samedi 5 juin 2010

Le Rachel Corrie vogue obstinément vers Gaza

05/06/2010
Le cargo humanitaire Rachel Corrie à quai avant son départ pour la
 bande de Gaza. Photo AFP
Le cargo humanitaire Rachel Corrie à quai avant son départ pour la bande de Gaza. Photo AFP
Flottille de la liberté Alors que le Hamas était remis en selle face à Israël et à l’Autorité palestinienne par le « fiasco » de l’opération « Sea Breeze », et que la Turquie maintenait la pression sur l’État hébreu, un cargo chargé d’aide humanitaire, le Rachel Corrie, poursuivait sa route hier vers la bande de Gaza, déterminé à briser le blocus du territoire palestinien.

Le gouvernement islamo-conservateur turc a maintenu hier la pression sur Israël, quatre jours après le raid meurtrier israélien contre l'expédition maritime d'aide humanitaire pour Gaza. Dans un discours retransmis en direct à la télévision, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan s'en est pris une nouvelle fois à l'État hébreu, jadis allié stratégique de la Turquie. « Notre problème ne concerne pas les Israéliens ou le peuple juif. Notre problème concerne le gouvernement israélien oppresseur, qui pratique le terrorisme d'État », a-t-il dit, ajoutant : le gouvernement israélien est « hypocrite », « paranoïaque » et « il ment ». « Je m'adresse à eux dans leur propre langage. Le sixième commandement dit : "Thou shalt not kill". Ne le comprenez-vous pas ? » s'est-il exclamé usant de l'anglais biblique. « Je le dis à nouveau. Je dis en anglais "Tu ne tueras point". Vous ne comprenez toujours pas ? Alors je vais le dire dans votre propre langue. Je dis en hébreu "Lor Tirtzakh" », a martelé M. Erdogan. Le vice-Premier ministre, Bulent Arinc, avait annoncé plus tôt que son pays, qui a rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv et annulé trois manœuvres militaires conjointes, allait réduire « à un niveau minimum » ses liens économiques et d'industrie de défense avec Israël.
La veille, jeudi, le président des États-Unis, Barack Obama, avait affirmé que « le statu quo » était « intenable » au Proche-Orient, mais avait refusé de condamner l'arraisonnement de la flottille humanitaire tant que les faits ne seraient pas établis. Hier, l'ambassadeur de Turquie à Washington, Namik Tan, a fait part de sa déception devant l'absence de condamnation par les États-Unis. La Turquie et les États-Unis n'en demeurent pas moins des amis et des alliés, a assuré M. Tan. L'ambassadeur a en outre implicitement critiqué les États-Unis pour leur soutien à une enquête israélienne sur l'assaut. « Pouvez-vous imaginer un criminel qui mène l'enquête sur ses propres méfaits ? » a-t-il demandé.
De son côté, le représentant du quartette pour le Proche-Orient, Tony Blair, a estimé que le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza était « contreproductif », dans une interview accordée au quotidien The Independent. L'ancien Premier ministre britannique appelle à mettre en œuvre à Gaza une stratégie qui « isole les extrémistes et aide les gens, non pas l'inverse ». Pour sa part, le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, a félicité Chypre pour son attitude « responsable » concernant la flottille d'aide à Gaza. Chypre n'avait pas autorisé les bateaux de la flottille internationale à appareiller à partir de ses ports.
Côté palestinien, dans une déclaration à l'occasion de l'anniversaire de l'occupation israélienne des territoires arabes en 1967, le négociateur Saëb Erakat a estimé « qu'après 43 ans d'occupation, Israël semble avoir choisi l'apartheid plutôt que la paix ». Le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, a pour sa part appelé à « continuer les convois » navals d'aide au territoire palestinien pour « briser le siège ».
Sur le terrain, des avions médicalisés ont rapatrié d'Israël les cinq derniers militants turcs blessés, mettant un point final au retour de quelque 450 militants de l'expédition. Les forces de sécurité israéliennes étaient, elles, en état d'alerte, en particulier à Jérusalem. Des manifestations, à l'appel du Hamas et du mouvement radical Jihad islamique, ont rassemblé à Gaza des milliers de personnes brandissant des drapeaux turcs et palestiniens et scandant des slogans en faveur de la Turquie. En Cisjordanie, où plusieurs rassemblements ont eu lieu, un cortège dans le village de Bilin a présenté une réplique de bateau de 5 mètres montée sur une voiture. À Istanbul, environ 10 000 personnes ont conspué Israël, criant des slogans en faveur du Hamas. En Égypte, à Alexandrie, plus de 20 000 personnes ont manifesté scandant des slogans anti-israéliens, exigeant la levée du blocus imposé à la bande de Gaza et réclamant que le terminal de Rafah reste en permanence ouvert. Enfin, quelque 5 000 Malaisiens, dont le leader de l'opposition Anwar Ibrahim, ont manifesté devant l'ambassade des États-Unis à Kuala Lumpur et ont brûlé un drapeau israélien.
Entre-temps, le cargo Rachel Corrie, affrété par une organisation irlandaise pour acheminer de l'aide humanitaire à la bande de Gaza, se dirigeait hier vers l'enclave palestinienne où il devrait arriver aujourd'hui. Mairead Maguire, prix Nobel de la paix qui se trouve à bord, a affirmé que le navire compte toujours passer outre le blocus israélien. Toutefois, le chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman, a réaffirmé hier soir qu'Israël entendait lui interdire l'accès au port de Gaza.
Enfin, des inconnus ont peint dans la nuit de jeudi à vendredi des inscriptions en soutien à l'armée israélienne sur un monument aux morts turcs, à Beersheva (sud d'Israël). Le monument avait été érigé à la mémoire de 298 soldats ottomans tombés au champ d'honneur durant la Première Guerre mondiale (1914-1918). Le maire de la ville, Rubin Danilovitch, a dénoncé un « acte de voyous » et la police a ouvert une enquête.