vendredi 27 mai 2011

Un tsunami juridique en route

L’importance de l’adhésion d’un Etat palestinien à l’ONU c’est que, pour la première fois, ce seront les Palestiniens qui décideront quel cadre juridique international s’applique sur leur territoire.
La prudente politique étrangère d’Israël en matière de questions juridiques au cours des 44 dernières années va probablement s’effondrer en septembre. Les mécanismes de défense juridique construits depuis l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza pour lutter contre le "danger" de juridiction internationale quant à son comportement envers des millions de personnes qui sont sous son contrôle sont susceptibles de se transformer en poussière sous le coup de boutoir des démarches diplomatiques.
En effet, si la communauté internationale reconnaît un Etat palestinien, deux questions se posent :

-  la question de savoir si les officiers des Forces de Défense d’Israël qui sont impliqués dans des assassinats, en tirant sur des manifestants non armés et utilisant des bombes au phosphore, seront interrogés et jugés à la Cour pénale internationale à La Haye,

-  et celle de savoir si les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme (et autres traités) seront applicables à Israël durant les actions dans les territoires palestiniens, ne seront plus décidées dans les bureaux du gouvernement à Jérusalem, mais plutôt dans les couloirs de la Mouqataa à Ramallah.
En même temps que le « tsunami » diplomatique prévu par le Ministre de la Défense Ehud Barak, Israël peut s’attendre à un tsunami juridique qui, pour la première fois, va réclamer le paiement d’un prix pour les violations des droits de l’homme dans les territoires occupés.
Le conflit israélo-palestinien, et l’occupation prolongée des territoires palestiniens conquis par Israël en 1967, ne sont pas une question interne israélienne. Il s’agit d’un conflit international dans lequel la communauté internationale a un intérêt légitime.
Pourtant, pendant les années d’occupation, l’État d’Israël a empêché les mécanismes légaux des Nations Unies, lesquels traitent de la protection des droits de l’homme, de se pencher sur ses agissements. Ainsi, par exemple, Israël s’est abstenu d’accorder des pouvoirs au Comité des Nations Unies sur les droits de l’homme pour examiner les plaintes de Palestiniens contre l’armée israélienne.
(Le comité est un organisme professionnel qui se compose d’experts de renommée mondiale en matière de droits de l’homme, par opposition au Conseil des droits de l’homme, qui est un organe politique composé de représentants des pays.)
De la même façon, dans les territoires, Israël a refusé d’appliquer les différentes conventions en matières de droits humains qui traitent, entre autres, de la discrimination envers les femmes, des droits de l’enfant, de la discrimination raciale et pour autres causes, et de la torture. Certains des plus talentueux défenseurs d’Israël ont été envoyés à Genève pour affirmer que ces traités ne sont pas contraignants pour Israël au-delà de la Ligne verte.
Israël se considère comme le représentant des victimes et des survivants de l’Holocauste, et en tant que tel a été l’un des initiateurs de la création d’une cour pénale internationale pour crimes de guerre. L’importance de l’isolement juridictionnel est survenu quand Israël a décidé de ne pas ratifier le statut de la cour afin de ne pas lui accorder le pouvoir d’enquêter et de statuer sur des crimes qui auraient été/seraient commis par des officiers et des soldats israéliens.
Au cours des 44 années, Israël a réussi à confier le soin de juger ses actions dans les territoires occupés à la Haute Cour de Justice, qui a approuvé presque toutes les politiques et pratiques de l’armée dans les territoires, renforçant l’occupation et rendant possibles des violations massives des droits de l’homme en raison de son soutien.
Israël a réussi à confier les enquêtes relatives à ses crimes aux avocats/procureurs militaires, lesquels ont agi de telle sorte que la pratique de l’enquête aboutisse à ce que l’application de la rigueur de la loi aux soldats et officiers qui l’avaient violé soit une sorte de miracle.
Tout cela est sur le point de prendre fin. Le jugement des actions d’Israël en matière de droits de l’homme est apparemment sur le point confié aux des nations du monde. Pour devenir internationalisé.
Si la Palestine est acceptée comme membre à part entière de l’ONU en septembre, le bouton "contrôle de compétence" sur les événements qui auront lieu en Cisjordanie et la bande de Gaza, sera, dans une large mesure, transféré de Jérusalem à Ramallah, de Benjamin Netanyahu à Mahmoud Abbas - parce que la signification de l’acceptation de la Palestine en tant que membre de l’ONU emportera pour celui-ci la faculté souveraine de signer des traités internationaux, d’adhérer à de tels accords internationaux et d’accepter l’autorité juridictionnelle des tribunaux internationaux quant à ce qui a lieu sur son territoire.
Le jeune Etat de Palestine agira sagement s’il décide, tout de suite après l’adhésion à l’ONU, de signer tous les principaux traités en matière de droits de l’homme et toutes les clauses ou protocoles qui accordent aux organismes professionnels le pouvoir d’examiner les plaintes formées par des civils pour violation de leurs droits.
Si le gouvernement palestinien décide également de signer et de ratifier le statut de Rome de la Cour pénale internationale, les territoires de Cisjordanie et de Gaza seront placés sous l’autorité du tribunal international en matière d’enquêtes et de poursuites.
L’importance de l’adhésion d’un Etat palestinien à l’ONU, c’est que, pour la première fois, ce seront les Palestiniens qui décideront du cadre juridique international ayant force obligatoire sur leur territoire. Après plus de 40 ans dans le désert de l’occupation, les Palestiniens auront la possibilité d’influencer leur destin par des moyens légaux.
* Michael Sfard avocat, est le conseiller juridique de la Yesh Din, organisation de défense des droits de l’homme.
29 avril 2011 -publié par Haaretz http://www.haaretz.com/print-editio...
Traduction : Wassyla-Heyett