moins occulte. Jean-Louis Bianco, Benoît Hamon et Claude Bartolone nous ont d'ailleurs affirmé qu'ils ignoraient même l'implication du Cercle Léon Blum.
Pour autant, le principal parti d’opposition n’a-t-il pas d’autres moyens de s’informer de la poudrière israélo-palestinienne que de se lier, d’une façon ou d’autre, avec des groupes de pression ? A la veille d’une élection présidentielle et donc d’une possible alternance, ce serait étonnant.
L'organisation de ce voyage, dès lors qu'il a été remis à plus tard, pourra être directement repris en main par le PS. Ou pas. 
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