mardi 23 novembre 2010

« Israeltine, pays hybride »

publié le dimanche 21 novembre 2010
entretien avec Ziyad Clot. Agnès Rotivel

 
"Abusé par sa supériorité stratégique et militaire, encouragé par la passivité des diplomaties occidentales, plombé par la faiblesse, les divisions et les errances palestiniennes, Israël a créé un monstre. "
"L’« Israeltine », qui s’étend du Jourdain à la Méditerranée, est un État raté, une réalité composite, un conglomérat de territoires peuplés d’hommes et de femmes aux quotidiens et aux aspirations souvent divergentes : Israël et ses citoyens juifs qui s’ajoutent aux Arabes israéliens ; Jérusalem et ses populations juive et arabe ; la Cisjordanie, ses Palestiniens et ses colons ; et Gaza. Tous soumis à la gouvernance israélienne.
Cette réalité impose la solution de l’État unique. Ce pays hybride, « Israeltine », deviendrait un État unique dans lequel Israéliens et Palestiniens jouiraient d’une égalité de droits. La résolution des questions du statut permanent s’accommoderait bien mieux d’un État plutôt que de deux : les propriétés des réfugiés palestiniens sont situées des deux côtés de la ligne de 1967, tout comme les sites religieux, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans. Idem pour les ressources en eau. Beaucoup de colons israéliens demeureront là où ils sont. Compte tenu de la colonisation rampante de Jérusalem-Est, une administration collégiale de la Ville sainte redevient également d’actualité. Enfin, l’obsession sécuritaire d’Israël pousse l’état-major à vouloir conserver le contrôle de la frontière avec la Jordanie et la capacité à déployer son armée en moins de vingt-quatre heures en Cisjordanie en cas de menace venue de l’est.
Ce nouveau paradigme présente malheureusement un réel danger. On voit mal une cohabitation sereine s’instaurer demain en Terre sainte. Le constat actuel est même alarmant : autisme et radicalisation de la société israélienne ; divisions, désespoir et absence de direction politique côté palestinien ; diplomaties occidentales dépassées… Le chantier est immense, mais un grand pas sera réalisé le jour où les principaux protagonistes se résoudront à la réalité de l’État unique.
D’ailleurs, l’Histoire ne les attendra peut-être pas… Elle est souvent l’objet de coups d’accélérateur renversants. Les murs tombent parfois sans prévenir. Autant s’y préparer. "
Ziyad Clot Avocat français, palestinien par sa mère, négociateur lors des pourparlers d’Annapolis en 2008 est l’auteur de Il n’y aura pas d’État palestinien , Éd. Max Milo, 286 p., 18,90 €.
publié par la Croix, 19 novembre http://www.la-croix.com/