lundi 13 décembre 2010

L'improbable "plan B" des Palestiniens

Déçue par l’impuissance américaine à forcer Israël à cesser la colonisation de ses territoires, l’Autorité palestinienne (AP) menace d’en appeler à l’ONU pour arracher la reconnaissance de son futur Etat. Après plus de quinze ans de négociations stériles avec l’Etat hébreu, cette stratégie alternative représente un tournant dans l’approche, adoptée jusque-ici, pour régler le conflit israélo-palestinien.
Ce passage en force est défendu par le négociateur en chef, Saeb Erakat, qui rencontre la secrétaire d’Etat, Hilary Clinton, ce week-end à Washington. « Mais les Américains exercent une forte pression pour que les Palestiniens ne mettent pas leur plan à exécution », prévient un diplomate français à Jérusalem. En effet, leur initiative inquiète fortement la communauté internationale.
Soutenu par Mahmoud Abbas, le chef de l’AP, ce plan à étapes est le suivant : d’abord demander à l’administration Obama de reconnaître l’Etat palestinien. Face au probable véto des Etats-Unis, Erakat et ses amis envisagent de porter, ensuite, la requête devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Et en cas de nouvel échec, leur exigence serait transmise, cette fois, à l’Assemblée générale des Nations unies, qui pourrait adopter une résolution – non contraignante.
« Nous comprenons cette stratégie, mais elle est dangereuse, et elle ne peut pas porter ses fruits », relève, de son côté, un diplomate d’un autre pays européen. "Jouer la carte de l’ONU sans appui américain est une erreur. Jamais, Washington ne reconnaîtra un état palestinien contre le gré de son allié israélien".
Ce virage ne fait pas, non plus, l’unanimité parmi la direction palestinienne. Salam Fayyad, le Premier ministre à qui la communauté internationale a confié la mission de bâtir les fondations d’un Etat, épouse les réserves occidentales. Mais il fait face à l’impatience d’une partie des cadres du Fatah, la colonne vertébrale de l’Autorité palestinienne. « Et Fayyad n’est qu’un gestionnaire, rappelle le diplomate français. Il n’exerce pas d’influence sur les négociations, qui sont du ressort de l’OLP ».
Dans son bras de fer, Saeb Erakat n’hésite pas à brandir la menace d’une autodissolution de l’Autorité palestinienne. Et c’est là où la donne se complique pour les pays donateurs, qui soutiennent à bout de bras l’embryon d’état palestinien. Mais pour des négociateurs discrédités par des dizaines de sommets infructueux avec les Israéliens, cette manœuvre permettrait de redorer leur blason auprès de la population. Elle obligerait également Israël à assumer la charge d’une occupation de territoires, dont elle est exemptée depuis la création de l’Autorité palestinienne en 1994.
Pour Abbas et les siens, un tel geste constituerait un aveu d’échec cinglant, sur lequel ses adversaires islamistes capitaliseraient. Et puis, ce serait la population qui en serait la première victime.
Pour toutes ces raisons, cette stratégie de la rupture est à haut risques. Mais en faisant de l’arrêt de la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-est un préalable à toute reprise des négociations, la direction palestinienne s’est, elle-même, placée dans une impasse. « Comment l’aider à redescendre de l’arbre ? », se demande-t-on dans les chancelleries occidentales.
Le temps presse. Car le moment de vérité approche. Dans six mois, Salam Fayyad prendra à témoin les pays donateurs, en leur disant qu’il a accompli sa mission (« State building »), et que c’est à eux, désormais, de prendre leurs responsabilités.
« Que ferons-nous ? », s’interroge-t-on au Quai d’Orsay. Accorder un certificat de naissance à l’Etat palestinien ? Le Brésil, la Norvège et d’autres pays y sont prêts. Mais, dans l’immédiat, pour éviter le passage par la case ONU, il convient de reprendre les pourparlers. Et donc contourner l’obstacle de la colonisation. En sautant directement à l’étape des frontières de la Palestine. Avec, en coulisses, un rôle accru pour l’Union européenne, maintenant que les Américains ont étalé leur impuissance. 
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