mardi 23 novembre 2010

La force tranquille d’une Palestinienne

Bethléem - 23-11-2010
Par Stephanie Westbrook

Raccogliendo la Pace” est un projet italien d’intervention civile pacifique en Palestine pour soutenir la récolte des olives et le travail du Popular Struggle Coordination Committee. Le projet est soutenu par Service Civil International-Italie, l’Association pour la paix et Un Ponte Per. Les bénévoles proposent un accompagnement international pendant quatre semaine dans le village de Jeb al-Theer, près de Bethléem, sous menace constante des colons vivant dans les colonies illégales voisines. 
A première vue, Umm Khaled est une Palestinienne comme beaucoup d’autres : un vêtement noir couvre son corps et sa tête, son visage marqué par les ans la fait paraître plus âgée qu’elle ne l’est probablement. Pourtant cette femme, qui selon les stéréotypes occidentaux devrait être ignorante et soumise dans une société patriarcale opprimante, possède une force peu commune, une force que seuls ceux qui ont connu la souffrance, et qui pourtant font face aux difficultés la tête haute, possèdent.
















Umm Khaled suivie par le colon
Nous l’avons rencontrée à Jeb Al-Theeb, petit village au sud de Bethléem, lors d’une réunion que nous avions organisée avec les résidents du village pour nous présenter et expliquer notre projet d’un mois d’accompagnement pendant la récolte des olives dans cette région menacée par les colonies israéliennes illégales de Tekoa et Nokdim, où vit le ministre israélien Lieberman. La fréquentation de la réunion a été plus faible que prévue, en dépit de tous nos efforts (dont une distribution d’un tract traduit en arabe par notre coordinateur local), à cause de la mort soudaine et des funérailles d’une femme du village. Il n’y avait qu’une dizaine d’adultes, entourés des enfants omniprésents.

Tandis que notre coordinateur commençait à parler avec les présents, même sans les traductions occasionnelles des questions et des réponses, il fut clair pour chacun d’entre nous que ces gens, après des années de harcèlement et d’attaques infâmes, étaient tout naturellement effrayés. Toutefois, une femme, qui venait de souligner les risques très réels auxquels elle et sa famille étaient confrontés, a décidé de tenter d’accéder à sa terre avec nous. Cette femme, c’est Umm Khaled, et à la lumière de la lampe au kérosène (Israël interdit à Jeb Al-Theeb d’avoir l’électricité), son visage résume l’histoire moderne de la Palestine : la souffrance d’un traitement injuste, l’espoir de vivre un jour une vie digne et la conscience de la nécessité de continuer à résister.
Rendez-vous fut pris pour le lendemain matin, à 7h30.
A 7h, nous avons commencé à grimper la colline qui nous séparait de Jeb al-Theeb, et, alors que nous commencions à apercevoir le village, nous avons vu Umm Khaled, qui nous attendait pour nous accueillir. Elle nous a offert un petit déjeuner copieux, suivi de la visite du minuscule jardin d’enfants du village, puis nous sommes partis vers l’oliveraie. Peinant derrière nous, un vieil homme qui avait été brutalement attaqué par des colons il y a deux ans. Il ne parlait pas, mais son sourire indiquait qu’il approuvait notre présence. Le long du court trajet jusqu’à l’oliveraie de Umm Khaled, le paysage est dominé par l’usine israélienne d’engrais construite à côté du village, avec sa puanteur. Une honte, et si ce n’était l’usine et les colonies, la vue en cette journée d’automne aurait été à couper le souffle.
Lorsque nous sommes arrivés dans l’oliveraie, nos pires craintes furent confirmées : les colons, après avoir interdit à Umm Khaled l’accès à sa propre terre, avaient volé la plupart de ses olives. Sans nous décourager, nous nous sommes mis au travail et quelques heures après, nous avions presque terminé de récolter les olives qui restaient, environ 15 kg. C’est alors qu’un colon, qui est maintenant devenu un visage odieux et familier, est arrivé en camionnette blanche, nous observant de loin, la mitraillette en bandoulière. Quelques minutes après, alors que nous continuions à ramasser les olives, il a sorti son téléphone et a appelé un certain Ariel. A ce stade, des expériences précédentes en mémoire, nous nous attendions à voir arriver les soldats de l’occupation, qui heureusement ne sont pas apparus.
Alors que nous avions pratiquement fini la récolte, nous avons commencé à prendre le chemin du retour vers le village. Le colon nous suivait lentement, dans son pick-up, dans une claire tentative d’intimidation, pendant que son complice, qui était arrivé au moment où nous descendions la colline, allait et venait au milieu de notre groupe avec arrogance, essayant de nous photographier. Ne voulant pas lui donner cette satisfaction, nous avons improvisé une sorte de ballet pour esquiver son appareil de photo, tandis qu’Umm Khaled continuait droit devant elle, la tête haute, sans même le regarder.
Les deux colons sont finalement partis et nous sommes arrivés au village, où Umm Khaled nous a montré comment on fait le taboun, un pain palestinien typique.

Nous avons déjeuné ensemble en profitant de la vue. Dans l’après-midi, une file de tabliers et de sacs à dos colorés est arrivée sur le sentier de la colline, tandis que les enfants revenaient de l’école, dans le village voisin, et ils ont passé l’après-midi à jouer avec nous, après avoir surmonté la timidité du début de notre rencontre.
Nous sommes partis au coucher du soleil, l’esprit plein des souvenirs de la journée et espérant que d’autres, dans ce village dévasté, suivront l’exemple de Umm Khaled, une femme extraordinaire.
Traduction : MR pour ISM