mardi 7 décembre 2010

Un regard vers le gouffre

publié le lundi 6 décembre 2010
Ghassan Khatib

 
"Deux types parallèles d’activité politique se sont mis en branle" : les contacts américains avec Israël dont les Palestiniens redoutent de rester à l’écart et de payer les frais, et les consultations entre Arabes et Palestiniens dans la recherche d’alternatives.
Des rapports contradictoires ont été publiés sur les résultats des efforts actuellement menés par les Etats-Unis pour relancer le processus de paix, lancé par l’administration de Washington au début de septembre dernier, puis sapés par la reprise des activités tous azimuts de colonisation israélienne.
Depuis lors deux types parallèles d’activité politique se sont mis en branle. D’abord les contacts américains avec Israël pour tenter d’amener à un nouveau gel de la colonisation qui pourrait permettre que les discussions continuent entre Israéliens et Palestiniens.
Ensuite, les Arabes et les Palestiniens se consultent en permanence, essayant de répondre à la question des alternatives dont nous disposons si les discussions s’arrêtent et si les efforts américains pour amener à un arrêt des activités de colonisation échouent.
Il est peu probable que l’administration actuelle répètera les erreurs de l’administration du président des Etats-Unis,Bill Clinton, quand elle annonça l’échec des négociations de Camp David. Ce qui entraîna un vide politique et une éruption de violence. C’est peut-être pourquoi l’administration américaine persiste à donner l’impression que les efforts se poursuivent.
Cependant, de nombreux rapports médiatiques non confirmés sont sortis sur les résultats des consultations entre Israël et les Etats-Unis concernant le gel de la colonisation et la reprise des pourparlers. Ces rapports révèlent des offres incroyablement généreuses de soutien financier, militaire et diplomatique en échange de concessions israéliennes sans grande signification, comme un gel de 2 à 3 mois. Ces rumeurs, qui n’ont pas encore été confirmées, exaspèrent la partie palestinienne et arabe pour deux raisons.
D’abord, il y a les craintes que cette approche des consultations américano-israéliennes ne laisse les Palestiniens complètement à l’écart. La peur c’est que les Palestiniens seront obligés de signer ce qui sortira de ces consultations, quoi que ce soit.
L’autre cause d’inquiétude c’est la possibilité que les efforts américains n’empiètent sur les droits des Palestiniens. Par exemple, que se passerait-il si les Etats-Unis et Israël décidaient que la direction palestinienne ne devait pas mener d’activités parfaitement légales ? Ou si les Etats-Unis accèdent à l’exigence israélienne de maintenir sa présence dans la partie orientale de Jérusalem ?
En plus de s’inquiéter, les parties palestinienne et arabe se sont activées à chercher des stratégies « alternatives » à mettre en place si les efforts américains échouent. Ces alternatives sont des variations diverses sur une même approche : un effort international pour aider à mettre fin à l’occupation et pour soutenir l’établissement d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël afin de réaliser la vision de paix internationale.
Une question demeure, cependant –que se passera-t-il si la communauté internationale et les Etats-Unis refusent de coopérer à une telle démarche, en insistant sur les négociations bilatérales ? Cette question génère un réel débat parmi les Palestiniens et débouche sur deux lignes de pensée possibles.
L’une fut présentée récemment lors d’un entretien avec le président Abbas, où il a émis la possibilité de dissoudre l’Autorité palestinienne (bien qu’il n’ait pas évoqué la faisabilité de cette option).
L’autre alternative, qui n’est pas nouvelle et n’est pas non plus majoritaire, reflète un changement dans le paradigme politique palestinien, de la solution à deux Etats vers la solution à un Etat. Dans ce cas, les Palestiniens d’Israël, des territoires occupés et de la diaspora se focaliseront sur l’obtention de leurs droits non négociables, dont le droit à la citoyenneté, aux droits humains, à l’éducation, au retour etc.
Mais, tandis que ces débats continuent, les sociétés palestinienne et israélienne se radicalisent d’une manière qui, entre autres choses, sape progressivement la position de l’’actuelle direction palestinienne.
Publié par bitterlemons.org dont Ghassan Khatib est co-rédacteur en chef.
traduction, intro et choix de photo : C. Léostic, Afps