lundi 31 janvier 2011

Rapport 2010 sur Jérusalem des Chefs de Mission (CDM) européens en poste à Jérusalem et à Ramallah

publié le dimanche 30 janvier 2011
 
"Israël, par des moyens juridiques et pratiques, poursuit activement son annexion en minant systématiquement la présence palestinienne dans la ville".

RAPPORT DES CHEFS DE MISSION DE L’UE SOMMAIRE

Étant donné l’engagement de l’UE à soutenir la solution de deux états avec un état palestinien indépendant, démocratique, contigu et viable, comprenant la Cisjordanie, et incluant Jérusalem-Est, et Gaza, coexistant en paix et en sécurité avec l’Etat d’Israël ; Étant donné les événements à Jérusalem-Est et, en particulier, la séparation progressive de Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie, comme le montre le Rapport sur Jérusalem ;
Étant donné le besoin urgent d’aborder la situation, conformément à la position de l’UE, en accord avec le droit international, selon laquelle l’acquisition de territoires par la force ou par la menace d’employer la force est inadmissible ;
Étant donné les Conclusions du Conseil de l’UE en date du 8 décembre 2009 ;
Par la présente, les Chefs de Mission (CDM) en poste à Jérusalem et à Ramallah soumettent au Comité Politique et de Sécurité (COPS) le Rapport sur Jérusalem 2010 (Annexe 1), ainsi qu’une série de recommandations pour discussion, qui visent à renforcer la politique de l’UE sur Jérusalem-Est (Annexe 2) :
Les recommandations des Chefs de Mission à Jérusalem et à Ramallah sont les suivantes :
-  Une mise en œuvre plus active et plus visible de la politique de l’UE sur Jérusalem-Est.
-  L’utilisation de rencontres avec les autorités israéliennes pour faire passer un message clair et cohérent sur Jérusalem-Est.
-  Un suivi adapté des propositions.
-  Un mandat pour les CDM à Jérusalem et à Ramallah pour poursuivre leur travail, qui vise à renforcer la politique de l’UE concernant Jérusalem-Est.
[Annexe 1]
RAPPORT DES CHEFS DE MISSION DE L’UE SUR JERUSALEM EST JERUSALEM ET LE PROCESSUS DE PAIX
1. La question de Jérusalem fait partie des questions les plus complexes à avoir été abordées dans le cadre de tous les processus de paix. La ville incarne l’essence même du conflit, qui repose sur des questions de territoire, d’identité nationale et de religion. Depuis que la ville a été occupée et annexée par Israël (en toute illégalité selon le droit international, et qui n’a pas été accepté par la communauté internationale), le fait que Jérusalem-Est soit de plus en plus intégrée à Israël laisse les quartiers palestiniens encore plus isolés. Israël, par des moyens juridiques et pratiques, poursuit activement son annexion en minant systématiquement la présence palestinienne dans la ville. Une loi israélienne récente exige que tout retrait de la partie occupée de Jérusalem-Est soit approuvé par une majorité de deux tiers de la Knesset ou par référendum. De plus, la situation générale à Jérusalem-Est s’est encore dégradée depuis un an. S’il n’est pas mis un terme de manière urgente à la tendance actuelle, la perspective de Jérusalem-Est comme future capitale d’un Etat palestinien devient de plus en plus improbable et impraticable. Ceci, à son tour, met gravement en péril les chances d’une paix durable sur la base de deux états, avec Jérusalem comme leur future capitale.
2. La poursuite de l’extension des colonies, le zonage et la planification restrictifs, les démolitions et les expulsions en cours, la politique d’éducation injuste, l’accès difficile aux soins de santé, l’insuffisance de ressources et d’investissements, et la précarité du droit de résidence ont non seulement de graves conséquences humanitaires, mais sapent aussi la présence palestinienne à Jérusalem-Est. Les politiques et les mesures d’Israël qui sont toutes liées entre elles, continuent d’avoir des effets négatifs sur le rôle crucial de Jérusalem-Est dans la vie palestinienne politique, économique, sociale et culturelle. Ceci a contribué à la séparation croissante entre Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie et de Gaza. Les conséquences politiques de ces mesures au sens le plus large constituent une préoccupation majeure. Depuis quelques années, les modifications qui ont été faites à la ville vont à l’encontre du processus de paix. Les tentatives qui visent à insister exclusivement sur l’identité juive de la ville menacent sa diversité religieuse et radicalisent le conflit - ce qui risque d’avoir des répercussions régionales et mondiales. L’intérêt de sauvegarder les valeurs religieuses, historiques et symboliques de Jérusalem va au-delà du conflit israélo-palestinien. Le Rapport des chefs de mission de l’UE sur Jérusalem-Est a pour objectif de fournir des informations actualisées sur la situation dans la ville, ainsi que des recommandations politiques. POLITIQUE DE l’UE
3. La politique de l’UE concernant Jérusalem-Est repose sur les principes définis dans la Résolution 242 du Conseil de Sécurité, notamment sur l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force. En accord avec le droit international, l’UE considère Jérusalem-Est comme étant un territoire occupé et n’a jamais reconnu la Loi fondamentale qu’Israël a proclamé en 1980 (Jérusalem, Capitale d’Israël). Cette Loi a annexé Jérusalem en tant que capitale « une et indivisible » et a modifié les frontières municipales de la ville. La position de l’UE est en accord avec la Résolution 478 du CSONU, dans laquelle le Conseil de Sécurité a décidé de ne pas reconnaitre cette Loi fondamentale, ainsi que d’autres actions qui « cherchent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem ». Cette résolution demande également aux membres de l’ONU qui avaient mis en place des missions diplomatiques à Jérusalem de « retirer ces missions de la Ville Sainte ». L’UE estime que Jérusalem est une question fondamentale dans le règlement du conflit israélo-palestinien et s’oppose à toute mesure qui préjugerait de l’issue des négociations de paix, comme celles qui visent à modifier le statut de Jérusalem-Est.
4. Lors des conférences qui se sont tenues en 1999 et 2001, les Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève ont réaffirmé l’applicabilité de la Convention au Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est, et ont réitéré que les dispositions de la dite Convention devaient être pleinement respectées dans ce territoire.
5. En 2004, l’UE a reconnu et accepté l’Avis consultatif de la Cour International de Justice (CIJ) sur les « Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé ». Alors que l’UE reconnait les préoccupations sécuritaires d’Israël et son droit d’agir en légitime défense, sa position coïncide avec celle de l’Avis consultatif du CIJ, selon lequel les sections du tracé du mur qui passent à l’intérieur de la Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, ainsi que la porte du mur et le régime de permis, violent les obligations d’Israël au regard du droit international.
6. Les conclusions du Conseil du 8 décembre 2009 réaffirment la politique de longue date de l’UE. Selon ces conclusions, L’UE ne reconnaîtra aucune modifications des frontières d’avant 1967, y compris à Jérusalem, à l’exception de celles qui ont été convenus par les parties. L’UE n’a jamais reconnu l’annexion de Jérusalem-Est et déclare que « Afin de parvenir à une paix véritable, il faut trouver le moyen, par la négociation, de résoudre la question du statut de Jérusalem comme future capitale des deux états ». L’UE ne cesse d’exhorter Israël à mettre fin immédiatement à toute activité de colonisation à Jérusalem-Est, que l’UE considère comme étant illégale au regard du droit international, et demande au gouvernement israélien de cesser tout traitement discriminatoire envers les Palestiniens à Jérusalem-Est. COLONIES
7. Le facteur démographique constitue un élément central de la politique israélienne. En 1967, Israël a élargi sa juridiction pour inclure Jérusalem-Est. En même temps, en ajoutant environ 70 km² de territoire, il a redéfini les frontières municipales de Jérusalem. Aujourd’hui, environ 924 000 personnes vivent à l’intérieur de ces frontières municipales, dont environ 30 % sont des Palestiniens. Des documents officiels de planification énoncent l’objectif d’empêcher la population palestinienne de dépasser le niveau de 30 % de la population totale de la municipalité. Les gouvernements israéliens successifs ont poursuivi une politique visant à transférer la population juive vers le Territoire Palestinien Occupé (TPO), en violation de la quatrième Convention de Genève et du droit humanitaire international. A Jérusalem-Est, 35 % du territoire a été exproprié et déclaré « territoire de l’Etat ». Seuls les citoyens d’Israël, ou ceux qui ont légalement le droit de demander la nationalité israélienne (c’est-à-dire des Juifs) peuvent acheter des biens construits sur le territoire de l’Etat. Il en résulte que parmi plus de 500 000 colons vivant dans le territoire palestinien occupé, environ 190 000 colons israéliens vivent aujourd’hui dans des colonies situées à l’intérieur de Jérusalem-Est. Entre 2001 et 2009, 37 % de tous les logements dans les colonies du territoire palestinien occupé était situé à Jérusalem-Est.
8. En 2003, Israël s’est engagé par la Feuille de route à parvenir à un accord définitif, qui comprendrait une solution négociée sur le statut de Jérusalem, et à geler toute activité de colonisation, y compris pour la « croissance naturelle ». A la conférence d’Annapolis de 2007, le gouvernement israélien a réaffirmé son engagement sous la feuille de route à geler les colonisations. En novembre 2009, le gouvernement israélien a annoncé un moratoire de 10 mois de la colonisation (qui expirait à la fin du mois de septembre 2010), qui a donné lieu au gel partiel des constructions de nouveaux logements pour des colons dans le territoire palestinien occupé. Cependant, le gouvernement israélien n’a jamais interprété l’engagement d’arrêter l’activité de colonisation comme étant applicable à Jérusalem-Est, en affirmant que la municipalité de Jérusalem fait partie du territoire israélien. Au cours du premier semestre 2010, une baisse de l’activité de colonisation a été constatée pendant plusieurs mois. Cependant, depuis la fin du moratoire, la colonisation a repris.
9. Il existe deux types de colonies à Jérusalem :
a)Des immeubles de petite taille ou des complexes créés par des colons idéologiques dans la Vieille Ville et dans le Bassin Historique. En établissant ces colonies en plein milieu des quartiers palestiniens, les colons sont en train de créer de nouveaux faits accomplis en essayant d’empêcher un partage de la ville. Ils profitent des soi-disant paramètres Clinton (les quartiers qui sont juifs feront partie d’Israël et ceux qui sont habités par des Palestiniens feront partie d’un Etat palestinien).
b)Des « quartiers » juifs initiés par le Gouvernement israélien, qui sont construits sur le territoire occupé par Israël en 1967. Ces colonies peuvent être séparées en deux cercles - celle de l’extérieur et celle de l’intérieur - qui exercent une pression sur Jérusalem-Est et séparent les Palestiniens de la ville.
Colonies dans la Vieille Ville - Bassin Historique.
10. La Vieille Ville et ses environs immédiats vers le sud et vers l’est sont ensemble communément appelés le Bassin Historique. Cette zone comprend les quartiers palestiniens de Silwan, Ras al-Amud, A t-Tur, Wadi al-Joz et Sheikh Jarrah et abrite la majorité des sites historiques et saints de Jérusalem. Il s’agit de zones résidentielles palestiniennes, mais depuis l’occupation de Jérusalem-Est en 1967, le territoire est progressivement passé sous le contrôle de diverses organisations de colons. Aujourd’hui, on estime que 5 000 colons vivent dans cette zone. Les organisations de colons se sont concentrées, entre autres, sur une activité de colonisation liée à des fouilles sur des sites archéologiques, aux services pour touristes et aux aménagements de loisirs. Malgré le fait que ces activités sont souvent mises en œuvre par des organisations privées, telles que Ataret Coh anim et El’ad (voir la section sur l’archéologie), elles font toutes néanmoins partie d’une stratégie globale en faveur de la colonisation, dont la réalisation est facilitée par le Gouvernement israélien, ainsi que par la municipalité de Jérusalem.
11. L’avancée stratégique des colons est clairement visible à travers les activités de colonisation autour de et dans l’enceinte du Bassin Historique. Ceci crée un continuum de colonies, qui comprend une série de plus petites colonies, des jardins publics, des sites archéologiques et des complexes touristiques le long du mur oriental et méridional de la Vieille Ville. En effet, ces actions encerclent le Bassin Historique, coupent la contiguïté territoriale entre les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est et la Vieille Ville et séparent les sites saints chrétiens et musulmans du reste de Jérusalem-Est.
12. Différentes méthodes sont employées pour gagner un contrôle stratégique des propriétés palestiniennes : à travers la Loi sur la propriété des absents, en prétendant que la terre appartenait à des Juifs (avant 1948), ou en achetant directement auprès de propriétaires palestiniens. Par conséquent, des terrains et des propriétés sont progressivement passés sous le contrôle de diverses organisations privées de colons, souvent avec l’appui de l’Etat. Des documents publiés en novembre 2010 soulignent des irrégularités dans la manière dont les terrains saisis par l’Etat israélien ont été transférés à des organisations de colons, sans des procédures d’appels d’offres et sans la diligence requises. Ceci soulève des questions quant à la portée de l’influence des organisations de colons au sein des autorités en question. Parallèlement, selon la loi israélienne, les Palestiniens n’ont pas le droit de réclamer des propriétés en Israël ou à Jérusalem-Ouest qui datent d’avant 1948.
13. Par ailleurs, des organisations de colons ont continué de s’emparer des propriétés dans l’enceinte de la Vieille Ville, où l’on estime qu’il y a actuellement environ 4 000 colons juifs. Ces colons occupent actuellement des propriétés dans tous les quartiers de la Vieille Ville. Ces propriétés sont souvent coincées entre des habitations palestiniennes existantes (les colons occupent parfois des appartements individuels dans des immeubles également habités par des familles palestiniennes). La proximité immédiate entre colons et Palestiniens dans la Vieille Ville ne fait qu’augmenter les fortes tensions qui existent déjà dans la zone. En juillet 2010, des colons ont saisi un bâtiment de deux étages dans le quartier musulman et ont ainsi déplacé plusieurs familles palestiniennes. A Sheikh Jarrah, des préparatifs de construction sont désormais en place sur le site de l’Hôtel Shepherd. En mars 2010, des permis de construire ont été accordés pour 20 nouveaux logements sur le site.
14. En janvier 2010, la municipalité a accordé des permis de construire pour 24 nouveaux appartements dans la colonie de Beit Orot sur le mont des Oliviers. 14 familles et 80 étudiants en yeshiva vivent actuellement dans cette colonie, qui est située en plein milieu d’un quartier palestinien. Des travaux de rénovation et de construction ont démarré dans le quartier de Ras al-Amud pour 14 nouveaux appartements dans l’ancien poste de police, bien que les permis n’aient pas encore été émis. Il est prévu d’agrandir la colonie avoisinante de Ma’ale Zeitim, qui passera de 60 logements à plus de 200 avec l’intégration de ce nouveau site.
15. Des préoccupations subsistent quant au projet « Espaces ouverts » qui prévoit, entre autres, de créer une suite de jardins et de jardins publics autour de la Vieille Ville, qui traverseront des quartiers palestiniens. Ce projet risque de limiter encore plus les constructions et l’espace vital palestiniens à Jérusalem-Est.
Le cercle intérieur de colonies
16. Le cercle intérieur comprend les grandes colonies initiées par le gouvernement à l’intérieur de la frontière municipale définie par Israël. Approximativement 190 000 colons israéliens y vivent. Ces colonies sont coincées entre Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie et, combinées avec le mur, coupent, en réalité, Jérusalem du reste de la Cisjordanie.
17. Les procédures de planification administrative pour la colonisation ont repris de manière très intensive à partir de novembre 2010. Quatre nouveaux projets urbains ont été approuvés (le premier depuis le mois de mars) pour examen officiel, pour un total de 1 275 nouveaux logements dans les colonies de Ramot et de Har Homa et pour 625 à Pisgat Ze’ev. L’expansion de Har Homa, notamment, implique une nouvelle consolidation du cercle intérieur, car elle prévoit la construction de logements en dehors de la zone de l’agglomération actuelle. Encore en novembre 2010, les autorités israéliennes ont fait avancer la construction de colonies à Jérusalem-Est en émettant des appels d’offres pour la construction de 238 logements dans les colonies de Ramot et de Pisgat Zeev. 479 appels d’offres supplémentaires ont été émis pour des constructions à Har Homa, à Gilo, à Pisgat Ze’ev et à Talpiot Est (sur la base de projets approuvés avant 2010). Enfin, la mise en œuvre d’un projet de construction controversé de quatre nouveaux hôtels avec 1 400 chambres à No-Man’s Land près de Talpiot a été relancé début juillet (mais qui a été temporairement suspendue à la suite de protestations internationales).
Le cercle extérieur de colonies
18. Le cercle extérieur comprend les colonies en dehors de la frontière municipale de Jérusalem, mais concerne principalement le côté occidental du mur. Ces colonies accroissent davantage l’isolement de Jérusalem par rapport au reste de la Cisjordanie. Elles comprennent les trois principaux « blocs de colonies », de Giv’at Ze’ev, de Ma’ale Adumim et le bloc de Gush Etzion où vivent environ 100 000 colons.
19. Des préoccupations subsistent concernant les zones qui ont été désignées pour la poursuite de l’expansion, telles que la zone E1 (située entre Jérusalem et la colonie de Ma’ale Adumim). Il existe dans cette zone un projet de longue date pour la construction d’une nouvelle colonie, avec 3 500 logements pour environ 14 500 colons. Le projet comprend un parc industriel, un poste de police, des infrastructures à grande échelle, un développement commercial et des aménagements de loisirs. En 2008, les quartiers généraux de la police de « Judée et Samarie » ont été déplacés dans la zone E1. La mise en œuvre du projet E1 aurait pour effet non seulement de diviser la Cisjordanie pour en faire une partie nord et une partie sud, mais en créant une contiguïté entre les colonies et Jérusalem, elle constituerait aussi l’étape finale de l’isolement géographique de Jérusalem-Est par rapport au reste de la Cisjordanie.
ARCHEOLOGIE
20. L’externalisation de projets archéologiques auprès d’organisations de colons constitue un exemple clair de l’implication du gouvernement dans les activités de colonisation dans le Bassin Historique. L’utilisation de l’archéologie en tant qu’outil politico-idéologique dans la zone de Wadi Hilweh, immédiatement au sud du mont du Temple/Haram Al-Sharif (souvent appelée la zone de « la Cité de David »), constitue une source croissante de préoccupation. Selon les récits historiques, la Jérusalem biblique a trouvé ses origines dans cette zone il y a environ 3 000 ans et l’endroit a fait l’objet de nombreuses fouilles archéologiques tout au long du siècle dernier.
21. La gestion des différents sites archéologiques à Wadi Hilweh/Cité de David est désormais largement confiée à une ONG juive proche des colons dénommée El’ad. Au fil des années, cette organisation a réussi à obtenir des financement de plus en plus importants pour ses projets archéologiques. L’organisation a signé un partenariat avec l’Autorité des Antiquités Israéliennes, qui est payé directement par El’ad pour réaliser physiquement les fouilles, sans aucune implication palestinienne ou surveillance internationale. Par ailleurs, El’ad, avec le soutien de la municipalité de Jérusalem, a réussi à obtenir un contrat avec l’Autorité israélienne de l’environnement et des parcs pour la gestion d’un parc archéologique pour touristes à Wadi Hilweh/ Cité de David. Par conséquent, en plus des fouilles, c’est également la présentation de l’archéologie de l’ancienne Jérusalem qui a été externalisée à El’ad.
22. Il en a résulté une forte monopolisation du récit historique, qui exploite les connotations judéo-israéliennes de la région et effectivement prive les Arabes/ musulmans du droit de prétendre à des liens historico-archéologiques avec ce même endroit. Le but principal d’une telle approche préprogrammée dans la présentation de preuves archéologiques dans cette zone semblerait relever d’un effort concerté qui vise à se servir de l’archéologie pour renforcer les prétentions à une continuité historique juive à Jérusalem, et ainsi créer une justification historique pour l’établissement de Jérusalem en tant que capitale éternelle et indivisible d’Israël.
PLANIFICATION, DÉMOLITIONS ET EXPULSIONS
23. Le régime de planification de la municipalité de Jérusalem reste une source de préoccupation, car il impose des restrictions sévères sur la construction de logements palestiniens à Jérusalem-Est. De nombreux Palestiniens vivent sous la menace de voir leur maison démolie et d’être expulsés, ce qui rajoute aux tensions actuelles. Il en résulte de ces restrictions une pénurie de logement à Jérusalem-Est et des démolitions régulières de structures appartenant aux Palestiniens.
24. Selon le régime de planification, 13 % du terrain à Jérusalem-Est est actuellement divisé en zones pour des constructions palestiniennes (par rapport à 35 % qui est alloué aux colons israéliens). C’est seulement sur ces 13 %, déjà densément construits, que les Palestiniens ont la possibilité d’obtenir un permis de construire émis par Israël, ou de réparer et d’entretenir leur maisons ainsi que les structures nécessaires à leur vie quotidienne. Cependant, il est extrêmement difficile pour des Palestiniens résidant à Jérusalem-Est d’obtenir ces permis du fait des exigences administratives. En outre, les procédures durent plusieurs années et en général impliquent un coût prohibitif.
25. Ces dernières années, les Palestiniens ont reçu moins de 200 permis par an. Si on se base sur la croissance de la population, il faudrait 1 500 permis pour des logements par an afin de couvrir les besoins en logements.
26. Le régime restrictif de planification provoque une pénurie aiguë de logement à Jérusalem-Est. En outre, les logements palestiniens sont surpeuplés et en mauvais état. Le régime de planification pose un dilemme difficile pour les familles palestiniennes : elles ont le choix de migrer en dehors de la zone municipale de Jérusalem (et donc perdent leur statut de résident), ou de construire sans le permis nécessaire. Selon le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies à Jérusalem (OCHA), au moins 32 % des bâtiments palestiniens à Jérusalem-Est n’ont pas ce permis, ce qui met en péril environ 88 000 Palestiniens.
27. Les immeubles construits sans permis sont considérés comme illégaux par les autorités israéliennes, qui émettent des ordres de démolition à leur encontre. Selon des sources officieuses, il y aurait actuellement jusqu’à 1 500 immeubles résidentiels « illégalement » construits à Jérusalem-Est qui ont fait l’objet d’ordres de démolition. Au cours de cette année, l’OCHA a recensé la démolition de 50 bâtiments appartenant à des Palestiniens à Jérusalem-Est, ce qui a touché plus de 250 personnes (dont la moitié sont des enfants). Les familles ne reçoivent pas seulement une amende pour avoir construit leurs maisons sans permis, mais on peut également leur demander de payer les frais de démolition. Certaines familles palestiniennes démolissent eux-mêmes leurs maisons afin d’éviter ces amendes (le chiffre est estimé à 6 familles cette année).
28. La municipalité de Jérusalem reconnait qu’il existe une crise de planification urbaine dans Jérusalem-Est. La nouvelle politique de la municipalité pour Jérusalem-Est, présentée en décembre 2009, vise à « accroître de manière significative le nombre d’étages et la proportion de constructions par rapport au plan qui a été approuvé, à fournir de nombreuses solutions pour augmenter le nombre de logements résidentiels dans cette zone, ainsi que des solutions en terme des difficultés actuelles ». Cependant, selon certains experts en urbanisme, la nouvelle politique n’entrainera aucun progrès significatif dans les quartiers palestiniens densément peuplés et mal entretenus.
29. La prise de contrôle de la propriété palestinienne est souvent associée à l’expulsion d’habitants palestiniens. Pour l’année 2010, il y a eu trois cas où des Palestiniens ont été expulsés par la force, deux dans la Vieille Ville, un à Jabal Mukabber. Dans ces cas, les propriétés ont été reprises par des colons israéliens, ou par des organisations de colons, sous la protection de la police. Ces expulsions ont touché environ 70 personnes cette année. A Sheikh Jarrah, plus de 60 Palestiniens ont perdu leur foyer ces dernières années et on estime que 500 personnes courent toujours le risque d’expulsion forcée, d’expropriation ou de déplacement dans un avenir proche.
STATUT DE RÉSIDENT
30. Des mesures restrictives continuent de s’appliquer pour les papiers d’identité et le statut de résident des Palestiniens de Jérusalem-Est. A la suite de l’occupation israélienne de Jérusalem-Est en 1967, a été accordé aux habitants palestiniens de la ville le statut civil de « résidents permanents » d’Israël. Ce statut leur donne le droit de vivre à Jérusalem et de travailler en Israël, sans besoin de permis spécifique. Afin de garder ce statut, les habitants doivent régulièrement prouver qu’ils respectent les critères selon lesquels Jérusalem constitue le centre de leur vie. S’ils ne réussissent pas à convaincre les autorités israéliennes, leur statut est révoqué et ils perdent le droit de résider dans la ville. Entre 1967 et le milieu de 2010, quelques 14 000 Palestiniens ont vu leur statut révoqué. A la différence de la citoyenneté israélienne, la résidence permanente n’est pas automatiquement transmise aux enfants non-juifs, auxquels celle-ci n’est accordée que sous certaines conditions. Cette situation provoque des difficultés pour enregistrer des enfants dans le cas où l’un des parents habite à Jérusalem et l’autre est originaire d’une autre partie de la Cisjordanie ou de la bande de Gaza. Le Centre de Jérusalem pour les droits socio-économiques estime que le nombre d’enfants non-enregistrés atteint le chiffre de 10 000 à Jérusalem-Est. L’impossibilité d’enregistrer ces enfants signifie qu’il leur est extrêmement difficile d’accéder à une éducation de base, aux soins de santé et à d’autres services sociaux. Environ 5 500 enfants en âge d’être scolarisés ne sont pas enregistrés et donc ne vont pas à l’école.
31. Le droit de résidence permanent n’étant pas automatiquement transféré par le mariage, un(e) habitant(e) palestinien(ne) de Jérusalem-Est qui épouse un(e) habitant(e) palestinien(ne) de Cisjordanie ou de la bande de Gaza et souhaite résider dans la ville avec son/sa conjoint(e) doit faire une demande de regroupement familial. Les demandes de regroupement familial et de cartes d’identité, ainsi que celles pour l’identification des enfants et des conjoints, font l’objet une procédure bureaucratique longue et onéreuse. En 2003, Israël a introduit la Loi sur la nationalité et l’entrée en Israël, qui a un impact disproportionné sur les habitants de Jérusalem-Est. En effet, cette Loi interdit le regroupement familial non seulement pour leurs conjoints, mais également pour leurs enfants.
32. Au mois de juin de cette année, les autorités israéliennes ont invoqué « le manquement au devoir de loyauté envers l’Etat d’Israël » afin de retirer le droit de résidence à trois membres du Conseil législatif palestinien, ainsi qu’à un ancien ministre palestinien pour les affaires de Jérusalem.
ACCÈS ET DÉPLACEMENTS
33. Le tracé de la barrière de séparation, et le régime de permis qui y est associé, continuent d’avoir des effets humanitaires, sociaux et économiques graves sur la vie des Palestiniens. Ils continuent de couper tout lien entre Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie et même entre les communautés palestiniennes à Jérusalem-Est.
34. La construction de la barrière de séparation, qui a démarré en 2002, a continué tout au long de 2010. Dans la zone autour de la municipalité de Jérusalem, la barrière de séparation est longue de 168 kms, dont seulement 3 % longe la Ligne verte de 1967. La raison principale de cette déviation était d’intégrer 12 colonies israéliennes (et l’espace pour leur future expansion). 35. Le tracé de la barrière de séparation modifie de fait les frontières de Jérusalem et, dans certains cas, elle traverse des quartiers palestiniens densément peuplés. Par conséquent, de nombreuses communautés palestiniennes (telles que celles de Kafr‘Aqab et de Shu’fat) habitant à l’intérieur de la frontière municipale de Jérusalem se retrouvent du côté « Cisjordanie » de la barrière de séparation. Ces communautés doivent passer des checkpoints pour avoir accès aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services auxquels ils ont droit en tant qu’habitants de Jérusalem. La barrière de séparation a également des effets sur 16 localités de Cisjordanie qui sont piégés du côté « Jérusalem » de la barrière de séparation. Le statut de ces habitants par rapport à leur droit de résidence est incertain ; ils n’ont pas accès aux services de base et craignent d’être déplacés.
36. Au mois d’avril de cette année, les travaux de construction sur la barrière de séparation autour du village palestinien de Al Walaja ont repris. Ces travaux ont entraîné la confiscation de terrains et le déracinement d’arbres. Une fois achevé, la barrière de séparation entourera complètement le village (qui ne sera accessible que par le biais d’un tunnel) et coupera les agriculteurs d’une grande partie de leurs terres agricoles.
37. Les Palestiniens qui n’ont pas de droit de résidence à Jérusalem-Est, ou qui n’ont pas la nationalité israélienne, ont besoin d’un permis pour entrer à Jérusalem. Les Palestiniens qui se voient accorder un permis ont un accès limité à 3 des 14 checkpoints de la barrière de séparation : à Qalandya, à Gilo et à Zaytoun. La procédure pour obtenir ce permis est difficile et longue et de nombreuses conditions s’appliquent, il y a par exemple une limite de temps ou l’interdiction de conduire une voiture ou de passer la nuit. Ceux qui ont une carte d’identité cisjordanienne et un permis pour Jérusalem ou Israël doivent entrer et sortir par le même checkpoint et courent le risque de se voir retirer leurs permis s’ils ne respectent pas cette obligation. Les permis sont suspendus lors de fermetures pour raisons de sécurité et souvent pendant les fêtes juives.
ÉDUCATION
38. Le secteur de l’éducation à Jérusalem-Est souffre énormément du nombre insuffisant de salles de classe, de l’état médiocre des équipements existants et de plusieurs restrictions d’accès. De nombreux étudiants n’arrivent pas à terminer leur cycle d’études secondaires et le taux d’élèves abandonnant leurs études est beaucoup plus élevé qu’à Jérusalem-Ouest. Il est extrêmement difficile pour les étudiants palestiniens d’avoir accès aux écoles ou universités. Leurs temps de trajet sont plus longs et ils subissent des retards pour y parvenir. C’est également le cas pour les étudiants de Jérusalem qui souhaitent aller à l’école de l’autre côté du mur de séparation.
39. Le système d’éducation à Jérusalem-Est manque toujours d’environ 1 000 salles de classe ; seulement 39 nouvelles salles de classe ont été construites récemment. Des limitations de l’aménagement urbain bloquent la construction de nouveaux équipements scolaires et certaines écoles sont menacées de démolition ou d’être mises sous scellés. A cause de cette pénurie, les enfants étudient souvent dans des salles de classe surpeuplées et improvisées, avec des équipements qui n’ont pas été prévus pour l’enseignement ; il manque des bibliothèques et même des cours de récréation. L’ONG israélienne ACRI estime qu’en 2009, 50 % des salles de classe à Jérusalem-Est étaient inadaptées ou en dessous des normes. Les étudiants de Jérusalem-Est sont également défavorisés par rapport au financement de l’éducation. Selon la municipalité de Jérusalem, les étudiants qui vont à l’école primaire à Jérusalem-Est ne bénéficient que d’un quart du budget dont bénéficient les étudiants dans d’autres parties de la ville. Seulement environ 20 % du budget global municipal pour l’éducation est dépensé à Jérusalem-Est.
SANTE
40. Alors que les habitants de Jérusalem-Est qui vivent du côté « Jérusalem » de la barrière de séparation ont la possibilité de bénéficier de l’assurance santé israélienne et d’un accès à des soins de santé convenables, les résidents de Jérusalem qui se retrouvent bloqués du côté « Cisjordanie » de la barrière se voient régulièrement privés de leur droit à des soins de santé appropriés.
41. Par ailleurs, des services de santé spécialisés, qui ne sont pas disponibles en Cisjordanie ou à Gaza, y compris des soins pour le diabète, le cancer et les maladies cardiovasculaires, sont uniquement dispensés par les hôpitaux (non-gouvernementaux) de Jérusalem-Est. Les Palestiniens de Cisjordanie, qui représentent environ 60 % du total des admissions dans ces hôpitaux, ont besoin d’un permis pour entrer à Jérusalem afin de recevoir des soins. Les patients qui ont besoin de soins urgents, qui sont uniquement disponibles à Jérusalem, sont particulièrement touchés par les retards qui résultent des restrictions d’accès imposées par les Israéliens. Les fermetures générales des checkpoints par les autorités israéliennes bloquent encore plus l’accès aux hôpitaux de Jérusalem-Est pour recevoir des soins car, sauf en cas d’urgence, les autres permis d’accès médicaux deviennent temporairement invalides. Pendant la période de 12 mois qui s’est terminée en mars 2010, il y a eu un total de 50 jours de fermeture générale.
42. Depuis 2008, tout le personnel médical, à l’exception des médecins, qui vit en Cisjordanie, n’est autorisé à traverser que par les trois checkpoints principaux (à Qalandiya, à Gilo et à Zaytoun). Seuls les médecins continuent d’avoir un tampon spécial sur leurs permis qui leur donne le droit d’utiliser n’importe quel checkpoint pour atteindre Jérusalem-Est. Ces restrictions d’accès supplémentaires provoquent des retards importants et empêchent les hôpitaux de fonctionner de manière efficace, et de fournir des soins de santé de qualité.
43. Le Ministère israélien de la santé interdit aux hôpitaux de Jérusalem-Est d’importer du matériel médical de Cisjordanie, ce qui crée des problèmes d’approvisionnement et de logistique pour les hôpitaux et entraîne des coûts plus élevés. Par ailleurs, chaque hôpital a un quota pour le nombre de nouveaux employés qu’il peut recruter en Cisjordanie. Le personnel médical stagiaire a également besoin d’avoir accès aux hôpitaux afin d’achever ses études (et, par conséquent, de répondre aux besoins futurs en termes de personnel pour le secteur de santé). Environ 90 % de ces étudiants viennent de Cisjordanie. En juin 2010, un grand nombre de ces étudiants se sont vus refuser le renouvellement de leur permis par les autorités israéliennes.
44. Bien que les habitants de Jérusalem-Est fassent partie du système de santé israélien et y cotisent, leur accès aux soins de santé est également limité par l’obligation pour le personnel ambulancier de ne rentrer dans les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est que sous escorte policière. Le temps d’attente pour une ambulance est souvent inutilement long et potentiellement extrêmement grave pour les habitants palestiniens de Jérusalem-Est.
L’ECONOMIE
45. La situation économique à Jérusalem-Est reste une source de préoccupation majeure. La barrière continue d’avoir des effets particulièrement négatifs sur les liens commerciaux historiquement forts entre la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Il existe, par exemple, des restrictions sur les importations de produits laitiers et de légumes de Cisjordanie vers Jérusalem-Est. Un projet de loi récent a pour objectif d’interdire aux Palestiniens d’y travailler en tant que guides touristiques. Ceci priverait non seulement les visiteurs d’une perspective palestinienne sur Jérusalem, mais représenterait également une baisse significative de revenus pour les Palestiniens de Jérusalem-Est.
46. Alors que les Palestiniens représentent environ 30 % de la population de Jérusalem, approximativement 10 % des dépenses du budget municipal sont réalisées dans les quartiers palestiniens. La fourniture de services à Jérusalem-Est par la Municipalité de Jérusalem est inadéquate. Les quartiers palestiniens sont caractérisés par le mauvais état des routes, le manque ou l’absence totale de nettoyage des rues, les systèmes d’assainissement limités et l’absence d’espaces publics bien entretenus. Cela contraste fortement avec les quartiers où vivent les Israéliens (dans les colonies de Jérusalem-Ouest comme dans celles de Jérusalem-Est).
47. Les chiffres sur la pauvreté à Jérusalem-Est sont bien plus élevés que dans d’autres secteurs de la ville. Selon les statistiques publiées par l’Institut national d’assurance, 75,3 % des adultes palestiniens et 83,1 % des enfants palestiniens à Jérusalem-Est vivent en dessous du seuil de la pauvreté. On estime que plus de 95 000 enfants à Jérusalem-Est vivent dans un état de pauvreté constant.
LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT
48. De nombreux projets d’infrastructure qui ont été achevés ou qui sont en cours contribuent au contrôle israélien sur Jérusalem-Est occupée. Un tramway/train léger sur rail reliera les colonies israéliennes de Jérusalem-Est avec le centre de Jérusalem-Ouest. Sa construction s’est poursuivie tout au long de 2010 et est prévue de s’achever dans les prochains mois. La première ligne de ce tramway passera dans le quartier palestinien de Shu-fat et touchera la frontière sud de Beit Hanina.
49. Un réseau de routes séparé et d’un niveau inférieur est actuellement en train d’être créé pour les Palestiniens autour de Jérusalem. Un réseau de routes de contournement, à l’est de Jérusalem, est en train d’être construit et reliera les quartiers palestiniens situés derrière la barrière de séparation au nord et au sud de Jérusalem. Il semblerait que l’objectif des autorités israéliennes pour ces routes est de sécuriser la soi-disante « continuité de transport » pour les Palestiniens vivant au nord et au sud de la Cisjordanie qui, en réalité, sont déjà privés de la possibilité de se déplacer depuis Ramallah jusqu’à Bethléem en passant par Jérusalem-Est. Il est prévu que l’une des routes principales reliant Hizma à Az Zayyem aura un accès, limité par un checkpoint israélien supplémentaire, à Anata (au nord de Ma’ale Adumium). Elle est séparée par un mur d’une route parallèle réservée exclusivement aux véhicules israéliens, qui relie la colonie de Ma’ale Adumim à Jérusalem.
50. Il y a au moins deux autres routes actuellement en cours de construction : la première est la Route 20, une route de contournement latérale qui reliera directement la route 443 (à l’ouest de Ramallah) à Pisgat Zeev. Elle sera réservée aux Israéliens et aux habitants palestiniens de Jérusalem. La deuxième est une route d’accès supplémentaire au sud de Ma’ale Adumim, réservée aux seuls Israéliens et dont l’objectif est de faciliter la circulation et l’accès à Ma’ale Adumim. Des confiscations de terrains ont eu lieu au sud de la zone de Ma’ale Adumim/E1 pour la construction d’une autre route de contournement pour la circulation palestinienne. L’effet cumulé de ce nouveau réseau routier sera de limiter encore plus la circulation palestinienne dans la zone de Ma’ale Adumim/E1. Des communautés bédouines, qui ne sont pas prises en compte dans le processus d’urbanisme, ont déjà été déplacées de cette zone.
INSTITUTIONS PALESTINIENNES
51. En 1993, le ministre israélien des Affaires étrangères de l’époque a reconnu, dans un courrier à son homologue norvégien, l’importance des institutions palestiniennes à Jérusalem-Est et a ajouté que leurs activités ne seraient pas gênées. Cependant, en 2001, Israël a décidé de fermer la plupart de ces institutions. Selon les termes de la Feuille de route, Israël devait rouvrir ces institutions, alors que l’UE a également demandé la réouverture des institutions palestiniennes dans les conclusions du Conseil de décembre 2009.
52. Néanmoins, les autorités israéliennes continuent de renouveler l’ordre de fermeture pour de nombreuses institutions tous les six mois (le dernier date du 25 juillet et a prolongé la fermeture pour six mois supplémentaires à partir du 9 août 2010). Elles basent leur décision sur des affirmations selon lesquelles ces institutions sont affiliées à l’Autorité palestinienne et, par conséquent, violent les Accords d’Oslo. Cette situation contribue à saper le rôle de Jérusalem en tant que moteur et centre de la société palestinienne.
53. Le vide institutionnel et l’absence totale d’institutions dirigeantes à Jérusalem-Est créés par la fermeture prolongée de ces institutions, en particulier celle de Orient House, qui fonctionnait en tant que foyer de l’OLP à Jérusalem-Est, restent une préoccupation majeure. Les hommes politiques qui sont en activité à Jérusalem subissent des mesures répressives de la part d’Israël. Ce vide continue d’avoir un impact grave sur tous les domaines de la vie palestinienne à Jérusalem-Est (politique, économique, sociale et culturelle) et provoque une fragmentation croissante de la société à tous les niveaux, l’isolation de communautés et affaiblit le sens d’identité collective. Ce qui est également préoccupant, c’est le sentiment général partagé par de nombreux Palestiniens habitant à Jérusalem-Est d’être abandonnés, ainsi que l’absence d’institutions financées par l’Etat et les organisations laïques palestiniennes. Ceci donne aux organisations islamiques extrémistes plus de possibilités pour étendre leur influence.
ACCÈS AUX SITES RELIGIEUX
54. Jérusalem est une ville qui a une grande importance pour les trois religions monothéistes et abrite un grand nombre de leurs lieux sacrés. Cependant, tout au long de l’année, les restrictions d’accès et les régimes de fermeture continuent d’empêcher les fidèles chrétiens et musulmans de visiter leur lieux sacrés, qui sont situés à Jérusalem / dans la Vieille Ville. Les restrictions sont généralement renforcées pendant les fêtes religieuses. Pendant le mois de Ramadan, de nombreux musulmans ne peuvent aller prier dans la mosquée de leur choix, notamment à la mosquée de Al Aqsa. Cela était de nouveau le cas en 2010, quand l’accès pour les Palestiniens titulaires d’une carte d’identité cisjordanienne a été limité aux hommes de plus de 50 ans et aux femmes de plus de 45 ans et aux enfants de moins de 12 ans. Les hommes qui avaient entre 45 et 50 ans et les femmes d’entre 30 et 45 ans étaient obligés de demander des permis spéciaux. Cela veut dire que 40 % de la population de la Cisjordanie était privé d’accès à la prière de vendredi. Cependant, il faut noter que pendant la période de Ramadan, les checkpoints autour de Jérusalem fonctionnaient de manière plus ordonnée que par le passé.
55. En 2010, les autorités israéliennes ont de nouveau invoqué des raisons de sécurité pour intensifier les restrictions d’accès pour les pèlerins chrétiens pendant la Cérémonie du feu sacré de la Pâque orthodoxe chrétienne et pendant le dimanche des Rameaux. Des restrictions similaires ne sont pas mises en place pour la population juive pendant ses fêtes religieuses. Par ailleurs, un grand nombre de croyants chrétiens et musulmans ont des difficultés pour obtenir ou pour prolonger leurs permis, y compris pour rendre visite au clergé, et ceci pour plusieurs raisons. Les membres des églises et des communautés religieuses, ainsi que les volontaires qui travaillent pour eux, qui font la demande pour un permis de longue durée sont généralement soumis à des procédures longues, compliquées et opaques.
LE HARAM AL-SHARIF/ MONT DU TEMPLE
56. Les évènements au Haram al-Sharif, ou au mont du Temple, sont importants à plusieurs égards - ils sont source de tensions entre les différentes communautés au niveau local, mais suscitent également un intérêt mondial, l’exemple étant les grandes manifestations des musulmans à chaque fois qu’ils perçoivent que la présence musulmane à Jérusalem est contestée. Pour cette raison, le site est l’un des plus sensibles à Jérusalem et, par conséquent, tout évènement qui a lieu sur ce site, ou aux alentours, risque d’avoir des répercussions graves.
57. En 2010, la zone du Haram al-Sharif/mont du Temple a continué d’être marquée par un accroissement de tensions et de provocations qui ont provoqué des émeutes dans les quartiers palestiniens. Des visites répétées et provocatrices effectuées par des groupes radicaux politiques et religieux juifs dans la zone de Haram, qui ont continué en 2010, sont extrêmement problématiques. Les forces israéliennes ont pénétré dans la mosquée Al Aqsa à plusieurs reprises et ont affronté des musulmans qui lançaient des pierres. Cette perception d’une menace sur les sites religieux alimente des rumeurs qui à leur tour conduisent à des confrontations violentes entre les différents groupes.
58. Les conflits concernant les différents projets de construction (par exemple, « les tunnels archéologiques », les projets récents qui visent à modifier l’esplanade du Mur des Lamentations...) sont des exemples de l’absence de recherche de consensus de la part d’Israël autour de ces projets qui concernent des zones sensibles de la ville. Les travaux sur la Porte Mughrabi en 2010 en sont un bon exemple. Le Waqf, la structure islamique responsable de la zone du Haram al-Sharif, a exprimé son inquiétude concernant la construction par les autorités israéliennes, sans leur accord, d’un nouveau pont pour remplacer la passerelle menant à la Porte Mughrabi qui s’était effondrée. Les travaux sur la Porte Mughrabi, le passage entre l’esplanade du Mur des Lamentations et le mont du Temple/ Haram al Sharif, ont repris au mois de septembre à la suite de la décision du Tribunal de district de Jérusalem d’autoriser les travaux. Selon le Waqf, les dégâts subis par la passerelle sont négligeables et pourrait être réparés sans remplacer toute la structure. Il soupçonne que cela pourrait être utilisé comme une opportunité pour entreprendre de nouvelles fouilles sous la passerelle ou, comme le projet semblait prévoir à l’origine (avant la décision de rejet du Tribunal), pour agrandir la zone de l’esplanade du Mur des Lamentations. Un nouveau projet pour la Porte Mughrabi, annoncé au mois de novembre de cette année, semble avoir beaucoup moins d’envergure dans le sens qu’il n’inclut pas l’agrandissement de la Place. Cependant, cette fois encore, le Waqf n’a pas été consulté dans ce processus.
[Annexe 2]
Renforcer la politique de l’UE sur Jérusalem-Est Les propositions des Chefs de Mission à Jérusalem et à Ramallah en 2010 sont globalement conformes avec celles de 2009. Gardant à l’esprit le caractère sensible de la situation à Jérusalem, elles ont été formulées dans un esprit visant à maintenir la possibilité d’une solution à deux Etats comme l’ont énoncé de nombreuses déclarations de l’UE, les conclusions du Conseil du 8 décembre 2009 n’étant pas des moindres. Elles restent donc valables, mais ont été adaptées et mises à jour pour refléter la situation décrite dans ce rapport annuel - soulignant des actions spécifiques visant à maintenir le tissu social palestinien à Jérusalem-Est aux niveaux politiques, culturels et économiques.
A. Jérusalem-Est en tant que future capitale palestinienne.
1) Conformément aux objectifs du Plan de Développement Stratégique Multisectoriel pour Jérusalem-Est, promouvoir une approche coordonnée et une stratégie palestinienne cohérentes vis-à-vis de Jérusalem-Est. 2) Promouvoir la mise en place d’un lieu central et d’un représentant de l’OLP à Jérusalem-Est. 3) Tenir des événements nationaux ou européens à Jérusalem-Est (quand cela est approprié pour les institutions palestiniennes). 4) Accueillir régulièrement les officiels Palestiniens et les visiteurs de l’UE de haut niveau dans les missions et résidences de l’UE à Jérusalem-Est. 5) Eviter un accompagnement sécuritaire ou protocolaire israélien des personnalités des Etats Membres lors des visites de la Vieille Ville et de Jérusalem-Est. 6) Empêcher/décourager les transactions financières d’acteurs de pays membres de l’UE à Jérusalem-Est, en adoptant une législation appropriée de l’UE. 7) Compiler des directives non contraignantes pour les Tour Opérateurs de l’UE pour empêcher le soutien aux activités des colonies de Jérusalem-Est (par exemple, hôtels, compagnies de bus, sites archéologiques contrôlés par des organisations pro-coloniales, etc.) 8) S’assurer que l’Accord d’Association UE-Israël ne sert pas à permettre l’exportation vers l’UE de produits fabriqués dans les colonies de Jérusalem-Est. 9) Elever la conscience publique sur les produits des colonies, par exemple en fournissant aux principaux distributeurs de l’UE des indications d’origine sur les produits des colonies. 10) Informer les citoyens de l’UE sur les risques financiers impliqués dans l’achat de propriétés dans Jérusalem-Est occupé.
B. Rouvrir les Institutions palestiniennes dans Jérusalem-Est.
1) Souligner la réouverture, stipulée par la feuille de route, des institutions palestiniennes lors des rencontres à haut niveau avec des représentants Israéliens, ainsi que dans les discussions et déclarations de l’UE et du Quartet. 2) Accueillir des événements de la société civile palestinienne de Jérusalem dans les édifices culturels, les consulats et les résidences diplomatiques jusqu’à ce que les institutions soient rouvertes. 3) Explorer l’utilisation des institutions palestiniennes pour promouvoir les intérêts conjoints EU-OLP.
C. Droits économiques et sociaux de la population palestinienne
1) Fournir une aide pour s’assurer que les Palestiniens soient inclus dans les plans directeurs de développement urbain à Jérusalem-Est afin que, par exemple, les besoins en logements palestiniens soient satisfaits. 2) Lors des rencontres de haut niveau, insister sur les graves préoccupations de l’EU concernant les services d’urgence inadéquats, tels qu’ambulances, pompiers et sécurité pour tous les habitants de Jérusalem-Est. 3) Coordonner, financer et soutenir des projets dans Jérusalem-Est.
D. Dimension religieuse et culturelle de la ville
1) Soutenir et encourager le dialogue interreligieux à Jérusalem. 2) Encourager les pays arabes à reconnaître la dimension multiculturelle de Jérusalem, y compris son patrimoine juif et chrétien. 3) S’engager à informer (par exemple, sites web, etc.) les citoyens de l’EU venant en visite sur la situation politique dans Jérusalem-Est.
E. Renforcer le rôle de l’Union Européenne
1) Rehausser la coordination locale entre les acteurs du Quartet pour leur influence dans la prise d’orientations et de décisions [israéliennes]. 2) Assurer la présence de l’UE quand il y a un risque de démolitions ou d’évictions de familles palestiniennes. 3) Assurer la présence de l’UE dans les tribunaux israéliens sur les cas de démolitions de maison ou d’évictions de familles palestiniennes. 4) Assurer l’intervention de l’UE quand des Palestiniens sont arrêtés ou intimidés par les autorités israéliennes pour des activités culturelles, sociales ou politiques pacifiques dans Jérusalem-Est.
5) Rendre opérationnelle la politique de l’UE
-  pour faire venir les visiteurs de haut niveau aux sites sensibles (par exemple, la barrière de séparation, etc.).
-  sur la logistique pour les visiteurs de haut niveau (par exemple : choix de l’hôtel, changement de transport Est /Ouest)
-  sur les contacts avec le maire de Jérusalem et en se retenant de rencontrer les responsables Israéliens dans leurs bureaux de Jérusalem-Est (par exemple, au ministère israélien de la justice, etc.)
-  sur la transmission d’informations à propos des colons violents de Jérusalem-Est, pour estimer s’ils ont le droit d’entrer dans l’UE.
publié par la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine