Florent Moreau - La voix du Nord
L’espace Gérard-Philipe, à Feignies, diffuse ce soir « La terre parle arabe », dans le cadre de la semaine pour la Palestine. Ce film-documentaire retrace l’expulsion des Palestiniens de leur terre suite à l’émergence du mouvement sioniste, un demi-siècle avant la création de l’État d’Israël (1948).
La réalisatrice Maryse Gargour explique à « La Voix » ses motivations et fait part de son scepticisme quant à une paix durable au Proche-Orient.
Maryse Gargour - Photo : "La Voix"
Quelle est l’histoire racontée par votre film ?
« Ce film évoque l’idéologie du mouvement sioniste à ses origines, c’est-à-dire à la fin du XIXe siècle. Pour établir un État juif en Palestine, il a d’abord fallu "transférer" les populations qui y vivaient. Ce film est essentiellement basé sur ce concept de transfert, pour montrer comment les sionistes sont arrivés à leurs fins, en expulsant les Palestiniens par la force.
Il s’appuie sur des témoignages de gens qui ont vécu les massacres, les attentats des milices sionistes, l’expulsion par la force. Il montre ce qu’a été ce mouvement sioniste et ses conséquences, un thème qui n’est jamais abordé. »
Certains vous ont reproché d’aborder la création de l’État d’Israël sans évoquer la Shoah...
« La Shoah n’a rien à voir avec ce concept d’immigration. À travers les journaux arabes, français, anglais de l’époque, je montre la cadence de l’immigration à partir de la fin du XIXe siècle. Ce film est d’ailleurs basé sur des citations de leaders sionistes de cette époque.
La Shoah est un paramètre venu à la fin de la Seconde Guerre mondiale qui a accéléré ce mouvement, mais ne l’a pas bâti. Ce film est sans appel car il est basé sur de nombreuses recherches dans les archives anglaises, américaines, et comporte des archives audiovisuelles inédites. »
Vous qui avez été journaliste, que pensez-vous du traitement médiatique du conflit israélo-palestinien ?
« On médiatise ce qui est factuel. Un événement se produit et les médias rebondissent. En réalité, tous ces événements sont des conséquences de ce qui s’est passé avant. Les médias font des raccourcis politiques. Le "monde arabo-musulman", par exemple, est un concept nouveau. Qui a dit que le monde arabe était musulman ? Moi je suis Palestinienne, mais chrétienne. La Palestine a toujours été multiple, mais il y a une propagande entretenue par des mythes. Ça, c’est abject. »
En tant que Palestinienne, quels sentiments vous inspire ce conflit ?
« Un profond dégoût, en fait. Pas de la haine, mais du dégoût. Et un profond sentiment d’injustice, quand je vois une terre spoliée sur laquelle se poursuit l’arbitraire. »
Croyez-vous à la paix entre Palestiniens et Israéliens ?
« Les gens veulent vivre, ils veulent la paix. Mais quelle paix ? Basée sur quels territoires ? On parle aujourd’hui de territoires occupés, qui faisaient avant partie de la Jordanie, c’est-à-dire de l’ancienne Palestine puisque la Jordanie est un État artificiel créé par les Anglais... Je n’y crois pas, car il n’y a pas de volonté de paix de la part des Israéliens. Ça ne les intéresse pas car ils perdraient tous leurs acquis. Je ne crois pas à une paix qui ne serait pas basée sur quelque chose de concret. On parle d’une chose impossible. »
Vous n’entrevoyez donc aucun espoir dans les négociations menées actuellement ?
« Le seul espoir que je pourrais accepter, c’est que l’on reconnaisse le tort fait aux Palestiniens. Ça, c’est le début d’une négociation. Mais c’est du domaine de l’utopie. Jamais un État comme Israël ne va mettre en danger son identité. Il faudrait un changement radical du côté des Israéliens. Chose qu’ils ne feront jamais. »
« La Terre parle arabe » est diffusé ce soir, à 20 h 30, à l’espace Gérard-Philipe de Feignies. Entrée : 2 E.
14 mai 2010 - La Voix du Nord - Vous pouvez consulter cet article à :
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