lundi 3 octobre 2011

La force de Mahmoud Abbas

publié le lundi 3 octobre 2011
Aly Al-Amine - Al-Balad (Courrier international)
 
Sans pétrole, ni argent, ni armée, le président palestinien semble plus fort que tous les chefs d’Etat arabes, car, contrairement à eux, il refuse de garder son poste à n’importe quel prix.
Dans la bataille devant les Nations unies, l’Autorité palestinienne a d’ores et déjà perdu son pari d’obtenir la reconnaissance pleine et entière de l’Etat palestinien, puisque l’administration américaine a déclaré dès le départ qu’elle s’y opposerait. Personne – ni les soutiens ni les opposants de l’Autorité – n’a à aucun moment douté du veto ­américain, mais Mahmoud Abbas tenait à aller jusqu’au bout. Face à cette insistance, l’embarras a gagné les Américains et les Européens, qui ne souhaitent pas apparaître aux yeux des peuples arabes comme faisant obstacle à la revendication légitime de l’Etat palestinien. Cette gêne est d’autant plus palpable que l’auteur de la demande est précisément Mahmoud Abbas, celui-là même qui a satisfait toutes les exigences de modération et d’apaisement.
Paradoxalement, le président de l’Autorité palestinienne a aujourd’hui un poids plus grand que les autres chefs d’Etat arabes. Il ne s’appuie pas sur des richesses pétrolières ou financières, ni sur des armes, ni sur les forces de l’ordre ou les services de renseignements, mais sur la légitimité populaire qu’il a construite en étant ­honnête devant son peuple et fidèle aux promesses qu’il lui avait faites. Par ailleurs, en démontrant qu’il ne s’accrochait pas à son poste, il a privé les Américains et les Israéliens de la possibilité de faire pression sur lui en jouant la carte d’une menace sur son avenir à la tête de l’Autorité. Car c’est un moyen commode de faire fléchir ceux qui s’accrochent à leurs postes monarchiques ou présidentiels. Cela montre que l’autorité des chefs d’Etat réside d’une part dans leur légitimité populaire et démocratique, de l’autre dans le fait qu’ils ne se cramponnent pas à leur siège.
Cette bataille diplomatique à l’ONU fait également apparaître la fragilité des options retenues par les adeptes arabes du “front du refus”. Le rejet de l’initiative de Mahmoud Abbas par le Hamas montrera, a contrario, l’inanité de l’idée de vouloir déclarer un Etat sur l’ensemble de la ­Palestine historique [c’est-à-dire y compris Israël dans ses frontières de 1948]. Cela revient à prôner une politique de la chaise vide sur la scène diplomatique internationale. Et ce au moment même où le “printemps arabe” entraîne la chute des régimes qui font du sang palestinien leur fonds de commerce [en soutenant une telle approche de refus de tout compromis], le dernier en date étant celui du “guide” libyen. Dans le même temps sont tombés également les chefs d’Etat arabes qui se couchaient à plat ventre devant les Américains, à l’instar de Hosni Moubarak en Egypte. Cela a libéré les Palestiniens (et les Egyptiens) d’un lourd fardeau, puisque c’était l’exemple même du cas où les Américains et les Israéliens pouvaient exercer leurs pressions en profitant du fait que le dirigeant s’accrochait au pouvoir.
Publié par Courrier international
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