mercredi 29 décembre 2010

Beitin : L’armée soutient les crimes des colons et tire sur les manifestants pacifiques

Publié le 28-12-2010

A la demande des habitants de Beitin, tout près de Ramallah, les militants français ont rejoint les Palestiniens pour tenter de déblayer la route menant à Ramallah, entravée de pierres par les colons. Là encore, l’armée israélienne tire sur les manifestants. Mais que fout Israël à Ramallah ? Pourquoi empêcher les Palestiniens de vivre en paix et en sécurité ? Récit de Leila Shahshahani et photos de Jean-Christophe Peres.
Sur son blog ( http://degrenobleagaza.over-blog.com ), où l’on trouve notamment tous les détails de cette mission, Leila raconte :
Lundi 27 décembre
"Le matin, nous avons fait une brève escale à Naplouse (visite de l’université et de la vieille ville et accueil par le maire, historique du siège enduré par l’armée israélienne pendant la période de l’intifada...). Pris par le temps, nous avons dû abréger notre halte pour rejoindre directement un cortège de manifestants palestiniens nous attendant au village de Beitin.
En temps normal, ce village se trouve à cinq minutes en voiture de Ramallah. Mais depuis quelques temps, les colons installés à proximité ont barré la route à l’aide de gros blocs de pierre, gravas et matériaux en tous genres, dans le seul but d’entraver la circulation des Palestiniens. Les villageois doivent désormais utiliser une autre route de contournement, mettant une demi-heure pour rejoindre Ramallah (route que nous avons nous-même emprunté pour parvenir au village). A plusieurs reprises, les villageois de Beitin ont tenté de déplacer les pierres bloquant la route. Chaque fois, ils ont été agressés par les colons, doigts sur la gâchette. Ils nous ont donc sollicités pour les aider, comptant sur la présence d’internationaux pour calmer l’agressivité des colons.
Lorsque nous sommes arrivés sur place vers 16 heures, nous avons été accueillis par une petite centaine de Palestiniens, certains venus d’autres villages pour apporter leur soutien à cette manifestation. Rapidement, le cortège s’est mis en route. En moins de cinq minutes, nous sommes arrivés au niveau des premiers gros blocs posés au milieu de la route. Devant eux, un cordon de soldats nous barrait la route, pour nous empêcher de déplacer ces blocs. Nous avons tenté de les contourner par la droite dans un champ, descendant en direction d’un second barrage de pierres au milieu de la route. Derrière, Ramallah, si proche.
Là encore, des soldats nous attendaient, mains sur le fusil. Nous nous sommes avancés tranquillement dans leur direction, pacifiquement, drapeaux palestiniens en main, pour manifester notre mécontentement. Quelques secondes plus tard, une, puis plusieurs bombes sonores ont été lancées au milieu des manifestants, commençant à éparpiller la foule. Presque simultanément, les tirs de gaz lacrymogènes ont fusé de toute part, tirés quasiment à hauteur d’hommes, augmentant le risque de blessures. Difficile de qualifier l’agressivité des soldats israéliens face à des manifestants seulement armés de leurs slogans. La foule des manifestants, incluant de nombreux enfants, a été asphyxiée à plusieurs reprises, coincée en sandwich entre plusieurs nuages de fumée toxique. Pendant une demi-heure, et alors que les manifestants avaient largement battu en retraite, les tirs se sont poursuivis, sur une très grande distance. Un tir de balle en caoutchouc a même été entendu alors que la foule s’était déjà dispersée hors de portée des soldats israéliens.
Notre groupe de Français a été psychologiquement secoué par cet épisode, obligés de constater avec impuissance l’inégalité des forces en jeu, et la complicité des soldats venus couvrir de manière inconditionnelle les crimes des colons jusque dans leurs actes les plus racistes. Qu’on ne me parle plus de la « démocratie » d’Israël, qu’on ne me parle plus non plus du « processus de paix ». Il suffit de ses yeux pour constater que sur le terrain, le gouvernement n’a pas la moindre intention de stopper la colonisation. Pourquoi le ferait-il, puisque la communauté internationale n’a pas le courage de la moindre sanction à son égard ? Tel un enfant sans cadre, Israël franchit un à un les seuils de la cruauté. Combien de temps encore les Palestiniens tiendront-ils face à tant d’acharnement ? Profondément chamboulés, nous remontons dans nos bus à contre-coeur, tristes de devoir laisser les villageois de Beitin seuls face à tant d’injustice. La brutalité de l’armée israélienne et la folie des colons ne nous fera pas baisser les bras. Au contraire, elle renforce notre détermination à poursuivre ce combat pour le respect du droit. Nos manifestations de ces derniers jours ont fait la une des journaux locaux et nationaux, et nous recevons de nombreuses marques de sympathies de la part des Palestiniens que nous rencontrons. Tous ont des histoires à nous raconter, des histoires qui font froid dans le dos.
Ce soir, la grande majorité de notre groupe repart vers Jérusalem, puis la France. Nous sommes une petite dizaine seulement à dormir à Naplouse, avant de rejoindre le camp de réfugiés de Jénine, au nord de la Cisjordanie."
Les journaux nationaux publient des scènes de la manifestation de la veille au checkpoint de Kalandia (photo ci-dessus)
Par Leïla Shahshahani
CAPJPO-EuroPalestine