vendredi 21 octobre 2011

Les familles de Gaza exigent leur droit de pouvoir visiter les prisonniers

jeudi 20 octobre 2011 - 07h:05
Eva Bartlett - The Electronic Intifada
« Nous pourrions être repris dans le guide des records Guiness pour les plus longs sit-in hebdomadaires du monde » plaisante amèrement Nasser Farrah, membre de l’Association des Prisonniers palestiniens.
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Cela fait 8 ans que Umm Bilal n’a pas pu voir son fils emprisonné - Photo : Eva Bartlett
Depuis 1995 des femmes palestiniennes de Beit Hanoun à Rafah se rencontrent chaque lundi devant le bureau du Comité international de la Croix rouge (CICR) en tenant des photos et des posters de leurs proches emprisonnés, demandant au CICR d’assurer les droits de l’homme pour les Palestiniens détenus dans les 24 prisons et centres de détention d’Israël.
Depuis 2007, les sit-in ont acquis plus de signification : les familles de Gaza veulent qu’Israël respecte leur droit - inscrit dans le droit international humanitaire - de visiter les membres de leur famille emprisonnés. Ce droit a été retiré aux familles de Gaza, en 2007, après la capture du tankiste Gilad Shalit par des résistants palestiniens dans une zone longeant la frontière Gaza-Israël où il était en service actif.
Les sits-in ont grandi avec plus de 200 femmes et hommes venant chaque semaine. Le 11 juillet, le CICR et le Croissant rouge palestinien (CRP) ont aidé à organiser une manifestation depuis le bureau du CICR jusqu’au Parc du Soldat inconnu pour protester contre l’interdiction, pour les Palestiniens de Gaza, de visiter leurs proches emprisonnés.
« Nous ne pouvons pas lui envoyer de lettres, nous ne pouvons pas le voir, nous ne pouvons pas lui parler » dit Umm Ahmed à propos de son fils de 32 ans. Ahmed Abu Ghazi a été emprisonné il y a quatre ans et condamné à passer 16 annés dans une prison israélienne.
« Nous allons à la Croix rouge chaque lundi car nous n’avons aucun contact avec lui. Mais rien ne change. La semaine dernière nous avons dormi devant la Croix rouge attendant qu’ils nous aident à parler à nos fils et filles » dit Umm Ahmed.
Pendant que nos fils sont en prison, leurs parents pourraient mourir sans les avoir revus.
Des parents décèdent tandis que leurs enfants languissent derrière les barreaux
Bilal Adyani, un prisonnier palestinien de Deir al-Balah, à Gaza, vit un tel deuil. Le 11 juillet, le père d’Adyani est mort après avoir attendu des années de revoir son fils. Le CICR signale que plus de trente parents de prisonniers palestiniens sont morts depuis que les visites de prisons ont été supprimées.
Umm Bilal, une femme âgée couverte d’un simple foulard blanc, se promène parmi les manifestants en tenant une photo, dans un cadre de plastique, de son fils alors qu’il était âgé de 16 ans. L’adolescent porte une chemise noire, a les cheveux peignés et gominés et sourit largement sur la photo.
« Il est en prison depuis vingt ans et dix mois. Voilà huit ans que je ne suis pas autorisée à lui rendre visite » dit Umm Bilal.
La cantine de la prison devrait vendre des cartes téléphoniques, des vêtements ou de la nourriture mais Israël rend les choses difficiles maintenant. Il voulait étudier en prison mais il n’y a pas été autorisé.
En décembre 2009 la Haute Cour israélienne a statué que le gouvernement israélien peut refuser aux familles de Gaza le droit de visiter les prisonniers dans les prisons israéliennes. Parmi les raisons invoquées pour la décision de la Cour : « les visites familiales ne constituent pas un besoin humanitaire de base pour les habitants de Gaza » et les visites familiales ne sont pas nécessaires car les prisonniers pouvaient obtenir les fournitures essentielles via la cantine de la prison.
En juin 2011 il a été rapporté que le Service des Prisons israéliennes a supprimé plusieurs droits des prisonniers, notamment l’autorisation de s’inscrire dans les universités et a bloqué l’usage des téléphones portables.
« Prenez Shalit, mais délivrez nos prisonniers »
« Le monde réclame la libération de Shalit. Mais il s’agit juste d’un seul homme, un soldat » dit Umm Bilal. « De nombreux prisonniers palestiniens ont été enlevés de leurs foyers. Shalit était dans son tank quand il a été pris. Ces tanks tirent sur Gaza, tuent notre peuple, détruisent notre pays. Prenez Shalit, mais délivrez nos prisonniers. »
Selon Nasser Farrah, « il y a plus de 7000 Palestiniens dans les prisons israéliennes, y compris près de 40 femmes et 300 enfants. Sept cent prisonniers sont originaires de la Bande de Gaza.
D’autres estimations font état de 7500 à 11000 prisonniers palestiniens. « Les ’plus de 7000’ n’incluent pas les milliers de Palestiniens régulièrement pris par les Israéliens en Cisjordanie occupée et même à Gaza, ainsi que ceux retenus en détention administrative pour diverses périodes » note Farrah.
Les Palestiniens en détention administrative, y compris les mineurs, se voient refuser un procès et sont emprisonnées pour des périodes renouvelables, beaucoup sont emprisonnés pour des périodes de six mois à six ans.
Selon l’organisation israélienne des Droits de l’Homme B’Tselem, depuis février 2011, Israël retient 214 Palestiniens en détention administrative.
L’article 49 de la quatrième Convention de Genève interdit les transferts forcés de population de territoires occupés. Mais c’est exactement ce que fait Israël depuis 1967 et, selon l’ONU, plus de 700 000 Palestiniens, hommes, femmes et enfants ont été emprisonnés.
Refus de soins de santé
En plus du refus de visites familiales, d’un enseignement supérieur, de fournitures de la cantine, on pense qu’environ 1500 prisonniers sont sérieusement malades et les soins de santé adéquats leur sont refusés.
La mère de Majed Komeh a encore beaucoup d’années de manifestations du lundi en perspective. Son fils, âgé de 34 ans, a été condamné à 19 ans et il en a purgé six.
« Ces quatre dernières années je n’ai eu aucune nouvelle de lui » dit Umm Majed. « En prison il a développé des problèmes d’estomac et de dos mais il ne reçoit pas les médicaments dont il a besoin. »
Farah dit qu’il s’agit d’un sérieux problème. « Beaucoup souffrent d’un cancer et de maladies critiques. Beaucoup ont besoin de soins hospitaliers 24 h sur 24, pas seulement de pilules contre les maux de tête. »
Un rapport de 2010-2011 de la Société pour les Prisonniers palestiniens informe que 20 prisonniers ont été diagnostiqués comme souffrant du cancer, 80 du diabète et 25 d’insuffisances rénales. « Plus de 200 prisonniers sont morts à cause du manque de soins médicaux adéquats dans les prisons » mentionne le rapport.
L’une des façons dont des Palestiniens malades se retrouvent en prison est le kidnapping quand ils traversent le point de passage d’Eres pour un traitement médical hors de Gaza.
« Les Israéliens leur donnent des permis de sortir de Gaza pour un traitement en Israël ou en Cisjordanie, mais après avoir passé la frontière, Israël emprisonne nombre d’entre eux » dit Farrah.
« Nous sommes un peuple sous occupation. Nous n’avons aucun autre moyen pour obtenir les droits de nos prisonniers si ce n’est de manifester devant le CICR. C’est leur rôle de veiller à ce que les prisonniers reçoivent leurs droits en vertu du droit international humanitaire. »
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Traduction : Lisette Cammaerts
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