Tous les ingrédients d’une nouvelle confrontation entre le Hezbollah et l’Etat hébreu sont aujourd’hui réunis. La tension est en effet montée d’un cran dans la région, notamment entre Damas et Tel-Aviv. A l’origine, les accusations formulées par le président israélien, Shimon Pérès, reprochent à Damas de fournir des missiles Scud pouvant atteindre le territoire israélien au Hezbollah libanais. Les accusations ont certes été niées par le régime syrien ; cependant, de nombreux observateurs craignent que la confrontation soit quasi certaine, d’autant plus que la tension est vive depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et que l’éventualité d’une nouvelle guerre entre le Hezbollah et Israël est de plus en plus évoquée. Pour eux, la situation actuelle s’apparente étrangement à celle qui prévalait dans la zone à la veille du conflit de juillet 2006 entre Israël et les combattants du Hezbollah. Cette guerre, se rappelle-t-on, avait fait d’importants dégâts matériels et des centaines de morts au Liban, dans les bombardements aveugles de l’aviation israélienne.
La crise a pris de plus grandes proportions cette semaine avec le feu vert qu’aurait donné l’administration américaine à Israël pour frapper le Liban. Suite aux accusations lancées par le président israélien à Damas, les Etats-Unis ont réagi en se déclarant « de plus en plus inquiets » de l’éventuel transfert de missiles Scud, qui, selon eux, ferait peser « un risque important » sur le Liban. « Par cette position, (les Américains) encouragent Israël à mener une agression contre le Liban qu’ils tentent de cautionner au niveau international », a déclaré samedi dernier le député chiite Ali Fayyad. « Ainsi, les Etats-Unis se placeraient en position de complice en cas d’agression », a prévenu le député. Ces déclarations « exacerbent la tension et menacent directement la stabilité de la région », a-t-il ajouté, accusant Washington de tenter « de camoufler ses échecs ainsi que ceux d’Israël » au Proche-Orient.
M. Fayyad a qualifié les accusations israéliennes de « suppositions », précisant que « le Hezbollah n’(avait) pas coutume de commenter les fabulations israéliennes concernant l’arsenal qu’il possède ». Quant à la Syrie, dont les relations avec les Etats-Unis se sont améliorées après plusieurs années de tensions, elle a nié les allégations israéliennes, accusant l’Etat hébreu de préparer le terrain « à une éventuelle attaque dans la région ». Le gouvernement du président Bachar Al-Assad, qui a qualifié ces accusations d’« infondées », voit à travers ces gesticulations israéliennes une volonté de nuire aux nouvelles relations entre la Syrie et les Etats-Unis.
L’administration Obama embarrassée
Les accusations de l’Etat hébreu embarrassent donc la Maison Blanche, dont les stratèges craignent de voir la politique de main tendue de Barak Obama à la Syrie annihilée par la perspective d’une nouvelle guerre au Liban. Contrairement à ses prédécesseurs, Barak Obama mène, depuis son élection à la présidence des Etats-unis en novembre 2008, une politique de main tendue aux pays de la région, y compris la Syrie. Mais les résultats sont encore en deçà des espérances. Les stratèges de Washington cherchent, à travers cette nouvelle politique moyen-orientale, à mettre la Syrie dans la liste des pays devenus fréquentables pour la pousser à tourner le dos au régime iranien et aux groupes islamiques hostiles à l’Etat hébreu, dont le Hezbollah au Liban et le Hamas qui règne en maître absolu dans la bande de Gaza. C’est dire combien ces accusations israéliennes contre Damas embrassent les Etats-Unis.
La thèse de machination est aujourd’hui d’autant plus plausible que les autorités israéliennes n’ont pas apporté jusqu’à ce jour les preuves de leurs allégations. D’autre part, déjà en février dernier, Israël et Damas, qui soutient le Hezbollah, se sont livrés à une surenchère verbale, se menaçant mutuellement de représailles en cas de conflit militaire.
Abir Taleb