lundi 3 octobre 2011

Le veto américain ne serait pas valide

02-10-2011
Les Etats-Unis se préparent à opposer leur veto à la demande d'admission aux Nations unies déposée par les dirigeants palestiniens. Cette opposition est censée faire obstacle à ce que la Palestine devienne le 194e Etat membre de l'ONU. Or, il est douteux qu'un tel acte puisse avoir l'effet que voudrait lui attacher la diplomatie américaine. En effet, les Etats-Unis ont renoncé au droit d'exercer cette prérogative dans ces circonstances. Et ils s'appuient sur des motifs qui ne le permettent pas.
L'entrée à l'ONU est soumise à une procédure en deux étapes : une recommandation du Conseil de sécurité puis un vote de l'Assemblée générale. Au sein Conseil de sécurité, le vote doit s'obtenir à une majorité de neuf sur quinze des Etats appelés à voter et parmi eux, nécessairement les cinq membres permanents du Conseil.
Par le passé, les Etats-Unis ont déclaré qu'ils ne se prévaudraient pas de leur droit de vote privilégié pour empêcher l'admission d'un Etat dont la candidature serait appuyée par la majorité requise au sein du Conseil de sécurité. Ils l'ont fait en des termes dépourvus de toute ambiguïté :
«Le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique partage l'opinion de la majorité des délégations suivant laquelle les membres permanents du Conseil de sécurité ne doivent pas faire usage de leur droit de veto pour empêcher l'admission d'un candidat qui a obtenu au moins sept voix au Conseil de sécurité [le Conseil comprenait 11 membres avant 1966]» (Rapport de la Commission spéciale de l'admission de nouveaux membres, 25 juin 1953).
 Pareille position prise par un Etat dans des termes traduisant l'idée d'un devoir ne doit pas être lue autrement que comme une renonciation à exercer le veto dans les mêmes circonstances. Si la Palestine obtenait neuf voix au sein du Conseil de sécurité, les Etats-Unis seraient donc impuissants à bloquer la recommandation d'admission, ayant abdiqué un tel pouvoir dans de pareilles circonstances.
En toute hypothèse, le vote négatif américain n'est pas susceptible de produire l'effet de blocage escompté car sa validité même est problématique. Selon les critères d'admission posés par la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité décide si l'entité qui sollicite son admission est un Etat pacifique, capable de remplir les obligations de la Charte et disposé à le faire.
En 1948, la Cour internationale de justice a rappelé qu'un membre ne peut faire dépendre son consentement d'autres conditions que celles énoncées par la Charte. C'est uniquement dans ce cadre que les Etats peuvent porter une appréciation entièrement libre.
 Or, les Etats-Unis ont d'ores et déjà exposé les motifs du vote qu'ils se proposent d'émettre. Selon le président Obama, c'est parce qu'elle ferait sortir les Palestiniens de la négociation avec Israël que la demande d'admission doit être repoussée. Quelle que soit la pertinence de cet argument, il est impossible de fonder valablement le veto américain car il ne relève pas des conditions posées par la Charte.
Comme le disait le représentant des Etats-Unis devant le Conseil de sécurité en 1947 : «Je ne pense pas que les auteurs de la Charte aient jamais voulu donner à un Etat le droit de s'opposer, pour des raisons étrangères à la Charte, à l'admission d'un pays que les autres Etats membres des Nations unies jugeraient digne d'être admis. II y a là, indubitablement, un abus du droit de veto.»
Dès lors, le vote américain, quoi qu'en disent les Etats-Unis, sera impuissant à faire obstacle à l'adoption de la résolution si au moins neuf membres du Conseil de sécurité la votent. Dans ce cas, l'Assemblée générale devrait s'estimer en droit de se prononcer sur l'admission du nouveau membre et l'on sait qu'en son sein, plus de 126 Etats ont déjà individuellement reconnu l'Etat de Palestine.
Par Yves Nouvel, professeur de droit
à l'université Paris-II (Panthéon-Assas)
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