mardi 23 novembre 2010

Tourner la page des accords d’Oslo

publié le lundi 22 novembre 2010
Bernard Ravenel

 
l’ensemble du mouvement national palestinien arrive à la conclusion qu’il est inéluctable de repenser encore une fois sa stratégie
L’échec actuel de la relance du « processus de paix » entre l’Autorité palestinienne et Israël était prévisible. Et le récent échec électoral du président américain Barack Obama ne fera que renforcer la détermination du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à continuer la colonisation de la Palestine et éloigner encore plus la perspective de l’État palestinien. Il est déjà établi que, même si elle était « relancée », cette négociation ne déboucherait en aucune façon sur la naissance d’un État palestinien souverain. Face à une telle impasse, l’ensemble du mouvement national palestinien arrive à la conclusion qu’il est inéluctable de repenser encore une fois sa stratégie.
La société palestinienne est arrivée à une double conclusion. La première, c’est que, à travers son interprétation des accords d’Oslo, Israël n’a jamais vraiment envisagé de mettre fin à l’occupation et à la colonisation et, par conséquent, d’accepter l’instauration d’un État palestinien indépendant. La deuxième, c’est que, par leur politique et leurs déclarations, les Israéliens ont transmis un message sans équivoque : l’autodétermination pour les Palestiniens n’a jamais figuré à leur agenda.
C’est dans ce contexte d’impasse des négociations qu’en 2008 des personnalités du Fatah et du Hamas, ainsi que des personnalités du monde des affaires et des milieux intellectuels, ont constitué un groupe de réflexion dit « groupe d’Oxford » qui a élaboré un document important.
L’idée centrale est que les Palestiniens doivent démontrer aux Israéliens que ce qu’ils considèrent comme des stratégies alternatives à des négociations loyales (susceptibles d’aboutir à la création de l’État palestinien) ne leur seront pas plus favorables qu’un véritable accord négocié. Parmi d’autres propositions, le document défend l’idée que la direction palestinienne « reconsidère » sa stratégie, ce qui signifie d’abord l’arrêt des négociations dans le cadre actuel. Le document recommande en même temps la généralisation de la « résistance pacifique » .
De son côté, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a constitué un groupe de travail qui comprend des membres importants des différentes composantes de l’OLP, en particulier l’initiateur du « groupe d’Oxford », Mohammed Shtayyeh, pour proposer des alternatives à l’actuelle stratégie de négociation. Concernant l’option d’un seul État, plusieurs personnalités palestiniennes, comme Saeb Erekat et des journalistes proches de l’OLP l’ont déjà évoquée publiquement. Elle fait son chemin, mais sans être une stratégie qui serait contradictoire avec celle de la création d’un État palestinien.
En fait, quels que soient les scénarios sur la table, la quasi-totalité des mouvements politiques palestiniens continuent de revendiquer la création de l’État palestinien, sur la base du droit international. Certains dirigeants estiment que, dès lors que les Israéliens ont réussi à rendre caducs les accords d’Oslo, l’OLP est en droit de demander à l’Organisation des Nations unies de revenir au droit international, d’assumer ses responsabilités et de mettre le territoire palestinien sous tutelle internationale en déployant une force internationale à ses frontières. De leur côté, les États de la Ligue arabe et l’OLP demanderaient à l’Assemblée générale de l’ONU la reconnaissance de l’État palestinien dans les frontières de 1967 sur la base de l’offre palestinienne du Conseil national palestinien d’Alger de 1988.
S’adresser à l’ONU pourrait, pour l’OLP, signifier prendre acte de la fin officielle des accords d’Oslo et en même temps poser la question de l’avenir de l’Autorité palestinienne qui en est issue – Mahmoud Abbas a déjà, à plusieurs reprises, évoqué indirectement l’hypothèse de sa dissolution. On entrerait alors dans une période de redéfinition stratégique du mouvement national palestinien qui, pour en finir avec l’occupation et permettre l’existence de l’État palestinien, déploierait son action au moins sur deux axes complémentaires :
– une offensive diplomatique auprès de tous les États pour qu’enfin l’ONU reconnaisse l’État de Palestine et décide de mettre en place les mesures nécessaires pour appliquer ses propres résolutions ;
– un développement généralisé de la résistance populaire non-violente regroupant l’ensemble des forces nationales.
Ces deux axes de lutte nécessitent une mobilisation accrue des sociétés civiles au niveau international, condition du succès comme l’a montré toute l’histoire de la décolonisation au XX siècle.
Bernard Ravenel, président d’honneur de l’Association France Palestine solidarités (AFPS) a écrit avec Patrice Bouveret l’article « Coopération stratégique : l’axe Paris-Tel-Aviv », dans le livre collectif Sarkozy au Proche-Orient , dirigé par Farouk Mardam-Bey (Sindbad-Actes Sud, octobre 2010, 175 p., 17 €).
publié par la Croix