samedi 15 mai 2010

"La répression israélienne contre ses citoyens palestiniens nous unit dans la lutte"


Palestine 48 - 14-05-2010
Par Ameer Makhoul

Entretien paru sur The Electronic Intifada le 6 mai 2010. L’introduction à cette entretien a été légèrement modifiée par les traducteurs pour tenir compte des derniers déroulements sur le terrain. 
(...) La répression a augmenté de manière dramatique depuis et plus de 1000 jeunes palestiniens en Israël ont été interrogés par le Shin Bet après les massacres de Gaza au cours de l’hiver 2008-2009. Les responsables de la société civile palestinienne, tels que moi, sont particulièrement visés. Le Sheikh Raed Salah, le responsable du Mouvement Islamique, a été poursuivi pour son action visant à la protection de Jérusalem face à la colonisation sioniste en cours et aux agissements des colons extrémistes. Un membre palestinien du parlement israélien (Knesset) Mohammed Barakeh a reçu un éclat de grenade sonore dans la jambe alors qu’il essayait de protéger des manifestants contre les agressions des forces israéliennes dans le village de Bilin en Cisjordanie. Le député Said Nafa s’est vu retirer son immunité parlementaire à cause d’une visite en Syrie. Depuis 3 ans Asmi Bishara un ex-député a été forcé à l’exil pour les mêmes raisons. Il y a un an, le Shin Bet m’a convoqué dans ses bureaux et m’a interrogé un jour entier pour essayer de me réduire au silence après les massacres israéliens à Gaza.


Ameer Makhoul, directeur de Ittijah et président du comité populaire pour la défense des libertés politiques en Palestine occupée en 1948 a été arrêté par les forces israéliennes le 6 mai 2010 au cours d’un raid chez lui. Cette arrestation a eu lieu deux semaines après qu’il ait reçu l’interdiction formelle de voyager à l’étranger de la part du Ministère de l’Intérieur Israélien.
Ameer Makhoul (à droite sur la photo) et un autre responsable palestinien, Omar Said, (à gauche sur la photo) membre du mouvement Abna Al Balad (les Enfants du Pays) arrêté le 24 avril, sont accusés d’espionnage pour le compte du Hezbollah. L’acte d’accusation d’abord maintenu secret a été rendu public en début de semaine. Pour l’instant les autorités coloniales n’ont pas autorisé ces responsables politiques à rencontrer leurs avocats, si ce n’est pour quelques minutes.
La police a aussi perquisitionné les bureaux de Ittijah et a confisqué les équipements et des documents. Juste avant son arrestation, Ameer Makhoul avait fait la déclaration suivante à The Electronic Intifada.
"Le mois dernier, lorsque je me suis rendu de Haifa à la fontrière avec la Jordanie, la police des frontières israéliennes m’a empêché de quitter mon pays. La police m’a présenté un ordre signé du Ministre de l’Intérieur Eli Yishai, m’interdisant de quitter Israël pendant deux mois. Cette interdiction de voyager fait partie d’une campagne qui se développe pour intimider et répandre la terreur au sein de la société civile palestinienne. La répression a pour objectif de nous diviser, mais elle a en fait l’effet inverse. Nous, Palestiniens en Israël, en Cisjordanie, à Gaza et en exil, sommes seulement plus déterminés et unis pour réclamer nos droits et pour construire une nation où nous pourrions vivre en toute liberté et avec les mêmes droits pour tous.
Le Ministre israélien de l’Intérieur pense que mes voyages à l’étranger “représentent une menace sérieuse pour la sécurité de l’Etat” selon l’article 6 des textes réglementaires de 1948 sur les situations d’urgence. Je suis le directeur de Ittijah, un collectif d’organisations communautaires arabes et le président du comité populaire pour la défense des libertés, qui est un sous-comité du Haut Comité des Masses Arabes en Israël. Ces 3 organisations unissent les Palestiniens en Israël, et nous avons décidé d’un commun accord de ne pas faire appel de cette interdiction de voyager à la Haute Cour de justice israélienne.
Chaque rencontre dans le monde arabe ou avec une personnalité arabe où que ce soit dans le monde est matière à suspicion pour les autorités. Les accusations à mon encontre sont basées sur des preuves secrètes que je n’ai pas été autorisées à connaître. Dans ce cas la Haute Cour fonctionne en prolongement des Services Généraux de Sécurité israéliens (GSS) ou Shin Bet. Israël n’a bien besoin d’apporter la preuve de ses soupçons. Au contraire c’est à moi d’apporter les preuves que les soupçons sont infondés. Le système judiciaire israélien est loin d’être égalitaire pour les Palestiniens.
Israël intimide Ittijah et le Comité Populaire de défense des libertés politiques parce que nous réaffirmons la contribution de notre communauté à la lutte palestinienne. Il y a 20 ans, peu de monde considérait les Palestiniens en Israël comme partie intégrante du peuple palestinien ou de la cause palestinienne. Pendant le processus d’Oslo au cours des années 90, nous avons été considérés uniquement comme un problème interne avec lequel Israël devait traiter mais nos activités de lobbying et de plaidoyer ont changé cette vision des choses. Israël exerce sur nous une répression croissante pour diviser les Palestiniens les uns des autres et les isoler du monde extérieur.
La répression et la persécution des Palestiniens en Israël ne sont pas nouvelles. Depuis 1948, Israël a imposé une politique de contrôle pour des motifs de sécurité. En 2007, le chef du Shin-Bet Yuval Diskin a mis en place une nouvelle politique désignant la totalité de la communauté palestinienne comme un risque sécuritaire afin de contrecarrer les visions démocratiques de la société civile palestinienne en Israël d’un Etat pour tous ces citoyens.
La répression a augmenté de manière dramatique depuis et plus de 1000 jeunes palestiniens en Israël ont été interrogés par le Shin Bet après les massacres de Gaza au cours de l’hiver 2008-2009. Les responsables de la société civile palestinienne, tels que moi, sont particulièrement visés. Le Sheikh Raed Salah, le responsable du Mouvement Islamique, a été poursuivi pour son action visant à la protection de Jérusalem face à la colonisation sioniste en cours et aux agissements des colons extrémistes. Un membre palestinien du parlement israélien (Knesset) Mohammed Barakeh a reçu un éclat de grenade sonore dans la jambe alors qu’il essayait de protéger des manifestants contre les agressions des forces israéliennes dans le village de Bilin en Cisjordanie. Le député Said Nafa s’est vu retirer son immunité parlementaire à cause d’une visite en Syrie. Depuis 3 ans Asmi Bishara un ex-député a été forcé à l’exil pour les mêmes raisons. Il y a un an, le Shin Bet m’a convoqué dans ses bureaux et m’a interrogé un jour entier pour essayer de me réduire au silence après les massacres israéliens à Gaza.
Israël applique une approche diversifiée pour attaquer notre lutte: les autorités répriment et persécutent les Palestiniens pendant qu’elles empêchent les militants de la solidarité internationale et les journalistes de se rendre en Cisjordanie et à Gaza. De plus, les groupes d’extrême-droite en Israël commettent des violences envers des familles palestiniennes de Acre et Jaffa, et ceci en toute impunité. Il y a une semaine un groupe d’extrême-droite Im-Tirtu a lancé une campagne d’affichage incitant à la violence contre les membres de Adalah – le centre juridique pour les droits de la minorité arabe.
La société civile palestinienne proteste contre les pratiques répressives et d’intimidation, mais en même temps reste déterminée à poursuivre sa lutte. Nous avons réussi à nous unir et c’est important de protéger cet acquis. Nous n’allons pas permettre Israël d’isoler certains membres ou parties de notre communauté. Notre influence dans les médias arabes est grandissante et nous allons utiliser cette influence. Nous avons construit des réseaux internationaux et nous les appelons à nous soutenir. Les attaques dont l’objectif est de nous diviser ont un effet totalement contraire. L’injustice nous unit, nous sommes tous ensemble dans la lutte."