vendredi 22 octobre 2010

Plus qu’un rameau d’olivier


Palestine - 21-10-2010
Par Khaled Amayreh 
L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) a exprimé son désir d’offrir à Israël des concessions importantes en échange de l’établissement d’un Etat palestinien viable sur tout ou presque tout de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza et de Jérusalem Est. Certaines de ces concessions représentent un net abandon des constantes nationales palestiniennes et autres positions palestiniennes immuables. Au début de la semaine, le secrétaire de l’OLP Yasser Abed Rabbo a dit lors d’un entretien que son organisation était prête à reconnaître Israël en tant qu’Etat juif si celui-ci acceptait de donner aux Palestiniens un Etat basé sur les frontières de 1967. « Nous sommes prêts à reconnaître Israël comme ce que les Israéliens veulent, et même comme Etat chinois, » a dit Abed Rabbo.

















Poignée de main entre Yasser Abed Rabbo (à gauche) et Ehud Barak avant une rencontre trilatérale avec B. Obama, M. Abbas et B. Netanyahu, le 22.9.2009, au Waldorf Astoria (New-York) (Getty Images)
Les remarques ont enragé nombre de Palestiniens, dont beaucoup de responsables Fatah, qui ont exhorté le chef de l’AP Mahmoud Abbas à limoger Abed Rabbo. Les déclarations de ce dernier ont particulièrement mis en colère les leaders de la communauté arabe en Israël, et l’un d’entre eux – Mohamed Barakeh – a lui aussi demandé la démission d’Abed Rabbo. « Il n’a aucun droit d’interférer dans le sort des citoyens arabes d’Israël. Il ne nous représente pas ; ce ne sont pas ses affaires. »
Israël n’a pas dit explicitement ce qu’il entendait par « reconnaître l’Etat d’Israël en tant qu’Etat juif. » Cependant, il est largement admis qu’Israël concocte des plans maléfiques contre son importante minorité palestinienne, qui constitue presque un quart de la population totale d’Israël, comme la déportation de la plupart d’entre eux, ou de la totalité, dans un éventuel Etat palestinien informe sur des morceaux de la Cisjordanie.
C’est le pire scénario possible pour les près de 2 millions de Palestiniens qui vivent toujours dans leur patrie ancestrale et qui, mieux que quiconque, comprennent les implications du « caractère juif d’Israël. » Evidemment irrités par les remarques d’Abed Rabbo, plusieurs leaders et membres de la Knesset représentant la communauté arabe en Israël se sont précipités à Ramallah pour rencontrer Abbas et lui exprimer l’indignation de leur communauté.
Un des leaders a dit à Abbas : « Monsieur le Président, M. Abed Rabbo réalise-t-il que la plupart des Israéliens comprennent que ses remarques constituent un consentement palestinien à la déportation de notre peuple de sa terre natale, à n’importe quel moment dans l’avenir ? S’il s’en rend compte, c’est une calamité ; s’il ne s’en rend pas compte, c’est une calamité encore plus grande. »
Suite à la rencontre, Abbas a dit à des journalistes qu’il ne reconnaîtrait jamais Israël comme un Etat juif, « parce que ça ne nous regarde pas. » « En outre, pourquoi Israël n’a-t-il pas demandé à l’Egypte et la Jordanie de le reconnaître comme un Etat juif ? »
On ne sait pas exactement si les remarques d’Abed Rabbo sont un lapsus ou s’il s’était coordonné avec Abbas avant, comme beaucoup de Palestiniens le suspectent.
Pendant ce temps, une autre bombe politique a explosé lundi soir 18 octobre, lorsqu’Abbas a dit lors d’un entretien à la télévision israélienne que l’OLP accepterait d’abandonner « tous les droits historiques » en échange de l’établissement d’un Etat palestinien dans les territoires occupés en 1967.
Abbas n’a pas clarifié ce qu’il entendait par « droits historiques » mais beaucoup – probablement la plupart – des Palestiniens ont pensé qu’il faisait allusion au droit au retour des réfugiés palestiniens déracinés de leurs maisons lorsqu’Israël a été créé en 1948.
Ghassan Al-Khatib, chef du service d’information de l’Autorité Palestinienne, a réfuté qu’Abbas ait exprimé son désir d’abandonner le droit au retour. « Le droit au retour est un des éléments sur lequel est basé l’intégralité du processus de paix. A mon avis, Abbas faisait allusion à d’autres droits historiques, comme la propriété palestinienne de la terre dans ce qui est maintenant Israël. »
Toutefois, le Hamas n’a pas accepté cette explication ni d’autres similaires et il a accusé la direction palestinienne de Ramallah de « faire des concessions gratuites à Israël sans rien recevoir en échange. »
« Plus rien de ce que fait ou dit cette entité appelée l’Autorité palestinienne ne me surprend. Ils abandonnent nos droits en échange de toujours plus d’illusions. Aujourd’hui, ils abandonnent le droit au retour, et demain ils abandonneront Jérusalem et Dieu sait quand ce flot de concessions va se terminer, » a dit Nayef Rajoub, une des leaders islamiques les plus populaires en Cisjordanie.
« Je puis vous dire que l’AP est d’ores et déjà devenue partie intégrante du système sécuritaire israélien, » a-t-il ajouté. Rajoub, qui a remporté le plus grand nombre de votes aux élections de 2006, n’a été que récemment libéré des prisons israéliennes, après avoir passé plus de quatre ans comme prisonnier politique pour son affiliation à la branche politique du Hamas.
Entre temps, l’AP, qui semble incapable de s’organiser de façon cohérente, envisage de demander à l’Assemblée générale des Nations Unies de déclarer les colonies israéliennes dans les territoires occupées, dont Jérusalem Est, illégales et contrevenant au droit international.
L’initiative, coordonnée avec les Etats arabes, remplacerait l’idée précédente de demander la reconnaissance du Conseil de Sécurité d’un Etat palestinien dans les territoires occupés en 1967. Il est largement admis que le groupe arabe aux Nations Unies a décidé d’abandonner ce projet après que les Etats-Unis aient clairement dit qu’il opposerait leur veto à toute résolution dans ce sens devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cependant, une résolution des Nations Unies contre les colonies serait suffisamment forte pour pousser Israël à inverser sa politique actuelle, surtout compte tenu du soutien sans réserve des Etats-Unis. De plus, toute nouvelle résolution contre les colonies israéliennes dans les territoires occupés ne serait qu’un ajout à la longue liste de résolutions antérieures qu’Israël comme les Etats-Unis ont ignorées, les foulant au pied, ainsi que le droit international.
Essayant de contrecarrer les tentatives de l’AP auprès des Nations Unies, Israël a donné certaines indications qu’il pourrait accepter un gel des colonies partiel et bref pour « donner une chance à la paix. » Les médias israéliens ont cité les propos du nouvel ambassadeur d’Israël aux Nations Unies, Meron Renven, « Le gouvernement [israélien] est à la recherche de possibilités et des manières différentes de voir où prendre le processus de paix et comment le prendre à partir d’ici. » (toujours aussi clair, les diplomates sionistes… ndt)
Reuven a refusé de dire quand et dans quelles circonstances Israël pourrait poursuivre le gel de la colonisation, disant que la décision devrait être prise par le gouvernement israélien.
Le responsable Fatah Ahmed Qurei a rejeté « toutes ces démarches et négociations » comme « une redite des mêmes illusions, magouilles, manœuvres mensongères et échecs auxquels nous sommes tellement habitués. » Au début de cette semaine au Caire, Qurei a dit qu’une alternative aux discussions futiles était de déclarer unilatéralement un Etat puis de demander que l’Etat soit mis sous protection internationale.
Qurey a noté cependant que le désaccord intra-palestinien devait être résolu, en dépit des « tentatives contraires » de certains partis régionaux, avant qu’une telle démarche soit possible.
« C’est le tournant le plus grave de l’histoire de la question palestinienne, et si nous n’agissons pas ensemble en tant qu’Arabes et Palestiniens, il y aura une catastrophe dont les conséquences affecteront toute la région. »
Traduction : MR pour ISM