jeudi 25 novembre 2010

Il n’y aura jamais la paix sans un minimum de justice

publié le mercredi 24 novembre 2010
Palestine Monitor

 
Intervention de Mustapha Barghouthi au congrès de l’Internationale socialiste
Mustafa Barghouthi, de Palestine, pour l’Initiative nationale palestinienne, a remercié l’Internationale socialiste pour ses efforts constants en vue de soutenir la cause de la paix en Palestine et au Moyen-Orient, et il s’est excusé de se demander si on pouvait appeler la discussion en cours un débat puisque le représentant du Parti travailliste israélien avait quitté la salle tout de suite après avoir fait son discours.
Il a incité les participants a reconnaître que le supposé processus de paix est dans une impasse. Il a dit qu’il n’était pas difficile d’imaginer ce qui arriverait aux discussions directes et le risque d’échec élevé dû à la poursuite de la vieille politique d’extension des colonies, de nettoyage ethnique de Jérusalem et des mesures qui oppriment la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Israël négocie à l’aide de bulldozers. Il a parlé d’Aualage, un petit village de Bethléem au coeur de la Cisjordanie, dont les terres disparaissent devant les bulldozers et un mur trois fois plus long et deux fois plus haut que le mur de Berlin. Il a ajouté que le temps est essentiel car nous étions, a-t- il dit, sur le point de perdre l’occasion d’une paix basée sur la solution à deux Etats. Il est clair que par ce processus de paix Israël essaie de gagner du temps, imposant sa solution en construisant mur et colonies.
Il redoute qu’Israël n’ait pas en vue un Etat palestinien indépendant mais une poignée de bantoustans et de ghettos isolés les uns des autres. C’est un système d’apartheid qui est consolidé sur le terrain, a-t-il affirmé. Comment décrire autrement la situation quand Israël contrôle 80% des ressources en eau de Cisjordanie, quand les colons israéliens peuvent utiliser 48 fois plus d’eau que les citoyens palestiniens qui doivent acheter les produits israéliens au prix israélien et payer l’eau qu’Israël leur a volée.
IL n’y a pas d’autre mot pour qualifier la ségrégation des routes et des rues, ou la situation où un mari et une femme qui vivent à Jérusalem ne pourraient pas vivre ensemble si l’un d’eux avait une carte d’identité de Cisjordanie. Lui même, médecin pendant 15 ans à Jérusalem, n’a pas été autorisé à s’y rendre depuis 15 ans.
La grande question est de savoir si le processus de paix lui même s’est substitué à la paix et combien de temps cela va continuer. Quelle loi de l’humanité, a-t-il demandé, a donné à Israël le droit à l’impunité devant le droit international ? Quiconque ose critiquer Israël est immédiatement traité d’antisémite, même une personne juive aussi respectée que le juge Goldstone qui a osé parler des crimes de guerre à Gaza. Il ne pourra jamais y avoir de paix sans un minimum de justice, a-t-il poursuivi. Les Palestiniens ont tendu la main en geste de paix mais tout ce qu’ils ont reçu ces 18 dernières années ce fut davantage de guerre, de colonies, et un mur d’ apartheid.
Concernant le siège et le blocus de Gaza, il a déclaré que le Parti travailliste israélien niait qu’il y eût une crise humanitaire. Nulle part à Gaza on ne trouve d’eau qui soit buvable selon les critères internationaux parce que le gouvernement israélien bloque l’entrée des matériaux de construction nécessaires à la reconstruction du système d’égouts qui a été détruit. Deux cent vingt Palestiniens au moins sont morts parce qu’ils n’ont pas pu quitter Gaza pour avoir des traitement médicaux.
Vingt-cinq mille maisons, pratiquement détruites pendant la guerre contre Gaza, ne sont toujours pas reconstruites parce qu’Israël ne laisse pas entrer le ciment ou le verre à Gaza. 80 % de la population de Gaza vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. C’est une crise humanitaire, reconnue par les Nations unies, Amnesty international et la Croix rouge.
Il a incité le Parti travailliste israélien à écouter le monde civilisé. Le siège et le blocus, a-t-il poursuivi, ne visent pas le Hamas ; c’est une punition collective pour le million et demi de personnes qui vivent à Gaza. Si Israël voulait bien relâcher quelques centaines des milliers de Palestiniens qu’il détient dans ses geôles, dont plus de deux cents enfants, Gilad Shalit et d’autres pourraient rentrer chez eux. Il ne voit aucune justification à l’attaque israélienne contre la flottille. C’était une grave violation du droit international. Il espère que le monde comprendra que le peuple palestinien subit ce type d’agression depuis 43 ans.
Il a demandé pourquoi Israël refusait une enquête internationale et pourquoi quelqu’un comme Mairead McGuire, prix Nobel de la Paix pour le travail qu’elle a accompli en Irlande, est soudain traitée de terroriste depuis qu’elle a pris part à la flottille en solidarité avec le peuple palestinien.
Israël affirme ne pas occuper Gaza, a souligné Barghouthi. Il n’a absolument pas le droit d’infliger un blocus au million et demi de Palestiniens de Gaza sans en référer aux Nations unies et présenter la situation à la communauté internationale. Israël se place au dessus des lois tout en se faisant passer pour la victime, une victime qui dispose d’une armée qui est, semble-t-il, la cinquième du monde, avec 300 têtes nucléaires, et qui est le troisième exportateur militaire, avant la France et la Grande-Bretagne.
Selon lui, Israël devrait avoir honte d’un blocus qui, au lieu de gêner le Hamas, empêche les étudiants d’aller à l’université, les médecins de travailler correctement, les malades d’avoir leur dialyse. En conséquence il soutient la proposition européenne d’autoriser les navires à entrer à Gaza sous le contrôle que l’on pourra mettre en place, tant que ce blocus durera.
La lutte palestinienne aujourd’hui, a-t-il dit, est une lutte non violente, et il est fier qu’un récent sondage réalisé par un institut de sondage norvégien ait montré que dans les 6 ou 7 derniers mois, le nombre de Palestiniens qui soutiennent la non violence est passé de 40% à plus de 75%. Tous les mouvements politiques doivent respecter la non violence, dans la tradition de Gandhi et Martin Luther King. Il a plaidé pour que des pressions soient exercées sur Israël afin qu’il mette fin à la violence destructrice qui blesse ou tue des militants pacifiques venus du monde entier, y compris d’ Israël. Il est fier de cette stratégie de non violence, de la solidarité internationale et de l’unité palestinienne qui permettront de réaliser le rêve de liberté, d’indépendance, de dignité et de démocratie. C’est la seule base pour une bonne gouvernance, car une paix durable ne se fait qu’entre des démocraties, comme l’ Europe l’a montré.
Il regrette la récente décision prise en Palestine d’annuler les élections municipales en Cisjordanie, qui se moque du droit des gens de choisir ceux qui les dirigeront.
Le peuple de Palestine doit retrouver son unité afin d’élire librement et démocratiquement son président, son parlement et ses conseils locaux, comme c’est leur droit. Israël ne peut pas choisir pour eux ni décider qui va négocier en leur nom. Il y a eu des prétextes comme l’Union soviétique, puis la Syrie, l’Irak et maintenant l’ Iran, tout cela afin d’éviter la question principale, comment arriver à une solution avec le peuple palestinien, clé de la stabilité au Moyen-Orient.
La résistance palestinienne non violente ne pourra pas gagner sans l’aide et la solidarité internationales, a-t-il poursuivi. Dans le monde entier, la solidarité avec le peuple palestinien se développe, y compris avec des appels au désinvestissement et aux sanctions. Israël se met dans la même situation que l’Afrique du Sud avec le système d’apartheid. Cela ne sert ni les intérêts des Palestiniens ni ceux des Israéliens à long terme. Il a appelé l’Internationale socialiste, avec sa grande tradition de solidarité avec les peuples opprimés, à jouer un rôle dans cette « question n° 1 », comme l’appelait Mandela, la question du peuple palestinien.
Un véritable ami dit la vérité à ses amis, a-t-il dit, et il est temps de dire la vérité à Israël et de demander si le peuple palestinien, après avoir été privé de liberté pendant plus de 60 ans, ne doit pas avoir les mêmes droits que tous les autres.
La lutte pour la liberté ne concerne pas seulement les enfants palestiniens, mais les enfants israéliens aussi, pour les sauver, même eux, de la myopie politique, violente et arrogante, de leur gouvernement, qui a empêché la paix.
A propos du représentant du Parti travailliste israélien qui a mentionné le courage, il a dit que le véritable courage serait de prendre la décision de mettre fin au colonialisme, à l’occupation et à l’apartheid et de traiter finalement les Palestiniens comme des êtres humains égaux. En conclusion il a cité un grand dirigeant, inspirateur de leur lutte, Martin Luther King, qui déclara qu’au bout du compte ce ne sont pas les actes de nos ennemis que nous nous rappèlerons mais le silence de nos amis. Il a demandé instamment aux participants de ne pas rester silencieux.
18 novembre 2010
traduction : C. Léostic, Afps